Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, notre Haute Assemblée est tenue aujourd’hui d’examiner la « proposition de loi précisant les modalités de création d’une installation de stockage réversible en couche géologique profonde des déchets radioactifs de haute et moyenne activité à vie longue ».
La complexité de cet intitulé n’a d’égale que la gravité du sujet que nous traitons en cet instant.
Cette proposition de loi, nous le savons, reprenait dans sa version initiale le texte déposé par plusieurs députés socialistes sur le bureau de l’Assemblée nationale en novembre 2015. Elle portait le même intitulé, et ses dispositions étaient quasi identiques, ce qui, manifestement, démontre le caractère consensuel et transpartisan de ce texte.
D’ailleurs, comme il est noté par ses auteurs, à l’Assemblée nationale, et repris par l’actuelle proposition de loi, depuis la loi Bataille de 1991, en passant par la loi de 2006, le dossier de la gestion des déchets radioactifs a été traité avec une remarquable continuité politique, et ce aussi bien par les gouvernements successifs que par la représentation nationale.
Nous le savons, le texte a maintes fois été déposé, et ce sous diverses formes, qu’il s’agisse d’un article de l’avant-projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte, ou d’amendements à l’occasion de l’examen de ce même texte ou encore de celui du projet de loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques.
Toutes et tous, nous nous rejoignions sur un même point : le sujet était d’une importance telle qu’il devait faire l’objet d’un texte particulier, afin que la représentation nationale puisse disposer d’un temps suffisant pour en débattre.
La loi de 2006 a décidé de la construction, à Bure, aux limites de la Meuse et de la Haute-Marne, d’une installation de stockage réversible en couche géologique profonde, communément appelée Cigéo, destinée aux déchets radioactifs à haute et moyenne activité à vie longue.
Une directive de 2011 est venue conforter ce choix, puisqu’elle impose à la France, pour les déchets de ce type, de mettre « en place un stockage dans des installations appropriées qui serviront d’emplacement final ». Elle précise également que « l’entreposage des déchets radioactifs, y compris à long terme, n’est qu’une solution provisoire qui ne saurait constituer une alternative au stockage ».
Tout comme celle de nos collègues à l’Assemblée nationale, l’actuelle proposition de loi prévoit des ajustements du dispositif législatif mis en place en 2006, indispensables à l’avancement du projet Cigéo. Ceux-ci prennent en compte les recherches et études menées ces dix dernières années par l’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs, l’ANDRA, ainsi que les conclusions du débat public, organisé en 2013, et qui a fait apparaître de nouvelles attentes des citoyens, notamment celle de la création d’une phase industrielle pilote.
Par ailleurs, en application de la loi de 2006, les conditions de réversibilité doivent être fixées par une nouvelle loi, votée avant l’autorisation de création de Cigéo.
Cette proposition de loi vise trois objectifs que mon groupe ne peut que partager.
Non seulement elle définit non seulement la notion de réversibilité relative au stockage de déchets radioactifs, mais elle précise également que l’exploitation de l’installation de stockage en couche géologique profonde doit débuter par la phase industrielle pilote. Enfin, elle adapte la procédure d’autorisation d’une telle installation et le calendrier du projet.
S’agissant du premier objectif, qui définit la notion de réversibilité, il est important de noter que celle-ci ne doit pas être confondue avec la notion de récupérabilité. Le principe de réversibilité, comme l’indique l’ANDRA, se caractérise par l’impossibilité d’enfermer les générations futures dans les choix ou non-choix que nous ferions à la conception.
La réversibilité du stockage désigne bien la capacité à offrir à la génération suivante des choix sur la gestion à long terme des déchets radioactifs, y compris ceux de revenir sur les décisions prises par la génération antérieure. Et, comme la proposition de loi l’indique, elle inclut « la possibilité » de récupérer des colis de déchets déjà stockés. La récupérabilité n’est donc qu’un outil de la réversibilité, comme le précise l’ANDRA.
Par ailleurs, toujours selon l’Agence, la récupérabilité est nécessairement limitée dans le temps. Cigéo est conçu pour permettre le retrait sur toute sa période d’exploitation, au moins cent ans.
Concernant la phase industrielle pilote, qui ouvrira l’exploitation industrielle du site, laquelle est l’expression d’une large demande formulée lors du débat public qui s’est tenu en 2013, celle-ci permettra de tester dans les conditions d’exploitation les outils de la réversibilité, tels que la maîtrise des risques, le contrôle des performances des équipements industriels, la capacité à retirer des colis de déchets de leur alvéole de stockage, ou encore la capacité à sceller les galeries.
Là encore, nous ne pouvons qu’adhérer à ce processus de phase industrielle pilote, d’autant plus qu’elle exprime une demande forte du public.
Enfin, il fallait encore adapter le calendrier de la loi de 2006 pour reporter la date d’instruction de la demande d’autorisation de création à 2018.
Mes chers collègues, le sujet que nous traitons aujourd’hui est difficile et sensible, nous le savons bien, mais il ne s’agit pas ici de se prononcer pour ou contre le nucléaire ni d’en débattre. Il ne peut qu’au contraire nous rassembler.
C’est un fait, le nucléaire est une source énergétique essentielle pour la France, et les déchets radioactifs qui résultent de son exploitation existent. Il s’agit désormais d’assumer notre responsabilité en la matière, notamment à l’égard des générations futures. C’est une nécessité éthique, cela a été dit, que de trouver les moyens de les gérer. Nous devions trouver et mettre en œuvre une solution afin de stocker ces déchets, et c’est ce que nous avons fait avec le projet Cigéo. Nous devons nous en féliciter. Cela permet d’assurer, pour les années à venir, la protection des hommes et de la planète.
Je tiens, par ailleurs, à préciser que cette solution fait consensus au niveau international. Comme l’indique l’ANDRA, bien que les concepts et les milieux géologiques choisis varient en fonction des pays, tous ceux qui utilisent l’énergie électronucléaire, tels que la Finlande, la Suède, le Canada, la Chine, la Belgique, la Suisse, l’Allemagne, le Royaume-Uni ou encore le Japon, retiennent le stockage géologique comme solution de gestion définitive et sûre, à long terme, de leurs déchets.