Toutefois, me direz-vous, aller en avant ou en arrière, c’est toujours bouger. C’est la seule chose qui compte en ces temps médiatiques.
La réforme, pour nos collectivités, c’est pousser plus loin, approfondir la décentralisation. Ce fut un processus lent, d’abord, accéléré depuis 1982, libérant l’initiative et les énergies locales par la démocratie. Il a transformé notre pays, au point que l’on pourrait parler, sans exagérer, des « Vingt-Cinq glorieuses de la décentralisation ».
Aujourd’hui, cela a été dit, les collectivités territoriales assurent les trois quarts de l’investissement public et une part grandissante des dépenses sociales. En 2008, les seules dépenses sociales des départements auront représenté 46, 1% de celles du budget de l’État, hors retraite des fonctionnaires, bien sûr, mais déduction faite des concours.
La contre-réforme, ce serait casser cette dynamique, au moment même où la crise rend l’engagement des collectivités encore plus essentiel. Sans leur concours, le plan de relance aurait ainsi perdu son point d’appui le plus solide.
Selon les chiffres annoncés par le Gouvernement, leur effort d’investissement, 53 milliards d'euros, représenterait une hausse de 18, 7 milliards d'euros par rapport à la moyenne annuelle constatée sur la période de référence 2004-2007. Ces chiffres sont à comparer aux montants – 4 milliards d'euros chacun – des investissements prévus par l’État et des dépenses supplémentaires des grandes entreprises publiques que sont EDF, la SNCF ou la RATP.
« Les élus territoriaux ont parfaitement joué le jeu de la mobilisation quelle que soit leur casquette politique », a d’ailleurs reconnu le ministre chargé de la mise en œuvre du plan de relance.
Sans les collectivités territoriales, il n’y aurait pas non plus d’accompagnement social de nos concitoyens les plus fragiles.
En ce qui concerne le RMI, après deux ans de baisse, le nombre d’allocataires est reparti à la hausse.
Pour le RSA, 100 000 demandes étaient validées à la fin du mois de mai dernier, et 300 000 à la mi-juin, ce qui représenterait, selon les observateurs, 15 % seulement des bénéficiaires potentiels, l’essentiel des « travailleurs pauvres » ne s’étant pas encore manifesté. Le dispositif RMI basculant sur le RSA, le nombre d’allocataires s’élèvera, au début du mois de juillet, à 1, 5 million.
S’agissant de l’APA, vous le savez comme moi, elle poursuit son irrésistible ascension.
Vous vouliez des propositions de réformes, mes chers collègues ? Nos rapporteurs vous en ont donné ! Je citerai les plus significatives, au premier rang desquelles la reconnaissance de l’autonomie fiscale des collectivités, par le biais de trois mesures.
Il s’agit, d’abord, de la mise en place d’un mécanisme permanent de révision des bases de l’impôt sur les ménages.
Il s’agit, ensuite, de l’instauration d’un impôt sur l’activité économique dynamique, équitable, peu sensible à la conjoncture et non pénalisant pour les entreprises qui investissent ou qui sont le plus exposées à la concurrence internationale.
Il s’agit, enfin, de la création de nouvelles ressources, pour permettre aux collectivités de financer les infrastructures de transport, qui relèvent désormais de leur responsabilité. Outre le livret d’épargne populaire dédié, qu’a évoqué Yves Krattinger, il convient d’ajouter la généralisation de la taxe sur les poids lourds et la taxation des plus-values foncières.
Les rapporteurs de la mission temporaire proposent également la mise en place de « dispositifs de péréquation » : péréquation verticale, par une réforme des dotations de l’État et la création d’un fonds national ; péréquation horizontale, sur le modèle du fonds de solidarité des communes de la région d’Île-de-France.
Mme Gourault et M. Krattinger préconisent en outre l’achèvement, la rationalisation et la démocratisation de l’intercommunalité.
Ils souhaitent que soient créées des métropoles sur les espaces urbains de rayonnement au moins européen. Ces nouveaux EPCI pourront alors devenir des collectivités locales de plein exercice, avec mutualisation des dotations et des ressources fiscales, sur délibérations concordantes des communes membres. Dotées d’un bloc minimal de compétences obligatoires, mais aussi d’une capacité d’initiative pour la mise en réseau du territoire périmétropolitain, elles seront en mesure d’exercer, par délégation, des compétences du département, de la région ou de l’État.
Par ailleurs, les deux rapporteurs suggèrent l’organisation d’une coordination systématique et institutionnelle entre les acteurs principaux d’un territoire : conseils régionaux des exécutifs et conférences départementales des exécutifs.
Ils veulent conférer aux régions la capacité non seulement d’animer les politiques dans le domaine de l’économie, de la recherche, de l’enseignement supérieur et de la formation, mais également d’exercer la compétence emploi, qui est actuellement de la responsabilité de l’État. Y-a-t-il meilleur moyen de répondre aux besoins des entreprises et des travailleurs, d’impulser des politiques économiques vraiment anticipatrices ?
L’État n’exerçant plus ce rôle, le département verrait affirmée sa vocation à mettre à la disposition des communes rurales et de leurs intercommunalités l’ingénierie publique qui leur manque cruellement.
Toutefois, le fait de réduire le nombre des élus locaux serait une contre-réforme démocratique pour d’hypothétiques économies dérisoires. La mission temporaire ne formule pas une telle proposition, qui reviendrait, pour l’essentiel, à se priver du concours de bénévoles non indemnisés, tandis que l’économie potentielle faite sur ceux qui sont indemnisés serait marginale.