Intervention de Corinne Imbert

Réunion du 31 mai 2016 à 14h30
Lutte contre la fraude sociale — Discussion d'une proposition de loi dans le texte de la commission

Photo de Corinne ImbertCorinne Imbert, rapporteur :

La procédure de suspension et de radiation des droits est revue. Sans ôter le droit au bénéficiaire d’être entendu et de contester cette décision quand elle le vise, la commission a voulu lui donner un effet immédiat afin de limiter dans le temps les versements indus.

Par ailleurs, la proposition de loi instaure un délai de carence de six mois entre la radiation du RSA pour fraude et la présentation d’une nouvelle demande. On peut discuter de ce délai, mais il est surprenant qu’un allocataire radié pour cause de fraude puisse formuler une nouvelle demande dès le lendemain.

Ensuite – deuxième axe de cette proposition de loi –, nous devons donner aux acteurs de la solidarité dans les territoires les outils pour renforcer leur contrôle. Si les premières victimes de la fraude au RSA sont les allocataires eux-mêmes, les secondes sont les départements, qui en assument le financement dans des proportions grandissantes et difficilement soutenables. Il semble donc de bonne politique et de saine gestion de mieux doter les départements d’outils de contrôle et de sanctions.

Lutter contre la fraude sociale, c’est accroître, sur le terrain, la fluidité des informations entre les différents acteurs de l’action sociale. C’est pourquoi la commission considère que les conseils départementaux doivent être représentés au sein des comités opérationnels départementaux anti-fraude, les CODAF. Cette disposition relève du domaine réglementaire et la commission des affaires sociales souhaite conserver cette souplesse, mais elle juge cette modification souhaitable.

En outre, la proposition de loi réaffirme la possibilité pour le conseil départemental de mettre en place une cellule de contrôle, composée d’agents aux pouvoirs renforcés. Elle ajoute les agents de contrôle des conseils départementaux à la liste des personnes déliées entre elles du secret professionnel et elle étend leur droit de communication. Cette extension plaide à notre sens pour une meilleure coordination entre les personnes pouvant faire usage de ce droit.

Ces modifications peuvent paraître techniques, mais elles sont de nature à renforcer l’efficacité globale du dispositif de lutte contre la fraude.

Enfin, troisième axe fort de ce texte, quelles contreparties concrètes ou symboliques à l’allocation versée doivent être exigées ? Le texte propose qu’au nombre des obligations des bénéficiaires du RSA figure le respect d’une charte des valeurs et principes de la République. Cette charte traduirait un véritable pacte social entre la partie qui donne et la partie qui reçoit. La solidarité nationale ne peut correctement s’exercer non plus que se pérenniser que si ceux à qui elle s’adresse s’engagent au respect des valeurs fondamentales de la République.

Être éligible au RSA ne peut pas se réduire à de simples conditions de ressources ou de résidence ; cela doit aussi signifier l’adhésion pleine et entière du bénéficiaire aux valeurs de la République et de la collectivité. La proposition de loi initiale prévoyait que le versement du RSA soit conditionné à l’accomplissement par le bénéficiaire d’un certain nombre d’heures de travail au service de la collectivité.

Je vois à ce principe un triple mérite. En premier lieu, il assurerait à celui qui touche le RSA dignité et estime de soi. Le bénéficiaire percevrait ainsi l’allocation non plus comme une charité que la collectivité nationale lui consent, mais comme la rétribution d’un service dont elle lui est redevable.

En deuxième lieu, ce principe contribuerait efficacement à la réinsertion sociale, voire professionnelle des publics les plus éloignés de l’emploi, qui pourront, grâce à ces heures de travail d’intérêt général, découvrir, rencontrer, s’ouvrir et peut-être rebondir.

En troisième lieu, enfin, il ne manquerait pas de changer le regard que porte parfois la société sur les bénéficiaires de la solidarité nationale en faisant pleinement participer ces derniers à l’effort collectif.

Sur ce point, la commission des affaires sociales, avant tout soucieuse de garantir la faisabilité de cette dimension donnant-donnant, a opéré des modifications importantes. Généreuse dans son principe, cette dimension se confrontait sur le terrain à la difficulté de trouver à chaque bénéficiaire du RSA en parcours de réinsertion sociale une structure volontaire et équipée pour l’accueillir. Alors, le département, à qui incomberait naturellement cette mission, aurait vite été débordé.

C’est pourquoi la commission a proposé que cette contrepartie citoyenne soit adossée non pas au RSA, mais aux aides facultatives que le département accorde dans le cadre du programme départemental d’insertion. Cette modification permettrait aux départements de garder la main sur un dispositif qu’ils auraient à gérer et dont ils seraient les meilleurs juges. Loin de s’éloigner de la mesure initiale, qui est un des points saillants de la proposition de loi, cette adaptation en garantit la réalisation dans les territoires.

Nul doute que ces deux derniers points ne manqueront pas de nourrir, dans cet hémicycle, le débat qui s’est déjà engagé au sein de la commission des affaires sociales. J’aimerais à ce propos rappeler que la lutte contre la fraude sociale constitue non un moyen de stigmatisation, mais bien un levier pour assurer la pérennité du dispositif tout en permettant aux plus fragiles d’être accompagnés au mieux. Non seulement nous ne contestons évidemment pas le principe de solidarité, mais nous en renforçons l’ossature.

Voilà, mes chers collègues, les principales observations de votre commission des affaires sociales sur la proposition de loi qu’elle vous demande d’adopter dans la rédaction issue de ses travaux.

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