Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la proposition de loi présentée par notre collègue Éliane Assassi visant à lutter contre les contrôles d’identité abusifs aborde un problème important.
Ce texte a pour objet de modifier l’article 78-2 du code de procédure pénale, qui définit les circonstances autorisant les contrôles d’identité exercés par les forces de l’ordre.
Permettez-moi tout d’abord de saluer le travail remarquable réalisé quotidiennement par l’ensemble des agents des forces de l’ordre, alors que ceux-ci sont mobilisés dans le cadre de l’état d’urgence.
Élu de Paris, je vous rappelle que, outre leur travail quotidien – on compte plus de 3 000 manifestations à Paris chaque année –, les policiers doivent gérer chaque soir le mouvement Nuit debout, lutter contre les casseurs, gérer les manifestations contre la loi El Khomri, cependant que, demain, ils devront s’occuper de la très problématique fan zone de la tour Eiffel dans le cadre de l’Euro 2016. Pendant un mois, 80 000 personnes se rassembleront sur le Champ-de-Mars, ce qui sera source de nombreux problèmes pour les forces de l’ordre.
Ces rudes épreuves entraînent un épuisement généralisé dont témoigne la manifestation des policiers aujourd’hui, que je soutiens. Leur mission est d’autant plus complexe dans la période actuelle où la menace terroriste est à un niveau maximal.
Les attentats de janvier et de novembre 2015 ont montré l’adhésion de la population française à l’action de leurs forces de l’ordre, comme le confirment les dernières enquêtes d’opinion. Mais, il ne faut pas l’occulter, une certaine défiance à l'encontre de celles-ci s’est installée dans une partie de notre jeunesse. Cette défiance se traduit parfois par des comportements et des propos inadmissibles à l’égard des policiers.
En période normale, l’usage parfois abusif et répété des contrôles d’identité envenime les relations quotidiennes entre les forces de l’ordre et ces jeunes. Certains de ces contrôles peuvent s’avérer humiliants et nourrissent un climat d’hostilité entre la police et les populations les plus sujettes à ces contrôles. Il faut rappeler ces chiffres, qu’a cités Mme Benbassa : selon l’étude menée en 2009 par le CNRS, ces contrôles seraient six fois plus subis par ceux perçus comme étant « noirs » que ceux perçus comme étant « blancs », tandis que ceux perçus comme étant « arabes » le seraient huit fois plus.
Si je partage cette idée d’un meilleur encadrement des contrôles d’identité avec mes collègues du groupe communiste et du groupe écologiste, je tiens à dire je ne veux pas en faire un texte contre le travail des forces de l’ordre.
J’approuve cependant l’objectif de cette proposition de loi. Elle possède le mérite de proposer la délivrance d’un récépissé à l’issue de chaque contrôle d’identité.
J’avais moi-même déposé en 2012 une proposition de loi rédigée à l’issue d’un important travail effectué en étroite collaboration avec le Défenseur des droits de l’époque, M. Dominique Baudis, à la suite de nombreux colloques et d’un long travail de réflexion. Je profite de notre débat pour rendre hommage à son action, notamment en matière de lutte contre les discriminations, et c’est en sa mémoire que je continue à défendre cette idée.
L’établissement d’un récépissé permettrait d’évaluer la fréquence des contrôles d’identité et, le cas échéant, de servir d’élément de preuve en cas de litige, tant pour la personne contrôlée que pour l’agent de police accusé à tort de « contrôle au faciès ».
En outre, j’estime que la remise d’un récépissé permettrait de contrebalancer, en quelque sorte, la création d’une retenue administrative par le projet de loi renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, et améliorant l’efficacité et les garanties de la procédure pénale. Cette retenue administrative de quatre heures au maximum pourrait intervenir lorsqu’il existe des raisons de penser que le comportement d’une personne est lié à des activités terroristes. Bien que nécessaire, cette disposition pourrait entraîner des dérives dans son application courante. Or je considère que l’instauration d’un récépissé pourrait éviter ce risque de dérives.
Ainsi, je suis convaincu que l’établissement d’un procès-verbal mentionnant les bonnes informations peut faciliter le travail des policiers et des gendarmes. C’est la raison pour laquelle j’ai déposé sur ce sujet un amendement, qui reprend le texte de ma proposition de loi.
Madame la secrétaire d'État, je n’adhère pas à vos arguments, que je trouve quelque peu caricaturaux, ni aux vôtres, monsieur le rapporteur, quand vous prétendez que la délivrance d’un récépissé ne serait d’aucune efficacité ; or, malheureusement pour vous, les exemples étrangers tendraient à démontrer le contraire.
Pour toutes ces raisons, à titre personnel, je soutiens cette proposition de loi.