Ces contrôles sont ciblés sur un seul et même profil type : jeune, homme, perçu comme noir ou arabe. À ces critères, s’ajoutent l’apparence physique, le look vestimentaire appartenant à une culture urbaine, ce qui vous désigne automatiquement, dans l’imaginaire de certains, comme de potentiels coupables. D’ailleurs, c’est l’objet d’un amendement scandaleux, celui du sénateur Masson, qui n’en est plus à une provocation près ! Et en plus, il est absent…
Revenons au fond : imaginez le quotidien d’un jeune lycéen de dix-sept ans, vivant dans un quartier populaire des zones urbanisées, se faisant contrôler une fois en allant à son lycée et une seconde fois sur le chemin du retour, et ce quasiment tous les jours. Comment le vivriez-vous ? Comment ne pas se sentir humilié, stigmatisé ? Comment avoir une bonne image de la police et des institutions quand celles-ci vous suspectent systématiquement ? N’est-ce pas une conception amputée de la citoyenneté, une vision étriquée de la nationalité qui lui sont signifiées ?
C’est pour dénoncer tout cela que le mouvement Jeunes communistes, particulièrement celui du Val-de-Marne, a décidé de mener une grande campagne sur les contrôles au faciès. Il s’est appuyé sur le travail mené depuis des années par des associations des droits de l’homme, des ONG, le syndicat des avocats de France, celui de la magistrature et des syndicalistes de la police pour lancer une pétition, afin de sensibiliser les citoyens et les élus. Notre proposition de loi vise à concrétiser, à prolonger son travail d’investigation de terrain, en cherchant à modifier une loi profondément injuste et inégalitaire.
Nous avons pu vérifier l’urgence d’une telle proposition quand nous sommes allés, avec mon collègue Christian Favier, à la rencontre de jeunes du Val-de-Marne, dans des quartiers populaires. Tous décrivent la même situation de harcèlement. Leurs mères, leurs parents corroborent leurs propos, à savoir une dégradation manifeste des relations entre la police et la population – amplifiée par la suppression de la police de proximité décidée par Nicolas Sarkozy –, avec des comportements de certains policiers, manifestement très inappropriés, notamment envers des mineurs, rappelons-le.
Ces jeunes subissent des contrôles intempestifs, qui font partie intégrante de leur quotidien. Les palpations qui accompagnent parfois ces contrôles sont autant de vexations, d’humiliations, d’atteinte à leur intimité et leur intégrité.
Si dix-huit jeunes viennent de porter plainte contre une brigade du XIIe arrondissement, cela reste rare. La majorité constate avec impuissance l’impunité, quasi exclusive, qui règne du côté de ceux qui ont autorité sur eux.
Devons-nous rester inactifs face à cette situation ?
La France n’est pas le seul pays concerné. D’autres, comme l’Espagne, l’Angleterre ou bien encore les États-Unis, ont décidé d’agir et, contrairement à ce que vous dites, monsieur le rapporteur, ils ont fait preuve d’efficacité. Ils ont prouvé que moins de contrôles améliorent leur efficacité et leur pertinence sans pour autant que la délinquance augmente.
Ne pas laisser les choses en l’état, n’est-ce pas le défi que nous avons et que nous pouvons relever en tant que législateurs ? D’autant que des citoyens réagissent ! Treize personnes ont décidé de porter plainte contre l’État pour dénoncer les contrôles à répétition dont elles ont été victimes. L’État a été condamné pour cinq d’entre elles. Même si l’État a fait appel, cette condamnation est révélatrice des dérives reconnues, celles que nous dénonçons.