Certes, on ne peut que partager les objectifs inscrits dans l'exposé des motifs de votre proposition de loi : rétablir l'attractivité des zones rurales et promouvoir un aménagement du territoire rationalisé et équilibré. Ma première démarche, lorsque j'ai été élu maire de ma commune, a été de m'atteler à établir un POS, puis un PLU. Ma commune comptait 170 habitants, elle en compte aujourd'hui 250. J'ai conservé mon école, mes agriculteurs.
Il faut comprendre que le monde a changé autour de nous, et changer de logiciel. C'est pourquoi nous ne pouvons souscrire à cette proposition de loi, jugeant que le remède proposé est bien pire que le mal. C'est lancer un mauvais signal, tant pour la protection du foncier agricole que pour l'aménagement du territoire et son attractivité.
Permettre la construction d'annexes et dépendances quel que soit le document d'urbanisme qui couvre la commune, supprimer les dispositifs d'encadrement et de concertation, en transformant, notamment, l'avis conforme de la CDPENAF en avis simple ? Ce serait renoncer à encourager les communes à se doter d'un PLU et tirer un trait sur tout le travail mené depuis vingt ans par de nombreux élus qui se sont engagés dans cette démarche.
En revenant sur des mesures de protection des zones naturelles et agricoles inscrites dans notre droit, depuis plus de quinze ans pour certaines, vous prenez le risque d'accélérer le mitage des paysages et du foncier agricole. À cet égard, la modification proposée du critère de continuité urbaine est particulièrement dangereuse pour la préservation de nos territoires.
Ce n'est pas parce que l'artificialisation des sols concerne davantage, ainsi que vous le soulignez, les zones urbaines et périurbaines qu'il ne faut plus protéger nos milieux ruraux. Cela va d'ailleurs à l'encontre du souhait d'une maîtrise rationnelle de l'artificialisation des sols exprimé par le monde agricole, que nous avons également entendu. Le postulat du texte est en réalité assez sommaire : les dispositions existantes sont considérées en bloc comme des contraintes, et il convient, selon vous, d'opérer un retour en arrière, en les supprimant une à une, quitte à passer par pertes et profits les équilibres qui les ont justifiées : cohérence dans l'aménagement du territoire, attractivité, préservation des paysages, du foncier agricole, de la continuité urbaine pour un meilleur accès aux équipements.
Pour relancer la construction et valoriser le développement en milieu rural, des outils existent. Il faut à présent s'en emparer. Des assouplissements ont été apportés, notamment dans la loi d'avenir pour l'agriculture. En matière de changement de destination des locaux, pour en faire des bâtiments d'habitation, les règles ont été assouplies. En matière d'extension des bâtiments d'habitation et de leurs annexes, la loi Macron a déjà donné des résultats. Par ailleurs, l'ouverture, à compter du 1er janvier dernier, du prêt à taux zéro pour la réhabilitation du bâti ancien s'est avérée très pertinente pour les zones rurales et les anciens centres-bourgs. En quatre mois, 40 % des opérations sont comptabilisées en zone C. Preuve que l'outil est utilisé dans le monde rural.
Il ne s'agit pas pour nous de dire qu'aucune question ne se pose, mais nous estimons que d'autres dispositions peuvent être proposées pour améliorer le droit existant. Les élus locaux auraient souvent besoin d'un accompagnement, d'un « service après vote » pour éviter des situations que vous avez évoquées, où l'on voit des maires ruraux revenir au RNU plutôt que d'élaborer un PLU - ce qui est très grave. On ne peut que souscrire aux tentatives d'allègement des contraintes procédurales en matière d'urbanisme, mais si et seulement si les principes fondamentaux de protection des espaces et de l'activité agricole sont respectés. Or, force est de constater que vos propositions et les critères qui les accompagnent sont sujets à trop d'interprétations, comme l'a confirmé l'Association des maires de France, que nous avons entendue. Cela pourrait remettre en cause le point d'équilibre que l'on a su trouver au travers de dispositifs que nous avons voté depuis quatre ou cinq ans. On ne peut que récuser cette approche, qui marque un recul dans la protection des terres agricoles et l'aménagement du territoire.