Je voudrais insister sur la vitalité démontrée des négociations qui ont lieu au niveau des branches. Elles protègent l'ensemble des salariés en évitant que la concurrence entre entreprises d'un même secteur d'activité se fasse à leur détriment. La primauté donnée aux accords d'entreprise dans ce projet de loi conduira en revanche à un dumping entre entreprises et salariés d'un même secteur d'activité. Les TPE et PME non plus ne sont pas forcément favorables à ce changement dans la mesure où la branche les protège : toutes n'ont pas les moyens, par exemple, d'utiliser les heures supplémentaires autant que les grandes entreprises.
Qu'en est-il des entreprises dépourvues, de fait ou de droit, de représentants du personnel ? Dans certaines entreprises assujetties au système d'élections professionnelles, ces élections ne sont pas organisées. Je vous renvoie sur ce point au bilan dressé par le Haut Conseil du dialogue social. Si le taux de syndicalisation est faible en France, c'est bien parce que tout est fait pour éviter l'implantation des organisations syndicales dans l'entreprise. Le mandatement n'y changera rien. Voilà pourquoi il serait important de pouvoir désigner un représentant syndical dans l'entreprise.
La négociation annuelle obligatoire représente déjà souvent un problème : les entreprises ont en effet l'obligation d'ouvrir les négociations, mais pas celle de les conclure ! Là encore, les accords de branche sont supérieurs. On nous affirme que ces négociations d'entreprise créeraient de la vitalité et feraient du salarié un acteur. Dans la vraie vie, cela ne se passe pas ainsi ! On se trouve face à un employeur qui menace de licencier ou de délocaliser si on n'accepte pas une réduction des droits. Il existe un problème de loyauté de la négociation et d'accessibilité des informations pertinentes, telles que la marche générale de l'entreprise : la base de données unique prévue par la loi Rebsamen ne permet pas de négocier les conditions d'accès aux informations utiles à la négociation.
La situation est complexe : on nous affirme que les accords d'entreprise permettent un renforcement du dialogue social, mais, si tel était le cas, il y aurait déjà eu beaucoup plus d'accords conclus à ce niveau. Seules les négociations de branche créent une dynamique de négociation dans l'entreprise.
Le changement des règles de majorité représente une autre difficulté, notamment du fait de l'absence de droit d'opposition et, plus largement, de la fragilisation des syndicats.
J'en viens aux commissions paritaires permanentes prévues dans ce projet de loi. Les commissions paritaires d'interprétation existantes éprouvent des difficultés parce que l'administration du travail n'a pas assez de moyens pour désigner leurs présidents. Pourquoi serait-ce différent pour les nouvelles commissions paritaires permanentes ? Il faut prévoir les moyens adéquats pour qu'elles puissent travailler et dresser le bilan annuel des négociations de branche au regard des informations recueillies auprès des organisations syndicales et patronales. Je doute donc de l'utilité de ces commissions.