Tout le monde est favorable au juste droit et à la répression de la fraude aux prestations. Mais dès l'exposé des motifs, la proposition de loi donne une image fausse de la réalité. Un rapport que j'ai présenté voici trois ans a fait le même constat que ceux de la Cour des comptes et de l'Inspection générale des affaires sociales : le premier problème, en matière d'accès aux droits sociaux, est le taux de non-recours qui se situe entre 14 et 30 %. Des millions de personnes aujourd'hui éligibles aux prestations ne les touchent pas faute de pouvoir constituer le dossier.
L'expression « fraude sociale » amalgame deux phénomènes : la fraude aux droits sociaux, dont le montant, d'après des chiffres provenant d'organismes publics, ne dépasse pas 119 millions d'euros ; et une autre fraude issue du non-paiement des cotisations entraîné par le travail illégal, dont le montant est compris entre 13 et 15 milliards d'euros ! Ajoutons la fraude fiscale, évaluée à 3,6 milliards d'euros, et l'évasion fiscale, qui se chiffre elle aussi en milliards. Si les administrations publiques se voient assigner la tâche de lutter contre la fraude, fixons des priorités. L'expression « fraude sociale » qui figure dans l'intitulé du texte attribue aux précaires une fraude qui, dans sa grande majorité, n'est pas de leur fait.
Il ne convient pas de confier cette mission à des conseils départementaux déjà surchargés, alors que les administrations centrales et départementales - caisse nationale d'assurance maladie, caisses primaires d'assurance maladie, caisses d'allocations familiales - sont déjà mobilisées.
Enfin, de façon implicite mais constante, ce texte fait peser une suspicion et une stigmatisation sur les 9 à 10 millions de personnes précarisées et fragilisées qui dépendent des minima sociaux. Pourquoi s'acharner ? Nous voterons contre ce texte relevant davantage de l'idéologie que de l'intérêt général, et par endroits choquant.