Intervention de Véronique Descacq

Commission des affaires sociales — Réunion du 18 mai 2016 à 9h10
Instituer de nouvelles libertés et de nouvelles protections pour les entreprises et les actifs — Audition des représentants des organisations représentatives des salariés

Véronique Descacq, secrétaire générale adjointe de la Confédération française démocratique du travail :

Nous avions jugé, dans un premier temps, ce texte déséquilibré et d'essence très libérale. De notre point de vue, il ne sécurisait pas les parcours et fragilisait le dialogue social. Nous avons pesé de tout notre poids pour le faire évoluer. Aujourd'hui, il nous convient.

La CFDT considère que la situation économique et financière est difficile, pour des raisons conjoncturelles liées aux suites de la crise financière de 2008, et pour des raisons structurelles qui tiennent au défaut d'adaptation de notre modèle économique et social. En effet, du côté des entreprises, les investissements, l'innovation, ainsi que le souci de la montée en gamme et en qualité sont insuffisants. Du côté du modèle social, les travailleurs -et pas seulement les salariés- ne sont pas assez protégés ; je pense notamment aux formes nouvelles d'emploi. La précarité s'accroît, de même que le chômage et les contrats courts, y compris aux marges du salariat.

Nous voulons réformer afin de permettre à tous les acteurs de l'entreprise de trouver des solutions pour améliorer la compétitivité et apporter du progrès social. Selon nous, le dialogue social - premier pilier du texte - peut porter ces réformes profondes. À cet égard, la nouvelle articulation proposée entre la loi, la branche et l'entreprise est pertinente.

Il est donc faux de dire qu'il y aura un code du travail par entreprise. Les règles du droit du travail demeurent et continuent de s'appliquer à tous. Je pense aux 35 heures, par exemple.

Il y a aussi un droit supplétif : en l'absence d'accord dans les branches et dans les entreprises, c'est le code du travail qui s'applique. Il est donc faux de dire que les routiers verront la rémunération de leurs heures supplémentaires passer de 25 % à 10 % de leur salaire. Quelle organisation syndicale pourrait décider cela ?

La nouvelle articulation est, je le répète, pertinente : un code du travail qui protège, des branches dont le rôle est réaffirmé et des accords d'entreprise qui permettent une meilleure adaptation aux besoins des salariés et des entreprises.

Nous y mettons des conditions : le passage de la validation des accords à 50 % afin que, dans la négociation, le rapport de force penche du côté des salariés et de leurs représentants. Nous sommes attentifs à ce principe majoritaire : c'est pour nous la clef de voûte du dispositif.

La partie du projet de loi relative au temps de travail a été réécrite. Dans ce domaine, l'entreprise est le niveau le plus adapté pour faire le lien entre les besoins des entreprises et ceux des salariés. Selon nous, le texte n'induit pas d'inversion de la hiérarchie des normes. Aucune autorité supérieure ne vient en effet dire quelle est la norme la plus intéressante pour les salariés. Les salariés et leurs représentants sont les mieux placés pour dire quelle règle est facteur de progrès social et doit s'appliquer. Si un accord prévoit une moindre rémunération des heures supplémentaires, mais permet le financement des modes de garde, par exemple, qui décidera s'il est, ou non, facteur de progrès social ? Nous estimons qu'il revient aux salariés de juger ce qui est le plus favorable pour eux.

Je n'interviendrai pas sur la modulation du temps de travail. Le projet de loi n'innove pas en la matière. Depuis bien longtemps, les organisations syndicales se sont saisies de ce sujet pour la mettre en oeuvre.

Le deuxième pilier du texte est la sécurisation des parcours professionnels au travers du CPA. Le dispositif n'est pas complètement abouti, mais c'est un bon socle, qui permet de répondre aux enjeux de la précarisation croissante. Ce compte est en effet universel, et cela se vérifie en pratique. Il permet en effet de couvrir les salariés, les agents de la fonction publique, les travailleurs indépendants. Tous auront de nouveaux droits, par exemple en matière de représentation ou de couverture des risques en cas d'accident du travail. C'est le début d'une révolution sociale que d'attacher des droits aux individus plutôt qu'au statut !

Le CPA permet également une sécurisation des parcours professionnels. La forte orientation en termes de formation professionnelle donnée aux droits nouveaux répond aux enjeux de changement d'activité et de montée en compétence. Ce compte est donc adapté aux demandes de formation, en particulier de ceux qui en ont le plus besoin : jeunes sans qualification, salariés ou demandeurs d'emploi peu qualifiés...

Le CPA correspond donc parfaitement aux besoins des salariés aujourd'hui.

L'accompagnement universel, ou global, de l'ensemble du parcours professionnel et de vie, notamment par la levée des freins périphériques à l'emploi - problèmes de santé, d'intégration sociale... -, est une bonne chose, car il permet de protéger les plus fragiles.

Enfin, les mesures les plus dangereuses ont été écartées du texte. Elles traduisaient un fantasme de certaines organisations patronales, selon lesquelles faciliter le licenciement permettrait d'embaucher plus aisément. Je pense aux dispositions sur le barème des indemnités prud'homales, et au périmètre du licenciement économique, qui a été revu à l'article 30.

Le texte comprend, en outre, de multiples autres avancées : le renforcement de la lutte contre les discriminations et la protection des femmes à l'issue du congé maternité, le mandatement pour les salariés des TPE, la lutte contre le travail illégal...

Pour ce qui concerne la médecine du travail, grâce aux organisations syndicales et par l'intermédiaire du Conseil d'orientation des conditions de travail, le COCT, le texte est désormais de nature à mettre en oeuvre une protection plus effective des salariés, compte tenu de la pluridisciplinarité mise en oeuvre.

Nous proposons quelques modifications d'ordre technique. Je partage ainsi les inquiétudes de Catherine Perret sur le contrat de professionnalisation. Par ailleurs, s'agissant du compte personnel de formation (CPF), la possibilité d'y imputer des actions d'information est totalement contraire à l'esprit de ce compte. Enfin, nous sommes contre les dispositions transitoires proposées sur le forfait jours.

Au-delà de ces ajustements techniques, nous donnons un accord global sur ce texte, qui apporte beaucoup aux travailleurs de ce pays, qu'ils soient salariés ou non.

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