Intervention de Martine Pinville

Réunion du 17 mai 2016 à 14h30
Stockage réversible en couche géologique profonde des déchets radioactifs — Adoption d'une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Martine Pinville, secrétaire d'État :

La filière d’excellence qui s’est structurée autour de ce choix a permis le déploiement d’installations industrielles productives et sûres, sous le contrôle permanent de l’État et des autorités de sûreté. Le maintien de l’énergie nucléaire comme une composante essentielle de notre production d’électricité a été confirmé dans le cadre de la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte, qui a fixé l’objectif de 50 % d’énergie nucléaire dans notre mix électrique à l’horizon de 2025.

Or nous savons tous que l’énergie nucléaire produit des déchets dont il nous faut assumer la gestion sur le long terme. Afin d’assumer pleinement les conséquences de cette orientation stratégique déterminante, la France s’est dotée d’un cadre législatif pour la gestion des déchets radioactifs par la loi du 30 décembre 1991 relative aux recherches sur la gestion des déchets radioactifs, dite loi Bataille. Cette loi a notamment fixé des axes de recherches pour la gestion à long terme des déchets les plus radioactifs : les déchets de haute activité et de moyenne activité à vie longue.

Ces déchets, principalement issus de l’exploitation des réacteurs nucléaires de production d’électricité, représentent environ 3 % du volume de l’ensemble des déchets radioactifs, mais 99 % de la radioactivité totale que ceux-ci contiennent. La loi Bataille a instauré un cadre de gestion responsable de ces déchets à la fois par le Gouvernement et par le Parlement ; elle représente un enjeu essentiel de responsabilité de nos générations vis-à-vis des générations futures.

L’un des axes de recherche identifiés par la loi Bataille pour les déchets de haute activité et de moyenne activité à vie longue est le stockage en couche géologique profonde. Les études dans ce domaine ont été confiées à l’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs, l’ANDRA, établissement public créé par cette même loi et indépendant des producteurs de déchets.

Pour mener ses recherches sur le stockage de ces déchets, l’ANDRA a créé un laboratoire souterrain à Bure, dans le sud du département de la Meuse, à quelques centaines de mètres du département de la Haute-Marne. C’est dans la couche argileuse, située à 500 mètres de profondeur et âgée de 160 millions d’années, retenue pour ses propriétés de confinement de la radioactivité sur de très longues échelles de temps, que l’ANDRA a étudié la faisabilité du stockage de ces déchets.

En 2005, après quinze ans de recherches, l’ANDRA a remis au Gouvernement un rapport établissant la faisabilité industrielle du stockage des déchets dans la zone investiguée. Après évaluation de ces travaux scientifiques par la Commission nationale d’évaluation et par l’Autorité de sûreté nucléaire et au terme d’un débat public national, la loi du 28 juin 2006 de programme relative à la gestion durable des matières et déchets radioactifs a retenu le stockage en couche géologique profonde comme solution de référence pour la gestion à long terme de ces déchets.

L’option retenue par la France en 2006 a d’ailleurs été confortée au niveau européen par la directive Euratom du 19 juillet 2011 établissant un cadre communautaire pour la gestion responsable et sûre du combustible usé et des déchets radioactifs, qui préconise le stockage géologique profond pour ce même type de déchets.

La loi du 28 juin 2006 confie à l’ANDRA le soin de concevoir et de préparer l’implantation d’un centre de stockage à proximité du laboratoire de Bure, où, parallèlement, les recherches en cours seront poursuivies.

Ce projet industriel d’envergure, nommé Centre industriel de stockage géologique, ou Cigéo, est prévu au centre de la région Grand Est, qui accueille depuis plus de quarante ans des installations importantes de l’ANDRA pour la gestion d’autres types de déchets radioactifs. Il aura un effet d’entraînement économique fort pour ce territoire.

La loi du 28 juin 2006 impose à l’ANDRA une caractéristique décisive pour la conception de son stockage : celui-ci doit être réversible. Elle prévoit qu’une loi nouvelle doit définir les conditions de cette réversibilité.

Ce complément que le législateur doit apporter à son travail de 2006 peut aujourd’hui bénéficier de dix années d’études supplémentaires, ainsi que des conclusions du second débat public national organisé sur ce projet, qui s’est tenu en 2013. Préciser le cadre dans lequel l’ANDRA doit poursuivre ses études permettra de rendre plus robuste le dossier de demande d’autorisation de création de Cigéo et fiabilisera la mise à disposition d’une solution de gestion pérenne et sûre.

La présente proposition de loi apporte les compléments prévus par la loi de 2006 : elle précise la notion de réversibilité applicable à Cigéo ; elle instaure une phase industrielle pilote au démarrage de l’installation, conformément aux conclusions du débat public de 2013 ; elle prévoit plusieurs dispositions techniques nécessaires à la poursuite du projet, notamment en ce qui concerne la maîtrise foncière, et aménage son calendrier pour mieux correspondre aux conditions de mise en œuvre du projet.

Ce texte n’est cependant en rien une autorisation du projet : celle-ci, qui n’interviendrait pas avant 2021, serait délivrée par décret en Conseil d’État après une instruction technique de l’Autorité de sûreté nucléaire, un avis de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, l’OPECST, des collectivités territoriales concernées et de la Commission nationale d’évaluation et une enquête publique.

Cette autorisation permettra la réalisation de la phase pilote au cours de laquelle la démonstration de la sûreté de l’exploitation devra être pleinement apportée par l’ANDRA. Les résultats de la phase industrielle pilote feront l’objet d’un rapport de cet organisme, d’un avis de la Commission nationale d’évaluation et d’un avis de l’Autorité de sûreté nucléaire, transmis pour examen à l’OPECST. Si le rapport de l’OPECST en confirme la pertinence, le Gouvernement pourra alors déposer un projet de loi précisant les conditions du passage à l’exploitation courante du centre de stockage.

C’est au terme de l’analyse des résultats de la phase industrielle pilote que l’Autorité de sûreté nucléaire pourra délivrer l’autorisation de mise en service complète de l’installation, dont le caractère réversible sera réévalué tous les dix ans.

Le Gouvernement souscrit pleinement à la démarche des parlementaires d’horizons politiques différents qui proposent depuis plus d’un an des dispositions permettant de préciser les conditions de la poursuite du projet Cigéo.

Mesdames, messieurs les sénateurs, nous pouvons être fiers du dispositif élaboré en France depuis 1991 pour la gestion sûre et responsable de nos déchets radioactifs ; il marque notre souci de responsabilité vis-à-vis des générations futures.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion