Intervention de Nina Belile

Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes — Réunion du 28 avril 2016 : 1ère réunion
Permis de conduire et professions de l'enseignement de la conduite

Nina Belile :

Je souhaite témoigner de mon « parcours du combattant » pour obtenir le permis de conduire. De fait, il m'a fallu pas moins de deux années, 118 heures de conduite, dix moniteurs différents et 6 000 euros. Or, mon cas n'est pas isolé et trop de candidates connaissent des difficultés similaires. Certaines personnes ne réussissent à décrocher leur permis qu'après plusieurs années. Je vais m'appuyer sur les questions que vous m'avez posées par écrit pour développer mon témoignage.

Les portraits des moniteurs et des inspecteurs que j'ai dressés dans mon livre ne sont pas exagérés. J'ai simplement essayé d'en rendre compte avec humour. Tous les faits racontés sont bel et bien réels. Certains moniteurs profitaient des heures de conduite pour faire des courses, d'autres ne prêtaient aucune attention à ma conduite, d'autres encore entraient dans un jeu de drague. Étant donné l'absence de témoin dans la voiture, il n'est pas facile pour une jeune femme de parler de ce comportement embarrassant à une tierce personne.

En outre, les changements de moniteurs, trop fréquents, déstabilisent fortement les élèves. J'ai heureusement connu des enseignants très professionnels. C'est pourquoi je ne souhaite pas généraliser les critiques à l'encontre des moniteurs. Je souhaite principalement pointer les dérives du système. L'écriture de mon livre m'a permis d'échanger avec des candidates au permis qui m'ont assuré avoir partagé certaines de mes expériences, ainsi qu'avec des enseignants en conduite, étonnés de constater mes difficultés et affirmant que ces comportements, d'après eux, étaient rares. À mon avis, un moniteur, homme ou femme, n'enseignera pas la conduite de manière différente à une femme ou à un homme, mais il me semble que les femmes sont plus vulnérables à l'apprentissage de la conduite. Souvent assez émotives, elles doivent être mises en confiance pour réussir.

De plus, il me semble que le conditionnement culturel de notre société incite généralement les filles, dès leur plus jeune âge, à jouer à la poupée et les garçons aux voitures. L'automobile a été longtemps un milieu spécifiquement masculin et des stéréotypes persistent, notamment à travers les phrases du type : « femme au volant, mort au tournant » ou « les femmes ne savent pas conduire ». Dans les couples, c'est l'homme qui conduit, le plus souvent. D'ailleurs, mes parents avaient passé leur permis de conduire en même temps, mais ma mère a préféré arrêter de conduire à cause des remarques incessantes de mon père sur sa conduite. Ce modèle a sûrement joué un rôle dans mon apprentissage de la conduite. Certains moniteurs se montrent plus pédagogues que d'autres mais, globalement, ils n'adaptent pas suffisamment leur comportement à chaque élève.

Concernant l'épreuve théorique - le code - les femmes réussissent aussi bien que les hommes. En revanche, elles éprouvent plus de difficultés pour l'épreuve pratique, la conduite. Outre le conditionnement culturel mentionné précédemment, il me semble que les femmes réfléchissent trop et développent moins leurs compétences pratiques. C'est pourquoi il leur faut davantage de temps pour apprendre la conduite. Un enseignement adapté à leurs besoins serait peut-être indiqué. Dans mon cas, la mise en confiance, un facteur essentiel de l'apprentissage, n'a pas été suffisamment instaurée et m'a véritablement manqué. Heureusement, une femme monitrice m'a permis de regagner cette confiance en moi et j'ai également rencontré un homme moniteur doté de réelles qualités pédagogiques. Cependant, certaines remarques machistes subsistent, ainsi qu'un comportement parfois brusque ou un certain manque de respect vis-à-vis des élèves. Un jour, un enseignant a pris le contrôle du véhicule et s'est amusé à rouler très vite sur le périphérique pour m'effrayer. De nombreux enseignants, et parfois aussi des inspecteurs, déstabilisent les candidats souvent déjà stressés par cette épreuve, qui mobilise à la fois le mental et le physique.

Pour améliorer l'examen du permis de conduire, je suggère de proposer un examen continu au lieu d'une épreuve ponctuelle. Une évaluation en plusieurs étapes, réparties dans le temps, me semblerait plus adaptée. De fait, de nombreux hommes, qui ont des facilités en conduite, peuvent se montrer excellents conducteurs pendant l'examen et se révéler dangereux au volant d'une voiture par la suite, en ne respectant pas le code de la route. Plusieurs éléments pourraient être instaurés afin d'augmenter le taux de réussite des femmes. Peut-être pourrait-on d'abord réduire la durée de l'épreuve et passer des 32 minutes actuelles à 25 minutes.

Ensuite, il serait nécessaire de privilégier un véritable suivi pédagogique dans la formation dispensée par les auto-écoles, avec un enseignant dédié par élève. Les auto-écoles devraient également accorder une attention particulière au recrutement des enseignants et renforcer les contrôles. En outre, l'estimation du nombre d'heures nécessaires pour passer le permis, donnée après la première heure de conduite, me semble inutile. Fondée sur des données abstraites, elle augmente le stress de l'élève en générant une pression supplémentaire. Apprendre à conduire à Paris s'avère particulièrement difficile et nécessite davantage de temps, surtout lorsque le candidat n'a jamais conduit auparavant. Si le nombre d'heures indiqué dans l'estimation est dépassé, ce qui arrive fréquemment, l'élève se sent incompétent.

J'ajoute que la profession d'enseignant en conduite gagnerait à être revalorisée, comme me l'ont confirmé plusieurs moniteurs qui ont lu mon livre. D'une part, le terme communément utilisé de « moniteur » ne contribue pas à l'image positive du métier, qui doit être davantage pris au sérieux. D'autre part, la formation des enseignants devrait être repensée pour combler ses imperfections, notamment dans l'apprentissage de la pédagogie. Certains enseignants se montrent naturellement pédagogues, mais ils sont rares. Enfin, concernant les inspecteurs, il existe des disparités entre ceux qui ont été enseignants et ceux qui ne l'ont pas été. Leur formation mériterait également d'être revue pour ajuster la durée, développer la pédagogie et les capacités à écouter les candidats.

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