Intervention de Pierre-Yves Collombat

Réunion du 18 mai 2016 à 14h30
Contrôles d'identité abusifs — Discussion d'une proposition de loi

Photo de Pierre-Yves CollombatPierre-Yves Collombat :

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, les auteurs de cette proposition de loi ont raison : les contrôles d’identité au faciès sont bien une réalité. Une réalité incontestable, même sans études : l’expérience suffit. Une réalité fâcheuse, pour un pays qui refuse, par principe, tout traitement discriminatoire de ses citoyens.

La réponse de nos collègues est pour le moins radicale, puisqu’elle revient, en pratique, à rendre impossible une bonne partie des contrôles d’identité. Je m’explique.

Si inscrire dans la loi qu’« aucun contrôle d’identité ne peut être réalisé au motif d’une quelconque discrimination » pourrait être utile, autoriser ces contrôles uniquement si des « raisons objectives et individualisées » l’imposent revient à interdire les contrôles d’identité à titre préventif, qui constituent l’essentiel des contrôles et qui contribuent au maintien de l’ordre public à un coût – avouons-le – acceptable en termes de liberté publique, s’ils sont faits selon les règles.

Pour moi, le problème n’est pas leur existence, mais la manière dont ils sont effectués et les raisons pour lesquelles ils ont lieu.

Sur le plan pratique cette fois, l’obligation, lors de tout contrôle, de remettre un récépissé mentionnant, comme l’indique l’exposé des motifs, « son fondement juridique, ses motifs – pourquoi l’agent a sélectionné cette personne en particulier – et ses suites – aucune amende, interpellation, avertissement, etc. –, des mentions sur d’éventuelles situations plus spécifiques – par exemple, le contrôle de personnes en groupe, un incident particulier, etc. – et la pratique éventuelle d’une palpation et sa justification », dissuaderait le fonctionnaire le plus zélé d’effectuer un quelconque contrôle préventif.

J’entends bien que, selon la proposition de loi, ces mentions sont portées seulement sur le volet conservé par l’agent, mais on en vient à se demander qui, en l’espèce, est contrôlé. Ce qui est pour le moins fâcheux…

On fait valoir que des études « scientifiques » ont montré que l’usage du récépissé faisait baisser significativement le nombre de contrôles au faciès. Certes, mais est-ce la simple obligation de la remise du récépissé qui est efficace ou l’implication des acteurs dans l’expérimentation ? On observe notamment ce phénomène dans l’évaluation des méthodes pédagogiques nouvelles. Les résultats leur sont toujours favorables, parce qu’elles sont « nouvelles » et parce que les expérimentateurs, convaincus de leur efficacité, s’impliquent plus que la moyenne des pédagogues, plus classiques dans leur mise en œuvre.

Mon sentiment est que le traitement de ces pratiques inacceptables passe par d’autres voies : premièrement, en améliorant les méthodes de recrutement et de formation des agents ; deuxièmement, en rendant plus efficaces les recours de ceux qui, se trouvant abusivement contrôlés, pourraient produire des témoignages précis, notamment le numéro matricule du contrôleur, visible sur son uniforme – j’ai cru comprendre que cela était en cours de réalisation. Il serait facile alors de sanctionner, si dérive il y a. La méthode aurait également l’avantage, me semble-t-il, de ne pas faire d’une série de fautes individuelles un problème général.

Conscient que l’existence de contrôles d’identité au faciès pose un véritable problème, mais doutant de la pertinence de la solution proposée par le texte, les suffrages du RDSE se partageront entre l’abstention, pour bien signaler qu’il existe un véritable problème, et le vote contre, pour ceux qui veulent plutôt mettre l’accent sur la difficulté de mise en œuvre de cette mesure.

Voilà donc ce que sera le jugement balancé, comme d’habitude

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