Intervention de Évelyne Didier

Réunion du 12 mai 2016 à 10h30
Reconquête de la biodiversité de la nature et des paysages — Article 33 A

Photo de Évelyne DidierÉvelyne Didier :

Vous le savez, nous sommes attachés au triptyque « éviter, réduire, compenser » et nous partageons pleinement l’inscription de ce principe dans la loi. D’ailleurs, je pense que tous les élus sont intéressés, parce qu’éviter et réduire permet de faire des économies.

Pour autant, nous trouvons que la mise en œuvre de la compensation, comme elle est prévue dans cet article, n’apporte pas de garanties suffisantes et mériterait d’être bien plus encadrée.

Par cet amendement, nous souhaitons réaffirmer notre opposition de principe à la mise en œuvre de réserves d’actifs naturels.

Nous proposons donc de supprimer cette possibilité, qui constitue, à notre avis, un outil de compensation fondé sur des conceptions libérales de la protection de l’environnement.

Il s’agit d’une forme de monétarisation de la nature, qui légitime un droit à détruire. Elle s’inscrit dans la construction d’un marché financier des droits à polluer potentiellement spéculatif.

Elle laisse également entendre qu’il pourrait y avoir un principe d’équivalence écologique qui reste très difficile à manier, comme le souligne un rapport récemment publié. Ce que l’on détruit quelque part ne pourra jamais être restitué à l’identique ailleurs, parce que l’écosystème sera différent.

Dans ce cadre, comment traiter, par exemple, des territoires anciennement très industrialisés et aujourd’hui à l’abandon ?

Il pourrait y avoir une spécialisation des territoires qui verrait s’accentuer la différence sur le plan environnemental entre ceux qui sont riches et ceux qui sont pauvres. Je cite un exemple : il arrive parfois qu’on profite d’une friche industrielle polluée pour réaliser une compensation qu’on doit, de toute façon, faire. Réussir une telle opération est impossible et cela peut, finalement, nous amener à avoir des territoires pauvres en biodiversité et d’autres riches.

De nombreux travaux scientifiques soulignent l’échec des dispositifs de compensation outre-Atlantique et l’impossibilité de reconstruire des écosystèmes spécifiques.

Les réserves d’actifs naturels gérés par des banques nous placent dans une logique strictement comptable et monétaire. Demain, des banques traditionnelles pourront intervenir comme opérateurs de réserves d’actifs, en commercialisant des « unités de compensation » qu’elles créeraient avant même que la dégradation ne s’opère. C’est ce que l’on appelle une « compensation par l’offre », laquelle est incompatible avec les enjeux de développement durable.

Pour ces raisons, nous proposons de supprimer cette possibilité.

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