Intervention de Éliane Assassi

Réunion du 18 mai 2016 à 14h30
Contrôles d'identité abusifs — Discussion d'une proposition de loi

Photo de Éliane AssassiÉliane Assassi, auteur de la proposition de loi :

Monsieur le président, madame la secrétaire d'État chargée de la formation professionnelle et de l’apprentissage, mes chers collègues, avant d’entrer dans le vif du sujet, je veux remercier M. le rapporteur pour son travail, bien que je ne partage évidemment pas ses conclusions, tout en regrettant – comme je lui en ai fait part – que la liste des personnes et organismes qui ont été auditionnés n’ait pas été élargie, notamment aux associations de protection des droits de l’homme.

Cela dit, je vous rappelle que, depuis le rapport Guichard de 1976 jusqu’au rapport de l’Institut national des hautes études de la sécurité et de la justice, l’INHESJ, sur la Seine-Saint-Denis en 2007, l’éloignement progressif entre police et population n’a cessé d’être mis en avant. Aujourd’hui, la situation est par endroits très dégradée avec des conséquences négatives sur les citoyens, sur les services de police et de gendarmerie et, finalement, pour la sécurité de tous.

Si, en France, l’absence de collecte de données et de trace des contrôles d’identité rend impossible toute évaluation de l’usage abusif des contrôles d’identité, de nombreuses publications attestent cependant de la réalité des contrôles au faciès et révèlent leur inefficacité, au-delà de leur caractère humiliant, ce que dénoncent depuis des décennies les acteurs de terrain. À cet égard, je vous invite à prendre connaissance du rapport édifiant du collectif Stop le contrôle au faciès, intitulé Les maux du déni, qui rend compte de cinq ans de contrôles abusifs rapportés par les victimes et leurs familles. Je tiens ici à saluer le sérieux de leur travail. Leur action et leur combat engagés pour plus d’égalité en France sont plus que jamais nécessaires.

Aujourd’hui, l’existence des contrôles d’identité discriminatoires dits « au faciès » est une réalité incontestable.

Comme le révèle également l’étude menée conjointement par des chercheurs du CNRS et Open Society Justice initiative, en moyenne, une personne noire a six fois plus de risque qu’une personne blanche de subir un contrôle d’identité et une personne « arabe » huit fois plus. De surcroît, ces contrôles abusifs viennent au quotidien s’ajouter à la liste des discriminations dont sont victimes beaucoup de nos concitoyens : discrimination à l’embauche, discrimination à l’accès au bail, etc., véritables « cérémonies permanentes de dégradation » selon leurs propres mots.

Dernière « preuve » implacable des dérives d’un tel outil : la condamnation de l’État, le 24 juin 2015, par la cour d’appel de Paris, sur laquelle reviendra ma collègue Laurence Cohen dans la discussion générale.

Avant d’aller plus loin, je voudrais être claire sur un point : l’ambition de cette proposition de loi n’est pas de remettre en cause l’usage ciblé et approprié des contrôles d’identité dans un objectif de prévention et de répression de la délinquance. Au contraire, l’un des objectifs de notre proposition de loi est d’améliorer les relations entre la police et la jeunesse, pour qui, surtout dans nos quartiers, le premier contact avec l’État et la République est soit l’école, soit la police ! À cet égard, je rappelle la grande nécessité de « rétablir » une police de proximité.

Il serait injuste de parler de la police dans sa généralité et de penser que tous les policiers sont unanimes sur le sujet. Nombre d’entre eux sont favorables à une révision de l’article 78-2 du code de procédure pénale et à l’expérimentation de la remise d’un récépissé lors des contrôles.

Aujourd’hui, la discussion de notre proposition de loi se télescope avec la manifestation des policiers appelés par Alliance à protester contre leur stigmatisation. Nous comprenons, j’y insiste, l’exaspération des policiers surmenés qui ne comprennent plus le sens de leur mission. Fonctionnaires de police et de gendarmerie souffrent, eux aussi, de cette détérioration des relations avec les citoyens.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion