Intervention de Axelle Lemaire

Réunion du 29 avril 2016 à 14h30
République numérique — Article 37 D

Axelle Lemaire, secrétaire d'État :

Avant toute chose, j’aimerais vous répondre très brièvement, madame Assassi, et vous rappeler que la définition du service universel, telle qu’elle existe dans le code des postes et des communications électroniques, provient de la transposition d’une directive européenne consacrée au sujet. Je rappellerai également que le Gouvernement français demande avec beaucoup d’insistance à la Commission européenne et à ses partenaires européens, dans le cadre de la révision du « paquet Télécom » engagée à Bruxelles, que cette définition soit modifiée.

En effet, madame la sénatrice, je vous l’accorde : la définition actuelle du service universel ne correspond plus du tout à la réalité des usages de nos concitoyens. C’est pourquoi je demande avec tant de fermeté que cette définition intègre notamment une dimension relative à internet. D’ailleurs, j’ai encore eu cette discussion voilà quelques jours avec mon homologue britannique, pour ne citer que lui.

J’en viens à l’amendement du Gouvernement. Celui-ci vise à soutenir l’investissement des entreprises, dans sa dimension numérique plus particulièrement bien sûr, mais aussi l’investissement considéré dans un sens plus large.

Nous défendons l’idée que, pour faire repartir la production industrielle en France, il faut non seulement aider nos entreprises à développer leurs marges, mais aussi faire en sorte que cette amélioration contribue à relancer l’investissement productif, entendu comme un investissement en faveur de l’innovation. C’est en effet la compétitivité-qualité que nous devons encourager dans nos entreprises.

L’an dernier, il y a un an plus exactement, nous avons pris une série de mesures pour favoriser l’investissement des entreprises. Ces mesures ont produit des résultats très concrets, puisque tous les chiffres démontrent que la reprise de l’investissement des entreprises a enfin lieu en France.

Parmi ces mesures, on trouve la disposition consacrée au suramortissement fiscal introduite dans la loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, qui permet aux entreprises de pratiquer un suramortissement de 40 % pour leurs investissements productifs. Concrètement, cela signifie que 13 % du montant des investissements réalisés par une entreprise qui acquitte un niveau normal d’impôt sur les sociétés peut être déduit de cet impôt.

Initialement destinée à durer jusqu’au 15 avril dernier, cette mesure a très bien fonctionné. Depuis son annonce, l’investissement dans les biens concernés par le champ d’application du dispositif a été dynamique puisqu’il a connu une hausse de 1, 9 % au deuxième trimestre de l’année dernière et de 2, 2 % au troisième trimestre de la même année. Il faut remonter au début de l’année 2011 pour observer une progression aussi rapide.

À titre d’illustration, l’INSEE a noté une forte progression des ventes de machines-outils et de la fourniture d’équipements industriels, biens qui sont particulièrement concernés par le suramortissement et qui ont respectivement augmenté de 6 % et de 5, 4 %. Nous agissons donc bien en faveur d’une politique proactive de ré-industrialisation de notre pays !

Dans le même temps, les investissements dans les produits qui n’étaient majoritairement pas éligibles au suramortissement, comme les biens d’équipement de l’information et de la communication, ont moins progressé, voire reculé. Globalement, les estimations de l’INSEE montrent que cette mesure de suramortissement rehausse l’investissement sur tous les produits manufacturés de 0, 2 point à 0, 4 point par trimestre.

Compte tenu de ces résultats, le Gouvernement a décidé de prolonger cette disposition dans le temps et de l’adapter pour faire entrer dans son champ d’application des investissements qui n’y figuraient pas jusqu’alors. Vous vous doutez, mesdames, messieurs les sénateurs, qu’une partie de ces investissements concernent le secteur du numérique.

Je vous prie de m’excuser d’être un peu longue, mais il me semble primordial de détailler le contenu exact de l’amendement que je vous propose.

Celui-ci a plus précisément pour objet de proroger jusqu’au 14 avril 2017 la déduction exceptionnelle en faveur de l’investissement productif, et ce pour l’ensemble des investissements déjà concernés, et d’en étendre le champ d’application à certains équipements informatiques, en appui de la démarche engagée pour la numérisation de l’ensemble de notre tissu productif, notamment au travers du plan « Industrie du futur ».

Il vise également à rendre applicable l’extension de la déduction exceptionnelle aux réseaux de fibre optique. Sur ce point, il faut noter que l’article 37 D prévoit déjà que cette extension puisse bénéficier non seulement aux entreprises qui construisent ou acquièrent un tel réseau, et qui en sont propriétaires, mais aussi aux opérateurs qui cofinancent un réseau et qui sont à ce titre titulaires d’un droit d’usage de celui-ci.

Il s’agit là d’une mesure qui favorise un maillage plus fin du territoire et qui assure donc une couverture numérique qui réponde davantage aux besoins exprimés, en particulier dans les zones les moins denses sur le plan démographique.

L’amendement du Gouvernement a aussi pour objet de préciser les modalités d’application de la déduction exceptionnelle accordée aux opérateurs titulaires de droits d’usage sur un réseau de fibre optique. Cette déduction ne porte que sur le montant du droit d’usage facturé, étant entendu que, dans le cas où ce montant comprendrait une composante représentative de l’entretien, cette fraction ne bénéficierait pas de ladite déduction.

Je rappelle en outre que les frais financiers sont également exclus du coût éligible des investissements.

S’agissant des co-investisseurs sur un réseau de fibre optique et à la différence des constructeurs de réseaux, la déduction exceptionnelle est étendue aux réseaux qui font l’objet d’une aide publique, ce qui correspond à une demande légitime, exprimée à plusieurs reprises par les membres de la Haute Assemblée. En effet, l’existence d’une aide attribuée par une personne publique n’est pas de nature à modifier les conditions de marché, sans lesquelles les cofinanceurs souscrivent leur droit d’usage au titre d’un réseau.

Pour finir, l’amendement tend à prévoir que la déduction s’applique au droit d’usage cédé avant le 15 avril de l’année prochaine au titre de réseaux eux-mêmes construits ou acquis entre le 1er janvier de cette année et le 15 avril de l’année prochaine.

J’ajoute que la rédaction actuelle de l’article 37 D introduit une ambiguïté qui pourrait éventuellement laisser penser que la déduction s’applique à des droits d’usage qui ne portent pas uniquement sur les biens précités. Or il n’est pas envisageable d’avantager les cofinanceurs par rapport aux opérateurs qui sont propriétaires de réseaux.

Enfin, et j’en terminerai là, j’indique que le dispositif proposé vient compléter une instruction fiscale qui a été déjà publiée.

Je vous invite donc, mesdames, messieurs les sénateurs, à soutenir cet amendement afin d’accélérer encore davantage l’investissement numérique et la couverture numérique de nos territoires.

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