Intervention de Nicole Duranton

Réunion du 18 mai 2016 à 14h30
Transparence financière des entreprises à vocation internationale — Rejet d'une proposition de loi

Photo de Nicole DurantonNicole Duranton :

Mes chers collègues, un certain nombre d’entre vous l’ont rappelé, un changement majeur est intervenu depuis le dépôt de cette proposition de loi. Le 12 avril dernier, la Commission européenne a en effet rendu publique une proposition visant à introduire des déclarations publiques d’activités, et ce pays par pays. Celle-ci se fonde sur une étude d’impact réalisée au second semestre de 2015. Le seuil retenu est un chiffre d’affaires annuel supérieur ou égal à 750 millions d’euros. Celui qui est proposé aujourd'hui – un chiffre d’affaires de 40 millions d’euros – ne me semble donc pas raisonnable, et ce pour plusieurs raisons.

D’abord, ce seuil englobe un trop grand nombre d’entreprises, lesquelles se verraient, une fois de plus, imposer des contraintes supplémentaires, dans un climat économique complexe pour les plus modestes d’entre elles. Si le seuil fixé par l’OCDE – un chiffre d’affaires de 750 millions d’euros – concerne 200 groupes en France, celui de cette proposition de loi – le rapporteur l’a très bien décrit – viserait plus de 5 000 entreprises et environ 5, 2 millions de salariés. Cela engloberait des entreprises de taille intermédiaire, bien souvent dépourvues des moyens humains suffisants pour produire de telles déclarations.

Ensuite, dans le domaine de la transparence financière, la France est en avance, notamment avec la création d’un parquet national financier et la mise en place du reporting pays par pays pour les banques. Néanmoins, compte tenu des risques en termes de compétitivité pour nos entreprises, la réflexion autour de l’introduction de déclarations d’activités ne peut se faire qu’à l’échelle européenne, d’autant que le rapport coût-avantage d’une telle mesure n’atteint son point d’équilibre que lorsque les entreprises d’un certain nombre de pays y sont soumises.

Enfin, il existe des incertitudes juridiques quant à l’introduction d’un dispositif de déclarations publiques par une norme nationale. Il n’est qu’à se référer à la décision du Conseil constitutionnel du 29 décembre 2015. En matière de lutte contre les stratégies fiscales des grandes entreprises, l’efficacité d’un dispositif uniquement national demeure très incertaine.

Laissons sa chance à la proposition européenne et cessons de toujours vouloir forcer les choses par des mesures nationales, surtout en matière d’économie et de finances. Nos entreprises en souffrent déjà beaucoup.

Ainsi, le seuil de 40 millions d’euros de chiffre d’affaires pourrait se révéler contre-productif au regard de celui qui est appliqué à l’échelle européenne. Pourquoi nos entreprises devraient-elles être toujours plus contraintes ? Pourquoi les entreprises françaises devraient-elles être toujours plus transparentes que les autres entreprises européennes ? On ne peut pas faire de la transparence ou de la morale dans un seul et unique pays. Cette question doit être travaillée à l’échelon international.

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