Il aurait été battu sans aucun doute, les deux tiers du Congrès étaient favorables à l'instauration de visas. Ceci étant, les visas en question sont délivrés extrêmement rapidement par l'administration américaine comme le démontrent plusieurs exemples récents. L'administration regrette cette mesure.
Sur M. Donald Trump, en réponse à la question posée, il n'y a aucun groupe de réflexion autour de lui. Le discours de ce candidat est assez peu préparé à l'avance. Cela ne signifie pas qu'il faut sous-estimer sa grande capacité à comprendre les points susceptibles de toucher l'électorat. En critiquant les traités de libre-échange, il a compris la souffrance et remporté la sympathie de la classe ouvrière et de la classe moyenne inférieure qui souffrent de la globalisation. Il faut se rappeler que les Américains cherchent quelqu'un dont ils pensent qu'il ferait un bon commandant-en-chef et non un expert. Enfin, même si elles semblent réticentes aujourd'hui, les élites républicaines entoureraient le moment venu le candidat s'il était élu.
Il y a des réseaux, mais il y a surtout un débat dans la classe politique américaine qui reproche au président Obama de se montrer trop faible vis-à-vis de la Russie. Il faut se rappeler que le vice-président Biden s'est rendu à plusieurs reprises en Ukraine pour inciter le pouvoir ukrainien à remplir sa part des accords de Minsk et notamment réduire la corruption. Cela étant, si Mme Clinton était élue, la politique américaine se tendrait probablement à l'égard des Russes. Il faut se rappeler que le président Obama a refusé de livrer des armes aux Ukrainiens et qu'il était le seul à défendre cette position. Sur la question des sanctions vis-à-vis de la Russie et de nos banques, c'est toujours le même schéma qui se répète, l'accès à la place financière de New York est indispensable à la survie d'une grande banque. Le trésor américain joue là-dessus et impose ainsi l'extraterritorialité de l'application des lois américaines. Il avait ainsi été rappelé aux banques chinoises que leur coopération avec l'Iran leur fermerait les portes des marchés financiers américains.
En ce qui concerne la levée des sanctions, l'accord de Minsk ne sera jamais mis en oeuvre intégralement. Il s'agira donc d'une décision politique sur laquelle les 28 devront se mettre d'accord.
En ce qui concerne le processus de paix israélo-palestinien, la relation entre Obama et le Premier ministre israélien est mauvaise. Les Américains considèrent notre initiative avec sympathie mais sans croire qu'elle puisse aboutir compte tenu de l'absence de volonté des deux côtés.
Dans sa révolte, l'électorat américain se porte dans sa majorité vers l'extrême droite mais aussi pour partie vers la gauche. Les propositions de M. Sanders le placeraient au centre gauche de la politique française. Il est ainsi favorable à une sécurité sociale d'Etat. Il a réussi à sortir de l'anonymat et à susciter l'enthousiasme des foules.
Les démocrates sont une coalition : les minorités (hispaniques, africains américains, asiatiques), les femmes, les jeunes. Contrairement à M. Sanders, Mme Clinton réussit à mobiliser les minorités. Les femmes se divisent à part égale entre les deux candidats. Chez les jeunes, c'est 80 % pour Sanders et 20 % pour Mme Clinton. Face à Trump, il est évident que les électeurs de Sanders se reporteront sur Mme Clinton, les jeunes risquant peut-être plutôt de s'abstenir. Mme Clinton ressent donc une pression sur sa gauche : si elle s'est prononcée contre le traité de libre-échange avec le Pacifique, c'est qu'elle a senti que sur ce sujet, Sanders rencontrait un large écho dans l'opinion.
Le problème des Démocrates, c'est l'« homme blanc », qui vote à 57 % pour les Républicains. L'on pensait donc que Mme Clinton allait choisir comme vice-président un homme blanc. À présent, certains se demandent si elle ne va pas plutôt choisir une personnalité de gauche. On pense alors à Elisabeth Warren, mais cela ferait deux femmes...
