Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, lutter contre l’évasion fiscale est une nécessité, plus que jamais en période de crise économique. La fraude fiscale coûterait chaque année, vous le savez, entre 60 milliards et 80 milliards d’euros à la France, soit près du quart de nos recettes fiscales brutes et six fois le déficit de la sécurité sociale.
L’évasion fiscale pèse aussi sur la capacité de la communauté internationale à résoudre collectivement les grands problèmes globaux, tels que le sous-développement ou le réchauffement climatique. En 2010, les pays en développement ont vu s’envoler vers les paradis fiscaux plus de 850 milliards de dollars, soit dix fois les montants d’aide internationale reçue cette même année.
Les stratégies d’optimisation et de transfert vont aussi de pair avec les fléaux du blanchiment de l’argent criminel et de la corruption. C’est ce que souligne notamment le GOPAC, l’Organisation mondiale des parlementaires contre la corruption, dont je promeus le développement en France. Outre l’enjeu éthique, c’est aussi le principe de saine concurrence qui est mis à mal. Et je ne parle pas du coût politique de scandales comme celui des « Panama papers » !
Il y a beaucoup d’hypocrisie autour de l’évasion fiscale. D’un côté, et c’est bien facile, mes chers collègues, on assimile les expatriés à des exilés fiscaux ; de l’autre, on ne prête pas attention aux montants colossaux détournés de la fiscalité française par certains grands groupes. Le Gouvernement ne montre pas toujours l’exemple, comme lors du renouvellement du contrat entre le ministère de la défense et Microsoft Europe. Ayant son siège social à Dublin, l’entreprise ne paie que très peu d’impôts en France, malgré un récent redressement fiscal.
Il y a beaucoup d’hypocrisie aussi dans la riposte aux « Panama papers ». Placer un État sur une liste noire a des retombées diplomatiques graves, mais une efficacité fiscale quasi nulle, surtout tant que d’autres territoires, y compris au cœur de l’Europe ou des États-Unis, restent en dehors de la liste. Le seul impact est médiatique, symbolique. Plutôt que de stigmatiser certains pays, mieux vaudrait mettre en place des mesures pour dissuader nos ressortissants et nos entreprises de s’engager dans de telles aventures fiscales. Dans la mesure où certains montages ne sont pas illégaux et bénéficient d’une zone grise, la meilleure arme reste la transparence.
C’est ce que propose la présente proposition de loi. C’est la raison pour laquelle, malgré les réticences de la commission des finances et de plusieurs groupes politiques, je suis, à titre personnel, plutôt favorable à ce texte.