Intervention de Yves Détraigne

Réunion du 18 mai 2016 à 14h30
Contrôles d'identité abusifs — Discussion d'une proposition de loi

Photo de Yves DétraigneYves Détraigne :

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la proposition de loi présentée par notre collègue Éliane Assassi, bien qu’intéressante dans son principe, manque un peu, malgré tout, de réalisme.

Ce texte a pour objet de modifier l’article 78-2 du code de procédure pénale, qui définit les circonstances autorisant les contrôles d’identité.

Bien que des questions puissent se poser autour de ces contrôles d’identité, notamment celle très préoccupante de certaines dérives discriminatoires, il se trouve que le nouveau dispositif proposé pourrait créer, me semble-t-il, plus de problèmes qu’il n’en résoudrait, comme l’a démontré l’excellent travail du rapporteur.

Tout d’abord, le régime des contrôles étant aujourd’hui stabilisé, ce nouveau dispositif supprimerait le critère juridique qui justifie un contrôle d’identité. Il supprimerait l’ensemble des fondements légaux de tous les contrôles d’identité, à l’exception de ceux qui relèvent de la police judiciaire. Ainsi, les contrôles sur réquisitions, ceux qui sont effectués dans un cadre de police administrative et ceux dits « Schengen » disparaîtraient, privant les forces de l’ordre d’instruments, pourtant indispensables pour prévenir les atteintes à l’ordre public et assurer la sécurité de nos concitoyens.

Ensuite, l’établissement obligatoire d’un récépissé spécifiant le motif du contrôle à l’issue de chacun d’eux produirait un alourdissement considérable de la procédure, sans même parler du coût financier, aspect qui est, il est vrai, très accessoire. En effet, en raison du nombre très important de contrôles réalisés quotidiennement – je crois qu’il y en a deux millions par an –, l’émission d’un tel document représenterait une formalité administrative lourde, complexe et chronophage. Les agents des forces de l’ordre consacrent déjà plus de la moitié de leur temps de travail aux actes de procédure et d’administration ; la priorité est donc plutôt de réduire ces derniers que d’en ajouter de nouveaux.

De plus, M. le rapporteur a souligné que l’instauration d’un tel récépissé n’empêcherait pas un nouveau contrôle par les forces de l’ordre et ne constituerait pas la preuve d’un traitement discriminatoire. Le bénéfice serait ainsi proche de zéro.

Par ailleurs, il est à noter que diverses mesures ont été récemment prises afin de faire face aux problèmes que peut poser la réalisation d’un contrôle d’identité. Ainsi, depuis 2014, le numéro matricule des agents des forces de l’ordre se doit d’être apparent sur leur uniforme. Cela permet de faciliter le signalement ou le dépôt de plainte en cas de contrôle abusif.

En outre, le port de caméras-piétons est actuellement en cours de généralisation à l’ensemble des patrouilles de police, comme l’a annoncé le ministre de l’intérieur le mois dernier. Ces petites caméras, expérimentées depuis 2012, entraînent une pacification des rapports entre les policiers et les citoyens, en parvenant à calmer les esprits et à éviter l’escalade ainsi que les propos blessants. De plus, ces caméras peuvent également fournir un élément de preuve en cas de litige, tant pour la personne contrôlée, qui alléguerait le caractère abusif de la procédure, que pour l’agent de police accusé à tort.

Permettez-moi d’ajouter que la formation initiale et continue des policiers, comme celle des gendarmes, notamment pour la mise en œuvre des contrôles d’identité, en lien avec les obligations posées par le code de déontologie commun aux deux forces de l’ordre, a également été renforcée.

Pour toutes ces raisons, le groupe UDI-UC, dans sa grande majorité, ne soutiendra pas cette proposition de loi, dont l’adoption pourrait conforter l’idée, que nous rejetons, que la police a tendance à privilégier les contrôles au faciès, ce qui serait, disons-le, une provocation en cette journée de lutte contre la « haine anti-flics ».

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