La pression de l’opinion publique a été et reste donc essentielle pour progresser sur la voie de l’intérêt général. C’est la succession de révélations publiques de données considérées comme secrètes qui alimente cette pression.
Alors, non, il n’est pas suffisant que les informations confidentielles transitent seulement des optimiseurs aux administrations ! Certes, tous les citoyens n’ont pas l’expertise d’un contrôleur fiscal – la complexité des données est d’ailleurs l’un des arguments utilisés pour refuser la publication de ces informations –, mais c’est compliqué aussi de voter, pourtant tout le monde en a le droit ! Qui est légitime pour être informé ? On ne trie pas les citoyens !
Peu de gens ont compris le détail technique des affaires LuxLeaks ou « Panama papers », mais beaucoup ont parfaitement perçu leur portée politique. C’est pour cela que les écologistes sont si attachés à la notion de transparence. Nos groupes, à l’Assemblée nationale comme au Sénat, ont d’ailleurs été à l’origine de nombreux amendements en ce sens, dont certains ont été adoptés, parfois même définitivement. C’est le sens de l’histoire que de continuer ce travail, et la proposition de loi de nos collègues communistes nous y invite aujourd’hui.
Ce texte vise à étendre à un large ensemble de grands groupes et d’entreprises de taille intermédiaire l’obligation de publier des données sur leurs activités dans leurs différents pays d’implantation. À en croire les détracteurs de cette proposition de loi, une telle obligation ruinerait la compétitivité des entreprises. Or, s’il est vrai que la réputation d’une entreprise compte pour sa compétitivité, c’est surtout la transparence qui est valorisée, quand les difficultés proviennent plutôt des scandales qui sont révélés.
La publicité des stratégies fiscales ne remet pas en cause le libéralisme, l’esprit d’initiative ou la créativité entrepreneuriale. Au contraire, elle replace la concurrence sur un terrain clair et objectif, tout en donnant un avantage d’image aux entreprises vertueuses.
M. le rapporteur a évoqué le cas d’une entreprise qui chercherait à conquérir un marché étranger avec un seul produit, cas dans lequel la transparence deviendrait alors trop indiscrète. C’est vrai, mais si de tels cas venaient à se présenter, mieux vaudrait les traiter comme des exceptions plutôt que de renoncer à la règle.
Ultime argument de ceux qui souhaitent l’immobilisme : nous ne pouvons pas avancer seuls. Il est vrai que l’Union européenne serait un échelon plus pertinent pour avancer, mais à condition d’avancer ! Or la proposition de la Commission du 12 avril dernier est un dangereux leurre : se réclamant d’une transparence exemplaire, elle ne s’intéresse en fait qu’aux activités des pays européens à l’intérieur de l’Union européenne et à celles d’un nombre réduit de paradis fiscaux. Pour les autres données, tout le reste du monde est agrégé. Dès lors, comment distinguer entre ce qui est fait au Delaware et en Inde ? La proposition de l’Union européenne ne le permet pas. Se ranger à cette proposition minimaliste reviendrait à enterrer toute ambition.
Certes, la transparence n’est pas la panacée. Même poussée à son extrême, elle ne suffira pas à restaurer toutes les bases fiscales. Elle se heurtera toujours aux États incapables d’une vision supranationale, y compris au sein de l’Union européenne, ou à l’ingéniosité malsaine de certaines entreprises. En effet, d’aucuns redoutent désormais que les banques ne sous-traitent leurs opérations illicites. C’est déjà le cas…
Malgré tout, la transparence reste utile et nécessaire pour bousculer la tiédeur des instances de décision. Nous n’en sommes ici qu’aux prémices.
Bien sûr, cette proposition de loi nécessite quelques améliorations. J’ai déjà évoqué des cas précis dans lesquels un mécanisme d’exception pourrait être prévu. Par ailleurs, le seuil de 40 millions d’euros de chiffre d’affaires mériterait sans doute d’être relevé. Toutefois, nous n’en sommes qu’à la première lecture. De tels ajustements auront toute leur place au cours de la navette.
En attendant, il nous semble qu’il nous faut faire preuve de volontarisme. Comptant sur quelques évolutions du dispositif proposé, le groupe écologiste votera en faveur de ce texte.