Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, nous nous sommes d’emblée fermement opposés à la logique de la proposition de loi portée par le groupe Les Républicains.
En effet, ce texte a deux objectifs : lutter contre la « fraude sociale » au RSA et mieux encadrer les dépenses sociales des départements. Même si son intitulé a changé et qu’il s’agit aussi d’améliorer l’accès aux droits, objectif sûrement plus juste, nous contestons ses dispositions, qui, au fond, restent les mêmes.
Chers collègues, vous partez du postulat que tous les allocataires sont des fraudeurs en puissance §et qu’il faudrait les chasser, en imposant, par exemple, un contrôle très intrusif des relevés bancaires.
Au maximum, vous le savez, la fraude au RSA représenterait 160 millions d’euros, pour un peu plus de 2, 5 millions d’allocataires. À titre de comparaison, la fraude fiscale coûte à l’État 3, 5 milliards d’euros par an, soit vingt fois plus.
Vous faites remarquer que ces chiffres sont en augmentation. Nous ne le contestons pas. Cependant, les représentants de la Caisse nationale d’allocations familiales expliquent eux-mêmes que cette augmentation est due à l’amélioration des outils de détection de la Caisse.
Contrairement à ce qui existe pour l’évasion fiscale et les fraudes aux cotisations patronales, qui sont le fait d’individus qui ne manquent pas de moyens, les études montrent que seulement 7 % des fraudes au RSA correspondent à de fausses déclarations ou à des escroqueries ; les autres ne sont que le reflet de l’extrême difficulté des publics, très fragilisés et en situation de survie.
Entendez-moi bien : nous ne nions pas que des phénomènes de fraude existent. Nous devons naturellement les combattre ! Mais est-ce bien la priorité que le Sénat doit afficher dans cette période de crise sociale et économique, alors que le RSA bénéficie, dans une écrasante majorité des cas, aux plus démunis ? C’est une vraie question.
Vous souhaitez ensuite que les départements assument la responsabilité de ces contrôles. C’est assez contradictoire à la fois avec votre argumentaire sur le manque de moyens des conseils départementaux et avec les dynamiques déjà mises en place. Les contrôles sont déjà effectués, et de mieux en mieux, par la CAF. Tous les acteurs concernés, y compris la police, les administrations fiscales, douanières et du travail, sont déjà réunis, pour davantage de coopération, dans les comités opérationnels départementaux anti-fraude, les CODAF.
Par conséquent, nous ne pensons pas qu’il soit opportun de confier aux départements la mission de surveiller la fraude, alors qu’ils ne disposent ni de moyens humains ni de moyens financiers pour le faire. Au contraire, il faudrait plutôt penser à renationaliser le RSA !
De plus, il manque un aspect important – essentiel, selon nous – dans cette proposition de loi, qui est la lutte contre le non-recours, pour un meilleur accompagnement de tous vers le retour à l’emploi.
En effet, 30 % à 35 % des bénéficiaires potentiels n’ont pas recours au RSA, soit par manque d’information, soit du fait d’un manque d’accompagnement dans les démarches, soit en raison d’une autocensure face à un dispositif déjà jugé stigmatisant. Cela représente 5, 4 millions d’euros de droits sociaux non utilisés, c’est-à-dire un montant beaucoup plus important que la fraude. C’est le taux de recours qu’il faut améliorer pour rendre le dispositif vraiment efficace et universel !
En conclusion, la présente proposition de loi est un texte stigmatisant et inquisiteur pour les millions de personnes précaires qui dépendent des minima sociaux. Elle s’inscrit dans un climat idéologique détestable de chasse aux plus démunis et à l’étranger. Elle prône la suppression de la CMU, celle de l’allocation de solidarité aux personnes âgées, l’ASPA, de l’AME et des allocations familiales pour les enfants « délinquants », mesures déjà défendues par une candidate d’un parti extrême et qui, dans l’ensemble, vont à l’encontre des valeurs de solidarité de la République.
Il n’est pas question pour nous de renoncer aux valeurs d’accueil et de solidarité de la France.
Pour toutes ces raisons, j’appelle, au nom du groupe socialiste et républicain, à voter contre la proposition de loi.