Je veux saluer, à l'occasion de ce bilan d'activité, le travail gigantesque accompli par le CSA à un moment difficile. L'audiovisuel est en effet confronté à d'importants défis et les enjeux du débat sont extrêmement complexes. Les services et les experts du CSA sont mobilisés sur tous les plans, y compris technologique et juridique ; si l'on vous critique parfois pour trop travailler et vous immiscer partout, cela révèle également votre grande énergie, que je tiens à saluer.
Cela dit, il est bon d'ouvrir le débat sur certaines zones d'ombre malvenues pour le CSA, qui a besoin d'une grande crédibilité pour assurer son autorité. Un débat est ainsi nécessaire sur le rôle du CSA dans la liberté de l'information et sa régulation. Lors de nos travaux autour de la proposition de loi relative à l'indépendance des rédactions, nous avons recueilli de la part de certains syndicats beaucoup de critiques à votre encontre : selon eux, moins le CSA se mêle d'eux, mieux ils se portent !
Je suis très inquiet. En effet, alors que vos missions ont été établies en 1986, dans le cadre de la libéralisation des ondes, le paysage audiovisuel est en train d'être bouleversé à tous les niveaux. On voit apparaître de nouveaux acteurs de l'audiovisuel - SFR ou M. Bolloré - ; on ne sait lesquels vont en contrepartie disparaître. Les rapports de force se modifient ; les acteurs étrangers gagnent en puissance. Par ailleurs, les contenus sont à présent majoritairement consultés, par les jeunes, notamment, non plus par la télévision, mais sur internet, par le biais des réseaux sociaux ou de YouTube, qui échappent à toute régulation.
Vos missions s'établissent dans un champ donné, suivant le principe d'intérêt général qui veut que, en contrepartie de fréquences gratuites, les opérateurs de télévision soient soumis à des obligations que vous contrôlez. Toutefois, les changements brutaux que je viens d'évoquer font de la régulation un challenge toujours plus important et qui nécessite de nouveaux moyens. Devrez-vous vous contenter de poser des rustines au fil du temps et des problèmes qui s'imposeront successivement à vous et qu'il faudra gérer au mieux ?
Vous allez rencontrer M. Bolloré. Vous avez bien de la chance : nous tentons depuis juillet dernier de procéder à son audition sans succès ! Pourtant, nous avons de réelles inquiétudes à son sujet. Pour ce qui est du cinéma, par exemple, si un tel acteur se retirait de la production cinématographique, c'est tout l'écosystème du cinéma français qui serait ébranlé. Vous ne nous rassurez que modérément sur ce point. J'ai certes lu l'entretien avec M. Bolloré paru ce matin ; néanmoins, il faisait à l'Olympia voici quelques semaines des déclarations sinon totalement opposées, du moins fort différentes.
Je sais que votre liberté d'expression n'est sans doute pas aussi large que je le souhaiterais, mais je tenais à vous faire part de cette inquiétude globale, en toute franchise : les nouveaux acteurs, l'arrivée dans le secteur de SFR - acteur non « classique » -, les contenants et la création de programmes. Quant à Canal+, acteur classique du secteur qui assurait jusqu'alors un certain équilibre, on ne sait pas très bien où cette chaîne va, compte tenu des départs incessants de « piliers » qui lui donnaient son ton à la fois culturel et proche des jeunes.
Pour ce qui concerne l'audiovisuel public, la question du canal attribué à la chaîne d'information aura son importance.
Sur la numérotation en général, je partage les interrogations de Mme la présidente de la commission et de M. le rapporteur. À cet égard, la loi sur le numérique va dans le bon sens. Je souhaite cependant savoir où vous en êtes en la matière. Il fut un temps où l'on pensait attribuer le canal 23 à la chaîne d'information publique. Si tel n'est pas le cas, quel canal lui attribuer pour qu'elle ne soit pas reléguée après les chaînes d'information privée, qui ont évidemment toute leur place ?