Intervention de Frédéric Oudea

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 11 mai 2016 à 11h03
Lutte contre l'évasion et la fraude fiscale internationales — Audition de M. Frédéric Oudéa directeur général de la société générale

Frédéric Oudea, directeur général de la Société Générale :

Pourquoi sommes-nous dans le métier de banque privée internationale ? La Société Générale, depuis son origine, il y a cent cinquante ans, a une vocation internationale. Deux ans après sa création, elle s'étendait à Londres. Elle avait un réseau en Russie, l'un des plus importants avant la révolution russe. L'international a toujours constitué l'ADN de la Société Générale.

Cette activité historique s'est d'abord appuyée sur des relations avec des entreprises, puis nous nous sommes développés avec des clients particuliers de banque privée. J'ai déjà indiqué que ce métier, relativement jeune, remonte à 1996.

Pourquoi continue-t-on à avoir ce type d'ambition internationale ? La combinaison de la banque de détail avec les services aux entreprises - la moitié de notre résultat de banque de détail se fait avec les PME - et de banque privée fait partie d'un modèle diversifié qui, malgré les contraintes que l'on connaît dans le monde bancaire, comme la réglementation, les taux d'intérêt, la digitalisation, nous permet de continuer à avoir un projet de développement motivant pour nos salariés et nos actionnaires. Cette diversification nous permet également de surmonter une crise qui pourrait au contraire se développer si notre activité ne couvrait qu'un seul pays ou une seule activité. Dans le monde incertain dans lequel nous vivons, nous avons envie de conserver un modèle diversifié.

Comment toutefois expliquer facilement à nos salariés du réseau français ce que l'on fait dans la banque privée à l'étranger ? Je suis moi-même confronté à cette question, et je la mesure donc parfaitement.

D'un point de vue stratégique, si les activités sont diversifiées, en revanche, l'idée est de partager une culture commune, un code de conduite commun qui va bien au-delà des sujets de fiscalité, de faire en sorte que les 145 000 salariés de ce groupe travaillent ensemble au service de nos clients.

Comment y parvenir ? En France, nous avons mis en place un nouveau modèle intégré de banque privée où l'on fournit à nos clients individuels, comme les responsables de PME, qui ont souvent en tête des sujets patrimoniaux, le service bancaire - le compte-courant, la carte de crédit - mais aussi des services pour leur entreprise qui peuvent aller de l'aide au financement d'une acquisition jusqu'à l'accompagnement dans la cession de l'entreprise, en passant par tous les services financiers de cash management, ou l'accès à l'exportation à travers nos réseaux.

L'objectif est de gérer ces activités de manière totalement cohérente. Le montant de revenus généré par plusieurs métiers et plusieurs implantations géographiques, au sein de la Société Générale, représente 30 % du total. Nous ne sommes donc pas un ensemble disparate d'activités, mais essayons au contraire de travailler en synergie.

Sans porter de jugement moral, le fait de devoir structurer son patrimoine au Brésil, à Londres, ou aux États-Unis, constitue une réalité pour un certain nombre de clients patrimoniaux. Nous ne sommes pas les seuls : la Société Générale est la quinzième banque privée européenne en taille d'actifs. Nous sommes un acteur assez modeste dans ces activités. Ainsi que je le disais, elles représentent 3 % de nos revenus totaux.

La question que vous posez est parfaitement légitime, et je la comprends : dans ce monde, il faut que l'on soit capable de tout expliquer, et je me réjouis de l'occasion qui m'est donnée de le faire ici. C'est notre devoir, et mon rôle en tant que directeur général.

Je ne crois pas que l'on puisse dire qu'on encourage la création de nouvelles sociétés offshore. On en a soixante-six avec Mossack Fonseca. Vous connaissez le nombre de résidents fiscaux français : il sont très peu nombreux.

Dans la compétition internationale, la question est de savoir si l'on assure ce service que d'autres proposent. Je n'ai pas d'informations concernant la situation des autres banques françaises et européennes. Je vois sortir dans les journaux un certain nombre d'informations sur d'autres, mais je pense que l'ACPR pourra vous en dire plus sur ce point.

Mon sentiment est que nous ne sommes pas les seuls. Je crois que l'on compte trois cent cinquante banques dans ce cas. Le choix des prestataires a pu varier. Je ne sais si ce qui a été communiqué donne une photo complète des activités de l'ensemble des banques européennes, mais nous sommes dans une concurrence internationale.

Si nous sommes amenés, à la demande d'un client, à créer une société de ce type et à assurer un service fiduciaire, les procédures que nous avons visent à garantir une totale conformité fiscale. Quant au manque à gagner, je ne me sens pas compétent pour vous répondre. Je pense que la direction des services fiscaux et l'ACPR auront une vision plus large que moi. En ce qui nous concerne, nous avons neuf résidents fiscaux français concernant six sociétés au Panama. Il s'agit donc d'un enjeu extraordinairement modeste, de plus en conformité fiscale. En l'espèce, je pense personnellement qu'il n'y a pas de manque à gagner.

S'agissant des fondations, il n'existe aucun lien capitalistique entre la Société Générale et nous. Ces fondations ont été créées en 2009, avec trente clients. Aujourd'hui, il n'y en a plus que deux, mais aucun résident fiscal français.

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