Je suis très honoré d'être votre rapporteur sur cette proposition de loi, que j'ai cosignée, et dont je remercie Jacques Genest d'avoir pris l'initiative.
Au cours des dix dernières années, et récemment encore avec la loi d'avenir pour l'agriculture, la loi Alur, la loi Macron, les textes relatifs à l'urbanisme se sont succédé, afin notamment que l'urbanisation prenne mieux en considération les impératifs de protection de l'environnement et que se concilient de manière plus aisée les objectifs parfois contradictoires qui doivent guider la décision d'ouvrir de nouveaux territoires à l'urbanisation.
Cette démarche n'a cependant pas toujours suffisamment pris en compte la nécessité d'accompagner les espaces ruraux dans leur développement économique et démographique. Or, la construction en milieu rural ou dans les zones de montagne, pour autant qu'elle reste maîtrisée, constitue l'un des moyens du développement de ces territoires, en particulier lorsqu'ils sont éloignés des centres urbains.
Ainsi, les dernières lois en matière d'urbanisme ont eu pour objectif principal la limitation de l'étalement urbain, passant notamment par un principe de « gestion économe de l'espace », en ce qui concerne les schémas de cohérence territoriale (SCoT), et de « modération » de consommation de l'espace concernant les plans locaux d'urbanisme (PLU).
Cet objectif de modération est incontestablement nécessaire. Ainsi que l'a rappelé, lors des auditions, la Fédération nationale des sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural (FNSAFER), il a permis de réduire le rythme de l'extension urbaine et de ramener l'artificialisation des sols à quelque 50 000 hectares par an.
Néanmoins, l'interprétation souvent stricte de ces notions par les directions territoriales de l'Etat conduit à pénaliser particulièrement les communes rurales ou les communes de montagne, dans lesquelles les ouvertures à l'urbanisation et le nombre d'autorisations de construire délivrées depuis plusieurs décennies sont déjà significativement bas. On en vient alors souvent, au nom des principes précités, à imposer à ces communes de limiter plus encore leurs possibilités de construire, réduisant parfois à néant toute perspective de développement.
En outre, la réglementation sur les constructions nouvelles - applicable sur l'ensemble du territoire national - peut conduire à des situations ubuesques. Ainsi, il est des cas où il est plus facile à un nouveau résident de s'implanter dans une commune rurale qu'à un exploitant agricole retraité ayant cédé sa ferme de rester sur ses terres en aménageant certains locaux à usage agricole pour en faire son habitation principale. Nous sommes tous confrontés, sur nos territoires, à de telles situations.
Comme l'ont souligné les associations d'élus au cours des auditions, et en particulier l'Association des maires de France (AMF), il faut reconnaître un véritable droit des communes rurales ou des communes de montagne à se développer. Ces territoires doivent rester des lieux de vie pour nos concitoyens, et ne sauraient se transformer en des « conservatoires » où plus aucune évolution du bâti n'est envisageable. Car la vivification de ces zones où dominent espaces naturels ou espaces agricoles implique que la construction de nouveaux bâtiments à usage d'habitation, à usage agricole, commercial ou artisanal, ou bien encore que le changement de destination de bâtiments existants, restent envisageables, tout en préservant les milieux.
Il ne s'agit évidemment pas de prôner l'abolition de tout encadrement mais de procéder aux adaptations nécessaires pour que le développement rural et celui des territoires de montagne soient également et effectivement pris en considération par la législation sur l'urbanisme : si dans ces territoires, la lutte contre le mitage doit rester une priorité, elle doit aussi favoriser un étalement urbain raisonnable.
Des ajustements doivent donc être trouvés pour mieux répondre aux besoins ordinaires et légitimes de leurs résidents. C'est dans cette voie que s'engage résolument la présente proposition de loi, qui s'ordonne autour de deux axes.
Le premier vise à mieux adapter les contraintes d'urbanisation aux spécificités des communes rurales ou de montagne.
