Intervention de Didier Porte

Commission des affaires sociales — Réunion du 18 mai 2016 à 9h10
Instituer de nouvelles libertés et de nouvelles protections pour les entreprises et les actifs — Audition des représentants des organisations représentatives des salariés

Didier Porte, secrétaire confédéral du secteur juridique de Force ouvrière :

À nos yeux, la nouvelle articulation entre la loi, les accords de branche et les accords d'entreprise représente une véritable révolution dans les modes de relations sociales. Vous avez évoqué, monsieur Lemoyne, la négociation de 2001. Notre organisation syndicale n'était en effet pas opposée à la négociation d'entreprise, mais la branche gardait alors toutes ses prérogatives de négociation au niveau national : on respectait la hiérarchie des normes. On peut aussi évoquer les lois Auroux de 1982, qui ont prévu les premières dérogations au code du travail. Pour autant, ce projet de loi prévoit non plus des dérogations, mais de la supplétivité, ce qui, en matière de droits collectifs, peut être encore plus dangereux pour les salariés si la loi ne cadre pas bien les possibilités d'accord.

La démocratie politique et la démocratie sociale ne sont pas, selon moi, comparables. Le lien de subordination existant dans l'entreprise affecte profondément la démocratie sociale. Les élus de la nation défendent l'intérêt général, auquel nous sommes certes nous aussi fortement attachés, tandis que nous représentons, en tant que syndicalistes, l'intérêt particulier des salariés.

La branche peut déjà renvoyer ce qu'elle veut, sans limite, aux accords d'entreprise. Dès lors qu'on respecte le principe de faveur, nous n'avons rien contre la négociation dans l'entreprise.

Quant au changement des règles de majorité dans la négociation d'entreprise, ce sera en effet plus compliqué de parvenir à un accord. Le seuil de 30 % est largement satisfaisant dès lors qu'il existe un droit d'opposition. En outre, toutes les organisations syndicales pouvant faire jouer leur droit d'opposition ne le font pas systématiquement, ce afin de laisser vivre la négociation collective.

La question de la démocratie directe a aussi été évoquée, ou plus précisément la possibilité pour les représentants du personnel de signer des accords. On peut certes discuter de la légitimité comparée des salariés syndiqués et non syndiqués. Pour autant, il s'agit là une fois de plus d'un contournement des organisations syndicales, auquel viennent s'ajouter le référendum et le mandatement. Dans les négociations consécutives à la loi Aubry, on a bien vu des salariés rejoindre des organisations syndicales à la demande de leur employeur afin de signer des accords. Nous préférerions au mandatement la possibilité, pour les organisations syndicales, de désigner un représentant au sein de l'entreprise, quand bien même aucune heure syndicale ne serait dégagée.

S'il existe des élus non syndiqués, c'est bien du fait des discriminations dont sont victimes les salariés syndiqués. Certains employeurs essayent de se séparer d'eux, alors même qu'ils favorisent la discussion au sein de l'entreprise. Ainsi, 80 % des dossiers traités aux prud'hommes concernent des entreprises sans présence syndicale. L'organisation syndicale dans l'entreprise n'est un frein ni au dialogue social ni à la compétitivité. Si un changement de culture doit avoir lieu, c'est donc bien du côté des employeurs.

Les dispositifs prévus par le projet de loi sur la médecine du travail, tel le certificat d'aptitude ou le remplacement des visites par des entretiens, visent quant à eux à pallier le manque de médecins du travail. Il faut absolument rendre plus attractive cette spécialité, qui ne doit pas rester le parent pauvre de la médecine, et faire en sorte qu'un vrai recrutement puisse avoir lieu. Par ailleurs, les missions du CHSCT vont être complètement diluées : les questions de santé et de sécurité au travail ne seront plus traitées avec autant d'attention qu'auparavant. Certains travailleurs pauvres ne voient pourtant de médecin que dans le cadre de la médecine du travail, qu'il importe donc de préserver. Enfin, on risque de passer à côté de certaines pathologies directement liées au travail.

Quant au C3P, ce dispositif a tout de même servi à justifier la retraite à 62 ans, ce qui nous coûte cher. On voit certains freiner des quatre fers pour sa mise en place, ce qui est assez regrettable, mais il ne faut pas charger la barque : faisons avec ce qui existe déjà. Nous verrons bien au fil du temps ce qui fonctionne dans ce dispositif.

Ce qui importe à nos yeux est la possibilité de liquider ses droits lors du passage à la retraite. On sait pourquoi certains salariés à la retraite sont obligés de travailler : le montant des pensions ne cesse de baisser, ce qui oblige parfois à travailler jusqu'à 70 ans pour pouvoir vivre dignement. Nous ne supportons pas le mélange du travail et de la retraite, qui est faite pour se reposer !

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion