Je vous remercie de votre invitation. Cette proposition de loi issue d'un groupe de travail créé par Les Républicains, vise à débloquer des situations qui deviennent catastrophiques dans nos communes rurales. J'habite une commune rurale de 800 habitants en Ardèche et mon intention n'est ni de pousser les agriculteurs au départ, ni de menacer l'environnement, d'autant qu'il nous attire des touristes. Je m'inquiète, en revanche, de voir gronder une fronde de la ruralité. Les habitants du monde rural veulent pouvoir y travailler, y disposer de services. Et avant tout, ils veulent pouvoir y vivre. Or, dans les départements ruraux, les maires disent qu'en matière d'urbanisme, la situation est catastrophique, et qu'ils ne peuvent plus rien faire. Si bien que les communes soumises à un plan d'occupation des sols (POS) venant à échéance, au lieu d'élaborer un plan local d'urbanisme (PLU), qui aurait pour conséquence une réduction drastique des terrains disponibles à la construction, préfèrent le retour au régime du règlement national d'urbanisme (RNU). Et c'est l'État qui, dans cette configuration, instruit les dossiers : sachant le manque de moyens dont souffrent les directions départementales des territoires, on se demande comment ils le seront...
En matière de règles d'urbanisme, on a, quelle que soit la couleur du Gouvernement, accumulé les contraintes - certes parfois nécessaires, mais qui pèchent par leur uniformité. Or, on sait bien qu'en termes de construction, les besoins d'une commune rurale n'ont rien à voir avec celles d'une grande ville comme Paris. J'ajoute que nulle part dans le droit de l'urbanisme il n'est question de développement rural. On peut y voir, au mieux, un oubli, au pire, une omission volontaire.
Je remercie mon collègue Daniel Laurent pour son rapport et ne reviendrai que sur quelques points susceptibles de soulever débat. Pourquoi proposons-nous de rétablir la participation pour voirie et réseaux (PVR) dans les communes rurales, alors qu'existe une taxe d'aménagement ? Les maires des petites communes savent que viabiliser un secteur, comme je l'ai fait dans mon village de Coucouron, a un coût. Or, il est impossible d'équilibrer l'opération avec la taxe d'aménagement. En revanche, le pétitionnaire d'un permis de construire est très heureux de payer la PVR et d'avoir un terrain viabilisé. C'est pourquoi il me semble indispensable de remettre la PVR en place, éventuellement cumulable avec la taxe d'aménagement - mais pas avec son taux majoré. N'oublions pas qu'il ne s'agit pas à proprement parler d'une taxe, puisque cela correspond aux travaux effectués pour viabiliser le terrain. Il faut bien sûr que les propriétaires jouent le jeu, et ne vendent pas plus cher au motif que le terrain est viabilisé.
Dans certains départements, c'est notre deuxième constat, la direction départementale des territoires (DDT) interprète bien souvent les textes avec la plus grande rigueur. À l'occasion du passage d'un POS à un PLU, il peut arriver que la DDT déclare qu'une zone n'est plus constructible, alors que la commune avait entrepris des investissements pour la viabiliser. Autant de dépenses engagées pour rien ! D'où notre proposition, améliorée par un amendement du rapporteur : quand une commune a, avant la promulgation de la loi, viabilisé ou acheté un terrain aux fins de le viabiliser, ce terrain doit rester constructible. Question de bon sens paysan, indispensable à l'avenir de nos territoires - un bon sens que l'on a perdu de vue depuis quelques années.
Ne nous voilons pas la face, nous savons tous que le PLU est fait par la DDT, pas par le maire. Moyennant quoi l'on applique mécaniquement des coefficients. Or, nous avons besoin de terrains constructibles. Veut-on que nous en soyons réduits, dans un village comme le mien, à bâtir, plutôt que des maisons implantées sur un peu de terrain, des immeubles de dix étages ? Il faut être raisonnable ! Il faut considérer, dans le PADD, la nature et la structure de la commune et adapter le PLU en conséquence, sans, bien entendu, consommer trop de terres agricoles. Je suis maire d'une commune qui compte le plus grand nombre d'agriculteurs de l'Ardèche et pourtant, durant de nombreuses années, je n'ai jamais eu de problème de permis de construire. Les agriculteurs ne se sont jamais offusqués d'en voir délivrer : ils ne veulent pas vivre dans un désert. Où scolariseraient-ils leurs enfants ? Où iraient-ils acheter leur pain ? Où se feraient-ils soigner ?
Bref, il ne s'agit pas, pour nous, de pousser au laxisme mais d'essayer de débloquer des situations qui entraînent un mécontentement terrible. Le monde rural se sent abandonné : je compte sur votre sagesse pour lui rendre un peu d'espoir.