Intervention de François Grosdidier

Délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation — Réunion du 26 mai 2016 : 1ère réunion
Présentation du rapport d'information de m. françois grosdidier et mme nelly tocqueville « l'association des collectivités territoriales aux décisions qui les concernent »

Photo de François GrosdidierFrançois Grosdidier, rapporteur :

Il ressort de notre travail un constat très paradoxal : il n'y a jamais eu autant d'instances de dialogue, et les élus locaux n'ont jamais autant eu le sentiment d'être entendus mais pas écoutés.

À l'échelon national, cette concertation repose sur la Direction générale des collectivités territoriales (DGCL), interlocuteur privilégié des élus locaux, qui assure le secrétariat des très nombreuses instances telles que le Comité des finances locales (CFL), la Commission consultative d'évaluation des charges et le Conseil national d'évaluation des normes (CNEN).

Le CFL, qui assure la répartition de la Dotation globale de fonctionnement (DGF) et la discussion sur les textes ayant un impact financier sur les collectivités territoriales, fonctionne bien. On a appelé notre attention sur la transmission loyale par cette instance des informations aux élus, mais aussi sur la production insuffisante d'informations d'autres instances. L'État doit produire plus systématiquement des évaluations chiffrées avant toute décision concernant les collectivités territoriales. C'est pourquoi nous recommandons que les services de l'État soient soumis à une obligation systématique de produire une évaluation chiffrée pour toutes les décisions réglementaires affectant financièrement les collectivités territoriales, à l'image des études d'impact accompagnant les projets de loi.

Le CNEN est aussi une instance stratégique car la complexité et l'inflation normative empoisonnent la vie des élus locaux. Une chose est sûre : il y a un besoin d'adaptabilité des normes à l'échelon local. On nous demande plus de pragmatisme. Nous recommandons donc d'étudier avec le Gouvernement et les associations d'élus la possibilité d'instaurer, dans notre État unitaire décentralisé, un pouvoir d'adaptation législative qui pourrait s'exercer à l'échelon local par voie réglementaire, sous réserve qu'il soit explicitement prévu par la loi. Il s'agirait de définir, dans des lois cadres, des objectifs généraux et de laisser les collectivités territoriales en déterminer les modalités d'application elles-mêmes. Trop souvent, les élus sont transformés en agents d'exécution de l'État, dans une décentralisation à l'envers où les élus exécutent les décisions de fonctionnaires - curieuse vision de la démocratie.

J'ajoute les instances ad hoc de concertation, comme la Conférence nationale des exécutifs installée en 2007, qui donnait de grands espoirs, mais, comme l'ont constaté nos collègues Jacqueline Gourault et Didier Guillaume, s'est enlisée. Elle a cédé la place à un Dialogue nationale des territoires, qui, depuis février 2015, ne s'est réuni que deux fois. Aussi, nous recommandons que le Sénat reprenne en main la structuration du dialogue entre l'État et les collectivités.

Trop de concertation tue la concertation. L'Association des maires de France (AMF) désigne à elle seule des représentants dans plus de 400 comités ou commissions. Or la composition de ces organismes n'est pas toujours adaptée à une juste représentation des élus locaux. Souvent, les représentants de la société civile sont plus nombreux que les représentants des collectivités territoriales alors que ce sont celles-ci qui mettent en oeuvre les mesures et les financent. Nous recommandons donc de prévoir, dans toutes ces instances nationales de concertation entre l'État et les collectivités territoriales, une voix prépondérante au collège des élus locaux par rapport aux autres collèges lorsque des décisions sont prises.

Parallèlement, l'absentéisme des élus locaux est dénoncé dans des instances où ils ont l'impression de ne jouer aucun rôle utile. Il est expliqué par la nécessité de choisir des priorités dans l'agenda, par des délais de convocation souvent trop courts à cause de l'administration, par l'inadaptation des jours d'organisation des réunions nationales, par l'absence de remboursement, ou de défraiement très partiel, des frais de déplacement, d'hébergement et de repas. Ce serait pourtant la moindre des choses que de rembourser intégralement ces frais aux élus chargés de siéger.

Enfin, ces instances sont en nombre excessif. Il ne faut conserver qu'un seul organisme par grand domaine de compétences, en lui concédant des moyens d'organisation et de fonctionnement adaptés.

Les grandes associations telles que l'AMF, l'Assemblée des départements de France (ADF) et l'Association des régions de France (ARF) sont devenues des acteurs majeurs de l'association des collectivités aux décisions qui les concernent et des courroies de transmission indispensables dans le dialogue avec l'État, dotées chacune d'une capacité d'expertise.

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