Intervention de Joëlle Garriaud-Maylam

Réunion du 18 mai 2016 à 14h30
Transparence financière des entreprises à vocation internationale — Rejet d'une proposition de loi

Photo de Joëlle Garriaud-MaylamJoëlle Garriaud-Maylam :

Il est reproché à cette proposition de loi d’aller plus loin que ce que préconise la Commission européenne. Mais se retrancher derrière de futures évolutions européennes me semble peu responsable. Faire de l’Europe le bouc émissaire de notre propre inertie est aussi le meilleur moyen de détourner les citoyens de la construction communautaire, d’autant que, en l’occurrence, les mesures préconisées ne créent pas de dumping : elles n’ont trait qu’à la transparence, pas à des évolutions directes de la législation fiscale. Si une transparence accrue devait conduire des entreprises à payer plus d’impôts, c’est bien parce qu’elles auraient profité de l’opacité pour contourner la loi.

L’autre argument est celui du dévoilement d’informations susceptibles d’être utilisées par des concurrents. Là non plus, je ne suis pas totalement convaincue, même si la compétitivité de nos entreprises à l’international est une de mes très grandes préoccupations.

S’agissant des grandes entreprises, qui sont les seules à être concernées par le texte, les concurrents ont déjà facilement accès aux informations que la proposition de loi propose de dévoiler. Les informations seraient agrégées par pays, et non par filiale, ce qui limiterait les risques d’exploitation par les concurrents. Notons d’ailleurs que les plus petites entreprises fournissent déjà la plupart de ces informations à travers le registre du commerce, consultable par tous. Généraliser la transparence serait donc sain pour la concurrence.

La dernière divergence majeure porte sur le degré de dévoilement des informations : ces dernières ne doivent-elles être accessibles qu’à la seule administration fiscale ou doivent-elles l’être de manière plus large, notamment aux journalistes, aux associations et aux ONG travaillant sur ces questions ? Ne nous voilons pas la face, si les dernières affaires ont pu être mises au jour, c’est bien grâce à la persévérance de la société civile. S’agissant de pratiques non éthiques, mais profitant d’un certain flou juridique, et donc d’une relative légalité, l’administration n’a souvent pas les moyens d’agir. Seule la transparence publique peut faire bouger les lignes.

Certaines dispositions du texte mériteraient d’être retravaillées, comme l’ampleur exacte des informations à divulguer ou le seuil à partir duquel il est pertinent d’imposer l’exercice de transparence aux entreprises. Pour ces raisons, je m’abstiendrai sur ce texte, même si, je le répète, je suis globalement favorable à l’esprit de cette proposition de loi.

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