La numérotation des chaînes est bien entendu aussi capitale pour nous que pour vous. Nous travaillons en relation étroite avec les protagonistes de ce dossier, en particulier M. Combes, pour SFR, et M. Weill. Nous avons déjà eu l'honneur d'être consultés par la présidente de cette commission sur ce problème. Nous avions alors suggéré l'articulation entre deux types de numérotation, ce qui serait susceptible de rendre un meilleur service au téléspectateur.
Nous ne pouvions pas alors imaginer les projets dont nous saisiraient NextRadioTV et le groupe Altice, devenu Groupe News Participations (GNP). La perspective radicalement nouvelle adoptée par ces acteurs et les réactions parvenues tant au CSA qu'aux pouvoirs publics compétents peuvent conduire au réexamen des précautions à prendre à la matière. Nous entendions en effet prendre en compte comme numérotation alternative non pas celle fondée sur la structuration économique qu'ils ont en tête, mais bien seulement une numérotation thématique.
Il est trop tôt pour tirer les conclusions de cette initiative. Je ne peux ici m'exprimer sur le problème précis dont nous sommes saisis : cela m'est interdit par l'article 5 de la loi du 30 septembre 1986. Néanmoins, pour m'exprimer de manière générale, j'ai indiqué à mes interlocuteurs que le type de numérotation proposée, qui vise à mettre en avant les chaînes de ces acteurs, nous posait de sérieux problèmes d'application de la législation et de la réglementation en vigueur, y compris notre délibération de 2007.
Vous avez apporté à ce problème capital une réponse importante. Néanmoins, il doit peut-être être examiné plus avant.
J'en viens à votre deuxième question, relative à l'article 7 bis AA du projet de loi relatif à la liberté de création, à l'architecture et au patrimoine.
Juridiquement, nous sommes là aux marges de nos compétences, puisqu'il s'agit de modifier le code de la propriété intellectuelle, notamment en étendant le champ de l'exception pour copie privée. Cet exemple montre - n'interprétez pas cela, je vous prie, comme la revendication de compétences pour le CSA - que ce problème est en réalité au coeur de l'exercice de nos attributions.
En effet, il s'agit d'une modification des équilibres économiques entre éditeurs, distributeurs - y compris les nouvelles formes de distribution désignées sous le nom de « OTT » ou « over-the-top » - et ayants droit.
C'est pourquoi, au cours d'une discussion informelle, puisque nous n'avions pas de position officielle à prendre à ce sujet, nous avons manifesté notre grave préoccupation : nous désirons en effet, tout en faisant la part du nécessaire progrès technologique, éviter que le capital économique créé par les éditeurs ne soit quelque peu vidé de sa substance par ces nouveaux modes de visionnage des programmes télévisés.
Une solution raisonnable pourrait à nos yeux résulter d'un accord entre ces trois catégories d'acteurs. En tout état de cause, l'autorisation des éditeurs ne saurait être traitée par prétérition. Je sais bien qu'un débat existe à ce sujet entre l'Assemblée nationale et le Sénat ; quoi qu'il en soit, je souhaite me faire l'écho des préoccupations des éditeurs à ce sujet.
Vous me demandez si le CSA devrait se voir attribuer compétence en la matière. Nous ne voulons certes pas entrer dans des querelles de revendication de compétences. Néanmoins, la régulation ne se justifie que comme la prise en compte d'un tout dont les volets sont interdépendants. L'affaire de l'extension de la copie privée en est une parfaite illustration.
La régulation, c'est le suivi des équilibres économiques et la prise en compte des progrès technologiques : tel est le coeur de notre activité.
Enfin, votre troisième question, relative à une possible fusion de l'ARCEP et du CSA, évoque plus largement le phénomène majeur de la convergence entre contenus et contenants. Nous nous réjouissons que certains grands groupes gestionnaires de réseaux investissent dans les programmes, donc dans la création. Cela permet une présence économique et culturelle accrue, y compris au-delà de nos frontières.
Le temps est-il venu de la fusion entre le CSA et l'ARCEP ? Le Président de la République avait évoqué cette option en octobre 2014, lors d'un séminaire tenu au CSA même. Néanmoins, je n'ai pas perçu jusqu'à ce jour de mouvement en ce sens de la part des pouvoirs publics ou de l'ARCEP elle-même.
Une considération pratique s'impose : il faudrait veiller à ne pas engloutir nos énergies dans une réforme très profonde de nos organisations, alors même que d'autres enjeux majeurs, économiques et technologiques, demeurent. En outre, le champ de régulation de l'ARCEP va bien au-delà du secteur audiovisuel.
Tout ce qui favorise la coopération entre le CSA et l'ARCEP est souhaitable. Si toutefois ce processus doit être emprunté, ce doit être de manière extrêmement graduelle. La fusion d'organismes équivalents dans d'autres pays ne s'est pas toujours faite au bénéfice de l'audiovisuel. Ainsi de l'OFCOM, régulateur des communications britannique, le plus puissant organisme de ce type à l'échelon européen. D'un point de vue quantitatif, parmi les 7 000 agents de l'OFCOM, moins de 700 s'occupent de l'audiovisuel, ce qui a conduit certains à qualifier ce secteur de « parent pauvre » de l'OFCOM.
Il faut donc prendre garde et éviter que les programmes ne soient sacrifiés aux réseaux.