En ce qui concerne la Russie, j'ai pu constater auprès de la conseillère nationale de sécurité, Susan Rice, que le discours des Etats-Unis n'était pas un discours de guerre froide : tout en actant la fin de la tentative d'engager avec les Russes une relation privilégiée, les Américains souhaitent continuer à travailler avec eux. Les provocations militaires permanentes des Russes, qu'il s'agisse du comportement de leurs avions ou de leurs sous-marins, nous renvoient cependant à la guerre froide. Elles ont entraîné une réaction de l'OTAN et le déploiement par les Américains d'équipements supplémentaires en Europe de l'Est. Tout peut changer avec Mme Clinton, mais l'élargissement de l'OTAN reste exclu.
La vie politique américaine a beaucoup changé. Le système ne peut fonctionner que s'il y a des compromis entre les partis. Il y avait toujours des compromis car certains Démocrates conservateurs étaient à la droite de certains Républicains modérés, mais cela n'existe plus. Tous les élus des Etats du Sud, qui fournissaient beaucoup de Démocrates conservateurs, sont désormais Républicains. Le Congrès est donc profondément divisé. Il y a en outre une radicalisation, en particulier à droite, des opinions publiques, ce qui entraîne un durcissement des débats. Si Mme Clinton est élue, elle aura les mêmes problèmes que le Président actuel avec le Congrès : lorsqu'un sénateur est tenté par un compromis, un autre sénateur va à la télévision pour dire qu'il trahit les électeurs. Ceci était notamment très pratiqué par Ted Cruz lorsqu'il voyait un sénateur Républicain s'engager dans un compromis avec l'administration.
Aujourd'hui, la majorité des enfants qui naissent aux Etats-Unis ne sont plus caucasiens, mais appartiennent aux « minorités ». Les Républicains voient ainsi leur électorat traditionnel - composé d'hommes blancs et de personnes âgées - diminuer. En définitive, les Républicains se sont coupés des « minorités ». Ils se sont coupés des hispaniques - alors même que ceux-ci sont socialement très conservateurs - à cause de leur position sur l'immigration. Ils se sont coupés des femmes à cause de leur position sur l'avortement. Enfin, ils se sont coupés des jeunes à cause de leur position sur le mariage gay - cette question étant devenu un élément déterminant pour les jeunes américains.
Malgré tout, les Républicains gagnent généralement les élections intermédiaires, parce que dans ces élections, les jeunes et les minorités ne votent pas. 65 % des Américains votent pour les présidentiels. 30 % des Américains votent lors des élections intermédiaires. C'est ce qui permet aux Républicains de les gagner.
Concernant les entreprises et l'Iran, l'administration Obama a tout intérêt à faciliter les choses. L'administration Obama sait que les modérés à Téhéran sont l'objet de critiques virulentes des radicaux. Obama ne voudrait pas que l'accord sur le nucléaire iranien, qui est une de ses principales réalisations en politique étrangère, soit remis en question.
On peut s'attendre à ce qu'Obama reste silencieux à propos d'Israël jusqu'aux élections de novembre, pour ne pas porter préjudice à Hillary Clinton. Entre novembre et janvier - période où l'administration Obama sera toujours en place, mais où l'enjeu des élections aura disparu -, Obama, qui n'a pas l'habitude de mâcher ses mots, règlera probablement ses comptes par un discours comme il sait en faire.
La coopération en matière de terrorisme se passe plutôt bien. Les Américains considèrent qu'ils ont affaire en Europe aux services de renseignement Britannique, Français, et, Allemand. Ils ont envoyé des équipes pour essayer d'aider d'autres services. Sur la question des visas, il est vraisemblable que si un Européen se trouvait impliqué dans un attentat terroriste visant les Etats-Unis, s'en serait fini de l'exemption de visas accordée aux ressortissants de l'Union européenne. Certains sénateurs Démocrates se sont déjà exprimés en ce sens lors des débats qu'ont suscités les attentats de Paris et de Bruxelles. L'échange de fichiers entre services européens apparaît crucial de ce point de vue, pour éviter qu'un individu fiché en Europe n'entre aux Etats-Unis. De manière générale, les Américains pointent principalement le problème de l'échange de fichiers avec les Européens.