Intervention de Didier Guillaume

Réunion du 18 mai 2016 à 14h30
Protection du crédit immobilier français — Adoption d'une proposition de résolution

Photo de Didier GuillaumeDidier Guillaume, auteur de la proposition de résolution :

Il y a huit ans, la crise des subprimes éclatait aux États-Unis. Cette crise a débouché par la suite sur celle des dettes souveraines, notamment en Europe, empêchant la reprise économique et la retardant jusqu’à récemment. Nous sortons à peine de cette crise majeure. Pourtant, les failles qui ont éclaté au grand jour à l’occasion de la crise des subprimes font de nouveau peser un risque sur notre économie.

La source de cette inquiétude réside à Bâle, au sein du Comité des banques centrales qui s’y réunit. Cette instance, créée en 1974 par les banques centrales elles-mêmes, est chargée de veiller à la solidité du système financier, objectif tout à fait louable et utile pour la stabilité de notre économie. Après 2008, ce comité a d’ailleurs pris des mesures prudentielles utiles avec les accords dits de « Bâle III », notamment en renforçant les niveaux de garanties demandées aux banques.

Aujourd’hui, la révision de ces mesures suscite l’inquiétude du groupe socialiste et républicain et, bien au-delà, celle de tous nos collègues ; elle a motivé le dépôt de cette proposition de résolution.

Les travaux actuels du comité de Bâle, s’ils devaient se poursuivre dans cette direction, menaceraient gravement le système français du crédit immobilier, le modèle de financement de l’habitat dans notre pays. Ce serait une véritable remise en cause du modèle français du crédit.

Tout crédit recèle un risque inhérent. Toutefois, le système français a la vertu de faire peser ce risque en partie sur les banques, en faisant du taux fixe la généralité. Ce premier principe, le comité de Bâle veut le remettre en cause au profit des taux variables.

Le système français protège également les emprunteurs du défaut de paiement en évaluant leur capacité à rembourser. Ce principe serait aussi remis en cause, faisant peser des risques d’impayés sur les emprunteurs et sur les banques.

Enfin, en France, les crédits sont garantis principalement par cautionnement, un fonctionnement qui permet de pallier les défauts et d’assurer une stabilité. Le comité envisage également de remettre en cause ce principe, au profit de l’hypothèque dont les limites sont connues depuis les subprimes, ce qui serait inacceptable.

Les trois principes du crédit immobilier à la française sont donc ainsi contestés, au nom de visions techniques, voire technocratiques, et par méconnaissance de la réalité du fonctionnement des crédits dans notre pays.

Nous devons le rappeler, en France, 80 % des crédits aux particuliers sont des crédits à l’habitat. C’est un signe de vitalité pour un système qui produit moins de 1 % d’impayés. L’alignement sur le modèle américain serait source d’instabilité pour les ménages qui empruntent et augmenterait fortement les risques de surendettement.

Les premières personnes qui souffriraient de ces nouvelles règles sont nos concitoyens, notamment les plus modestes. Ce sont eux qui ont déjà été les plus durement frappés par la crise de 2008. Ce sont eux que nous proposons aujourd’hui de protéger, car nous ne voulons pas voir dans notre pays les drames humains qui ont suivi directement la crise des subprimes. Plus largement, c’est tout l’équilibre économique du logement en France qui serait remis en question, jusqu’au financement de la construction, alors que le secteur redémarre tout juste et qu’il s’agit d’un pilier indispensable à la croissance.

Nous ne pouvons accepter cette remise en cause, ce risque, cette menace contre le financement du logement dans notre pays. C’est un danger économique et social que nous devons contrer tant qu’il en est encore temps.

La France agit pour améliorer le système financier international, pour le stabiliser, afin que les banques soient au service de l’économie réelle. Des mesures ont été prises, notamment depuis 2012, pour sécuriser le système bancaire européen ou encadrer les activités spéculatives.

La régulation en matière bancaire est indispensable. C’est pour cela que nous sommes attentifs aux travaux de Bâle. C’est aussi pour ces raisons que nous sommes opposés aux premiers éléments qui sortent de ces travaux. Le comité de Bâle fait fausse route : réglementer ne signifie pas standardiser.

En matière d’accès au marché immobilier, le modèle français est juste et équilibré. Il doit perdurer, car il permet au plus grand nombre l’accès à la propriété, il permet de transmettre un patrimoine, il permet à ceux qui ont travaillé toute leur vie de laisser un bien à leurs enfants. Il est donc nécessaire, je dirais même vital, pour notre économie, que les banquiers de Bâle prennent en compte ces spécificités économiques de notre pays.

Les principes du crédit immobilier français, que j’ai déjà exposés, sont des atouts qui devraient plus inspirer qu’être gommés. Ce sont des règles qui permettent de maintenir le dynamisme de l’accession à la propriété dans notre pays. La volonté du comité est d’augmenter la stabilité du système. Pourquoi, alors, renier un modèle stable ?

Le débat d’aujourd’hui soulève une autre question, celle de la place de la politique face à des institutions financières internationales, non élues, qui ne disposent pas d’une légitimité populaire. Bref, c’est la question démocratique qui doit être au cœur de la réflexion.

L’instance qui menace aujourd’hui le financement français de l’habitat ne dispose d’aucun espace démocratique, d’aucun lieu d’échange avec les parlements, qu’ils soient européens ou nationaux. Pourtant, les conséquences seront directes sur la vie quotidienne de nos concitoyens.

L’opacité qui règne dans cette instance, la même que celle qui prévaut dans les négociations sur le traité transatlantique, n’est pas admissible pour nous, législateurs. Elle n’est plus admissible pour les citoyens. Elle alimente la défiance envers les institutions. Dans la crise démocratique que nous vivons, les citoyens veulent savoir que leurs parlementaires les défendent.

La réalité est donc la suivante : si nous, sénateurs, comme les députés, ne lançons pas l’alerte sur ce sujet, alors personne ne pourra s’opposer aux décisions du comité. Elles s’imposeront à l’ensemble de nos banques dans les prochains mois.

Monsieur le secrétaire d’État, je sais que vous-même et M. Sapin êtes très impliqués sur ces questions, très attentifs quant à la stabilité du système financier. Nous soutenons vos efforts en présentant cette proposition de résolution, qui, nous l’espérons, sera adoptée.

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