Le chapitre premier consacre expressément le développement rural parmi les principes fondamentaux du droit de l'urbanisme (article 1er).
Le chapitre II entend offrir de nouvelles possibilités de construction et d'installation en milieu rural. En premier lieu, il facilite le développement des constructions et installations utiles à l'exploitation agricole, au-delà de la stricte notion actuellement retenue par le code de l'urbanisme de bâtiment « nécessaire » à l'exploitation. Seraient ainsi autorisées, de manière plus large, les constructions et installations « participant à l'équilibre économique de l'exploitation agricole » (article 2).
En second lieu, il permet la construction d'annexes et de dépendances aux constructions existantes dans l'ensemble des territoires ruraux et, parallèlement, et dans ceux où cette possibilité est déjà ouverte, il assouplit les conditions, assez draconiennes, qui l'encadrent (article 3).
Le chapitre III propose plusieurs dispositifs destinés à assouplir les procédures qui autorisent l'édification de nouvelles constructions ou l'ouverture de nouveaux secteurs à l'urbanisation. Ainsi, serait supprimé le caractère conforme de l'avis de la commission départementale de préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers (CDPENAF) lorsqu'elle se prononce, d'une part, sur les constructions autorisées sur délibération du conseil municipal dans les territoires soumis au règlement national d'urbanisme (RNU), d'autre part, sur les règles relatives au changement de destination dans les zones A des PLU. De même pour l'avis rendu par la commission départementale de la nature des sites et des paysages (CDNPS) lorsqu'elle se prononce sur les règles relatives au changement de destination dans les zones N (article 4).
Par ailleurs, le PLU pourrait prévoir des secteurs ouverts à l'urbanisation lorsque ceux-ci comportent des équipements de dessertes réalisés ou programmés, ou ont fait l'objet d'acquisitions foncières significatives de la part de la commune ou de l'établissement public de coopération intercommunale (EPCI) compétent (article 5).
Ensuite, pour définir les objectifs chiffrés de modération de la consommation de l'espace et de lutte contre l'étalement urbain compris dans le projet d'aménagement et de développement durable (PADD), la taille des parcelles des communes de montagne ou à faible densité démographique devrait désormais être prise en considération (article 6).
Enfin, la réduction d'un espace boisé classé, d'une zone agricole ou d'une zone naturelle et forestière serait désormais soumise à la procédure de modification du PLU plutôt qu'à sa procédure de révision simplifiée, lorsque cette réduction est nécessaire pour accueillir un équipement collectif (article 7).
Le second axe vise à rétablir ou à renforcer certaines participations d'urbanisme pour favoriser les projets d'aménagement.
Les communes rurales ou de montagne n'ont souvent pas les budgets suffisants pour financer des projets d'aménagements publics fréquemment rendus plus onéreux par les contraintes topographiques. Le nouveau régime des participations d'urbanisme - avec notamment la taxe d'aménagement, qui s'est substituée aux participations préexistantes - ne permet pas de faire financer les projets par les bénéficiaires des autorisations de construire dans des conditions permettant de les mener à bien.
Pour y remédier, la présente proposition de loi prévoit, d'une part, de rétablir la participation pour voiries et réseaux, dans son régime antérieur au 1er janvier 2015, en la réservant aux seules communes de montagne ou faiblement peuplées (articles 8 et 10) ; d'autre part, d'élargir la possibilité, pour les communes de montagne ou faiblement peuplées, d'instituer une majoration du taux de la taxe d'aménagement (article 9).
À l'issue des auditions que j'ai conduites, et dans une démarche concertée avec notre collègue Jacques Genest, je vous soumets aujourd'hui plusieurs amendements afin d'assurer la plus grande efficience juridique des dispositifs de cette proposition de loi tout en les recentrant pour mieux répondre aux difficultés qui se présentent effectivement sur le terrain, dans les communes rurales ou de montagne.