Je formulerai deux remarques. Vous nous dites que la question migratoire relève de la politique étrangère ; le problème, c'est qu'il n'y a pas de politique étrangère européenne et que nous ne disposons pas de l'outil à partir duquel elle pourrait être construite. La question n'est-elle pas alors d'imaginer un autre cadre de réflexion et de coopération que celui proposé par l'Union européenne, au sein de laquelle les résistances sont nombreuses ? Pourrait-il s'agir d'une coopération renforcée entre les grands Etats directement concernés par ces enjeux et qui disposent des moyens d'agir ? Quel rôle la France pourrait-elle jouer, qui a fait montre en la matière d'une grande discrétion pour des raisons politiques ? Certes, nous disposons d'un répit avec l'accord UE-Turquie, mais ce problème resurgira. J'en viens à présent à ma seconde question : la crise actuelle appelle une action de l'Union européenne, dont les mécanismes de concertation s'avèrent complexes. Mais n'est-elle pas aussi annonciatrice de futures crises migratoires qui répondront à d'autres causes, comme les catastrophes climatiques ou le désordre croissant constaté en Afrique de l'ouest ? Il est certain qu'il faut s'attaquer à ces causes en recherchant une concordance de notre politique étrangère, militaire et migratoire. Mais ne devons-nous pas aussi reconsidérer la façon dont nous travaillons avec ces Etats et territoires étrangers, comme en Afrique de l'ouest ? Une initiative française et européenne ne serait-elle pas indispensable en termes d'accompagnement et de développement ? On sait cependant que la poussée démographique et les turbulences économiques vont être telles qu'une telle initiative ne suffirait pas à résoudre la question de l'émigration. Ne devons-nous pas dès lors réfléchir à d'autres types d'échanges et de flux migratoires avec ces territoires ? Est-il envisageable politiquement et techniquement d'organiser les arrivées et les départs sur le sol européen des populations concernées ? Enfin, s'agissant de la définition même des réfugiés, ce que disait notre collègue M. Jacques Legendre traduisait bien les incertitudes qui peuvent se faire jour. Nous appliquons des dispositifs conçus dans un autre contexte géostratégique face à d'autres situations et nous voyons bien que la définition du réfugié est en permanence questionnée. Certes, la notion de pays d'origine sûr fait débat et, plus généralement, la distinction entre le réfugié politique et économique. La cause de la migration afghane est à la fois politique et économique. Il est extrêmement difficile d'apporter une réponse satisfaisante. En s'astreignant à un examen au cas par cas de la situation de chaque demandeur d'asile, ce qui est en soi une bonne chose, mais au regard de critères extraordinairement difficiles à démontrer, le problème n'est-il pas rendu plus complexe encore ? Ne faudrait-il pas accepter de renoncer à cette distinction et aborder ce problème plutôt de manière globale, faute de pouvoir le traiter de manière aussi spécifique ?