Intervention de Axelle Lemaire

Réunion du 29 avril 2016 à 14h30
République numérique — Article 32

Axelle Lemaire, secrétaire d'État :

Monsieur le rapporteur, monsieur le président de la commission, monsieur Karoutchi, je vous remercie beaucoup de vos interventions, qui permettent d’éclairer le débat.

Je ne suis pas certaine qu’il faille accorder à cet amendement des effets aussi importants que ceux que vous avez mentionnés, monsieur le président Bas. Au reste, il n’est pas ici question de modifier la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen !

Il s’agit de tenir compte de la réalité numérique pour respecter la mémoire du défunt, au-delà de son décès, lorsque cette personne ou ses héritiers n’ont pas été en capacité de contrôler les informations qui ont pu le concerner.

Pour ma part, je trouve le dispositif de l’amendement protecteur de la mémoire dans l’espace numérique – ce que n’est pas, aujourd'hui, le code civil.

Plusieurs notaires nous ont fait remarquer cette inadéquation entre le droit et les pratiques et demandent qu’y soit mis un terme. Aujourd'hui, ces professionnels se trouvent confrontés à des conflits de conscience : faut-il permettre l’accès à certaines informations que la personne défunte aurait très certainement détruites s’il s’était agi de documents papier ? Quid des informations qui figurent sur les réseaux sociaux, dans un message électronique envoyé parmi des dizaines de milliers d’autres, sur un relevé bancaire dématérialisé, faisant état, par exemple, d’un versement mensuel à un enfant non reconnu et non connu des héritiers ? Autant de situations que la personne défunte aurait pu délibérément cacher de son vivant, ce qu’elle n’a pas été en mesure de faire du fait de la dimension potentiellement « multiplicative » de l’identité individuelle dans l’ère numérique. Il me semble donc fondamental d’adapter notre droit pour répondre à cette situation nouvelle.

Sur ce sujet, nous avons naturellement eu des discussions très abouties avec la Chancellerie, laquelle est favorable à l’introduction de dispositions spécifiques, notamment l’obligation, pour les plateformes, de proposer aux personnes qui s’inscrivent en ligne, notamment sur un réseau social, la possibilité d’exprimer leurs vœux avant le décès physique, ce qui est plutôt une très bonne chose.

La Chancellerie souhaitait ajouter aux exceptions mentionnées, notamment la succession – cet amendement répond donc complètement à la préoccupation que vous avez exprimée, monsieur Karoutchi –, une autre exception, liée aux « souvenirs de famille », pour reprendre l’expression jurisprudentielle éprouvée, que l’on pourrait donc étendre à l’univers numérique.

Je pourrais déposer un sous-amendement visant à permettre aux héritiers d’accéder à toutes les informations nécessaires à la décision la plus éclairée possible concernant l’héritage et les successions, puisque c’est, finalement, le but.

Mais faut-il hériter de la totalité de la mémoire du défunt ? Faut-il que le numérique emporte une transparence absolue de la vie après la mort ?

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