Intervention de Franck Mikula

Commission des affaires sociales — Réunion du 18 mai 2016 à 9h10
Instituer de nouvelles libertés et de nouvelles protections pour les entreprises et les actifs — Audition des représentants des organisations représentatives des salariés

Franck Mikula, secrétaire national au secteur emploi et formation au sein de la Confédération française de l'encadrement :

Je pense que les parallèles faits entre syndicalistes et politiques ont du sens. Nous ne faisons certes pas le même métier et l'intérêt général, ou plutôt l'intérêt commun, est bien votre apanage. On entend partout dire que les syndicats ne représentent personne ou, tout au plus, 5 % des salariés. Les partis politiques sont, eux aussi, confrontés à la faiblesse du nombre de leurs adhérents. Cela ne signifie pas pour autant que vous et nous ne sommes pas légitimes ! Notre légitimité, comme la vôtre, repose sur l'élection ; or la participation aux élections professionnelles dépasse celle relevée pour la plupart des élections nationales. Notre société est fondée sur la démocratie représentative ; l'oublier nous exposerait à de graves périls. Voilà pourquoi il importe de renforcer la représentation des citoyens et des salariés. On renforcerait ainsi le dialogue social, ce qui permettrait d'aboutir à de nouveaux compromis.

Vous avez mentionné les négociations de 2001, qui prévoyaient déjà une place accrue pour les négociations d'entreprise. À l'évidence, le présent projet de loi n'a pas inventé les accords d'entreprise. On en a déjà signé 40 000 ! Ce qui est nouveau, c'est de vouloir permettre la conclusion d'accords d'entreprise dérogatoires à la norme conventionnelle. Le législateur amplifie ainsi le processus d'inversion de la hiérarchie des normes, qui ne date pas d'hier ; après la réforme de 2008, on change aujourd'hui la structure même du code du travail. Le plus choquant dans cette opération n'est pas à mon sens la nouvelle organisation en trois étages, peut-être plus lisible ; c'est plutôt le fait que l'on vide de sa substance, à plusieurs endroits du texte, l'ordre public au profit de la supplétivité. On essaye ainsi de détricoter le principe de faveur en vigueur.

Comment enrichir et mieux faire fonctionner la négociation de branche, qui n'a pas disparu ? Le rapport Combrexelle a formulé plusieurs propositions à ce sujet, notamment l'amélioration de la formation des acteurs et l'octroi de moyens financiers aux branches, celles-ci en étant aujourd'hui totalement dépourvues. Elles n'ont pas même de numéro de téléphone ! Si l'on veut leur confier des missions de service public à destination des TPE et PME, il faut, outre l'octroi de moyens financiers, que ces missions soient précisément définies et que les acteurs responsables soient clairement identifiés. Le chef d'une petite entreprise, à qui on demande d'être, entre autres choses, DRH et expert-comptable, a besoin d'une telle aide. Les branches, dans mon esprit, seraient chargées de recruter les acteurs capables de fournir cette aide.

Les accords types élaborés pour les TPE et les PME représentent un autre effort à accomplir. Le présent projet de loi en contient les prémices. Là encore, quels seront les acteurs responsables et quels moyens seront mis en oeuvre ? Nous devons nous montrer très ambitieux sur cette question.

Par ailleurs, nous ne croyons pas au mandatement dans les petites entreprises. La négociation avec les élus, surtout s'ils ne sont pas syndiqués, ne fonctionne pas dans ces conditions. Il faut trouver une autre solution, qui réside à mon avis dans l'octroi de moyens aux branches pour fournir des services aux entreprises. Celles-ci ne demandent pas tant de pouvoir déroger à la norme que de la connaître et d'avoir de la sécurité.

On discute du champ d'application du CPA dans le temps. Pour ma part, qu'il aille du berceau au cercueil, cela ne m'intéresse pas ! Ce débat permet d'éviter le vrai sujet : que met-on dedans et comment peut-on le mobiliser ? C'est la question fondamentale de la fongibilité. Du temps s'accumule sur ce compte, temps que le salarié peut utiliser pour suivre une formation professionnelle ou cesser temporairement son activité.

La sécurisation des parcours constitue un autre volet du CPA mais on ne doit pas se limiter à cet aspect : le CPA est plus ample que cela, il doit répondre aux aspirations des salariés à une plus grande autonomie dans la gestion, tout au long de la vie, de leur parcours professionnel. Les salariés veulent pouvoir choisir comment et quand ils utiliseront le temps accumulé : le CPA doit représenter pour eux la possibilité d'épargner du temps. On pourrait abonder le CPA à raison de certaines activités associatives socialement utiles, pour inciter les salariés à s'engager, par exemple, dans les pompiers volontaires de leur commune. Une fois créée cette brique fondamentale du dialogue social, ce « crédit-temps », on trouvera, entre partenaires sociaux, des moyens de construire des dispositifs à ces fins.

Je répondrai à présent à votre question concernant la médecine du travail. Nous demandons que les salariés en forfait jours soient considérés comme soumis à un suivi particulier. En effet, ils sont particulièrement exposés au burn-out, à la souffrance au travail. Ce problème est difficile à traiter de manière curative : il faut donc le prévenir par le renforcement de la médecine du travail.

Il n'est pas satisfaisant d'alléger le dispositif de la médecine du travail au prétexte qu'il y a de moins en moins de médecins du travail : que fera-t-on quand il n'y en aura plus aucun ? Plutôt que d'adapter le niveau de garantie offert aux salariés, il faut réfléchir bien plus en amont, comprendre pourquoi ces médecins sont si peu nombreux et comment faire pour en avoir plus.

Quant à l'apprentissage, il est très important pour chacun d'entre nous. Les grandes annonces se succèdent sur ce sujet ; on nous promet de manière récurrente 500 000 nouveaux apprentis. Plutôt que de fixer un tel objectif, il faudrait enfin faire en sorte que ce système fonctionne. Je ne comprends pas plus que vous, monsieur Forissier, pourquoi il est un succès dans d'autres pays et pas chez nous. Un patron étranger m'a expliqué prendre des apprentis pour les transformer en salariés ; en France, à ce qu'on me dit, c'est plutôt pour toucher des subventions !

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