Le sommet de la Terre de Rio de Janeiro a introduit dès 1992 le terme « biodiversité ». Depuis, la préservation de la biodiversité s’est imposée comme un enjeu écologique et sociétal majeur et fait l’objet d’une prise en compte croissante dans les politiques publiques.
C’est d’ailleurs dans cette optique de préservation de la biodiversité qu’ont été mises en place des stratégies de restauration et de conservation des espaces et des espèces protégés. Tout projet d’aménagement doit ainsi comporter une étude d’impact environnementale devant permettre de préciser les mesures susceptibles d’éviter, de réduire et, le cas échéant, de compenser les atteintes portées à l’environnement par ce projet.
Quel que soit le type de compensation écologique envisagée, sa mise en œuvre suppose une capacité à estimer les impacts d’un projet aux moyens d’indicateurs de biodiversité, afin de les compenser ailleurs par des opérations de création, de restauration, de réhabilitation ou de préservation apportant un gain quantitatif au moins équivalent pour la biodiversité. Le mécanisme le plus courant de mise en œuvre de mesures compensatoires en France est aujourd’hui la compensation par la demande.
Cependant, le présent article introduit, à côté de cette compensation par la demande, une compensation par l’offre consistant à recourir à des sites naturels de compensation, sans que cette modalité soit soumise aux procédures de l’article L. 122-3 du code de l’environnement. En effet, la compensation par l’offre repose sur la conduite et le suivi à long terme d’opérations de génie écologique, de réhabilitation ou de création de biodiversité par des acteurs spécialisés.
La rédaction actuelle, en l’absence de clarification, aboutit à ce qu’une compensation par acquisition commerciale d’unités de compensation puisse n’être débattue, et arrêtée, qu’au moment de la décision finale d’autorisation du projet, sans avoir fait l’objet des garanties préalables apportées par l’avis de l’autorité environnementale et la concertation.
Or ce sont précisément ces garanties qui permettent de contrôler l’équivalence entre impacts et compensation mentionnée à l’alinéa 14 du présent article qu’il y aurait donc lieu de supprimer.
Cet article suscite par ailleurs chez moi deux inquiétudes.
Plusieurs effets pervers ou collatéraux sont possibles. On risque notamment de laisser croire que tout est compensable. Aussi est-il nécessaire, selon moi, d’intégrer systématiquement des écologues compétents, afin d’évaluer la juste compensation pour un projet donné, de manière transparente. Il faut pour cela s’appuyer sur la connaissance de l’histoire du site et de son éco-potentialité réelle, évaluer les effets futurs des polluants dispersés par l’exploitation et envisager d’éventuelles mesures correctrices, ce qui est rarement le cas aujourd’hui.
En outre, il est souvent difficile, voire impossible, de mettre en œuvre une mesure rétro-correctrice. Prenons ainsi le cas de la construction d’une autoroute. Une fois l’étude d’impact réalisée, le budget alloué et les mesures compensatoires exécutées, le maître d’ouvrage disparaît, car il n’a plus de raison d’être, au profit d’un gestionnaire ou d’un concessionnaire. Si la preuve est ensuite apportée que la régression d’espèces ou d’habitats est bien un effet de la construction de l’autoroute, l’autorisation délivrée par l’État ne peut pas être retirée ou renégociée, le groupement constructeur ayant disparu, et l’argent supplémentaire est difficile à trouver.