Intervention de Christian Eckert

Réunion du 18 mai 2016 à 14h30
Transparence financière des entreprises à vocation internationale — Rejet d'une proposition de loi

Christian Eckert, secrétaire d'État :

La nature des informations peut, à la marge, faire elle aussi l’objet d’un certain nombre d’ajustements, reconnaissons-le. Je pense à la question de la globalisation, pour les pays extérieurs à l’Union européenne, comme André Gattolin l’a souligné. C’est un point qu’il faudra discuter.

Aujourd'hui, au regard de la décision rendue le 29 décembre dernier par le Conseil constitutionnel, la question de la constitutionnalité du dispositif est fondamentale. Vous le savez, le Conseil constitutionnel a considéré que la publication de ces informations fiscales remettrait en cause la liberté d’entreprendre. Il ne m’appartient évidemment pas de remettre en cause cette décision. Reste qu’elle nous impose d’attendre la rédaction d’une disposition européenne permettant de surmonter cet obstacle constitutionnel. Nous pourrons ainsi nous appuyer sur l’autre obligation constitutionnelle qu’est la transposition des directives européennes pour dépasser cette difficulté. Nous n’en sommes pas tout à fait à ce stade, mais nous n’en sommes pas loin.

Certains d’entre vous ont fait remarquer que nous y étions parvenus pour le reporting bancaire. Je me souviens parfaitement de cet épisode, j’étais alors rapporteur général de l’Assemblée nationale. Si nous avons pu le faire, c’est parce que l’élaboration de la directive européenne était bien avancée – elle a d’ailleurs été adoptée quelques semaines ou quelques mois après – : elle était déjà tout à fait connue et faisait l’objet d’un travail approfondi au sein de l’Union européenne. Le gouvernement de l’époque avait alors pu émettre un avis favorable sur l’amendement parlementaire lors de l’examen de la loi bancaire.

De nombreux chiffres circulent sur la fraude fiscale, son niveau, son montant. Le Sénat a rédigé un rapport sur le sujet, tout comme l'Assemblée nationale d’ailleurs. De nombreux autres travaux sont menés, y compris à l’échelle européenne. Restons prudents : par définition, la fraude, c’est quelque chose qui est dissimulé.

Certains l’ont évoqué, la fraude est parfois très proche de l’optimisation fiscale agressive, voire de l’optimisation fiscale tout court. Pour parler de fraude fiscale, il faut bien identifier les curseurs et, sur ce sujet, les jurisprudences sont extrêmement nombreuses. Ce que certains considéreraient comme de la fraude n’est parfois que l’utilisation rusée, agressive, maligne – peu importe le terme – d’une législation qui laisse malheureusement des failles que les cabinets fiscalistes exploitent très habilement et très rapidement, s’adaptant au fur et à mesure aux changements de législation que nous pouvons nous-mêmes conduire.

Sur tous ces sujets – délimitation entre ce qui relève de la fraude fiscale et ce qui ressortit à l’optimisation fiscale, obstacle constitutionnel, etc. –, il me semble urgent que soit élaborée une directive européenne, que nous transposerons immédiatement – le Gouvernement s’y engage. Pour autant, je le répète – et j’ai mandat pour le faire –, lors de l’examen du projet de loi Sapin II, peut-être des avancées auront-elles eu lieu à l’échelon européen et aurons-nous alors trouvé une formule dont la rédaction intelligente concilie la question de la date d’entrée en vigueur d’une disposition nationale et l’adoption d’une directive européenne. À ce moment-là, les questions de seuil et de contenus pourront faire l’objet d’un débat.

De grâce, n’accréditons pas l’idée que ne pas parvenir à un accord aujourd'hui serait un signe de faiblesse, de complaisance ou de protection. Ce débat a été intéressant, utile, et j’imagine que nous aurons l’occasion d’y revenir prochainement.

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