Intervention de Michel Amiel

Réunion du 31 mai 2016 à 14h30
Lutte contre la fraude sociale — Discussion générale

Photo de Michel AmielMichel Amiel :

La proportion réelle de fraudeurs aux aides sociales est estimée entre 2, 9 % et 3, 7 %, mais varie fortement d’une allocation à une autre. La part exacte du RSA dans le montant de la fraude aux allocations sociales par rapport aux autres allocations – allocation équivalent retraite, allocation aux adultes handicapés… – n’est pas précisée, mais le coût total du RSA est estimé à 9, 3 milliards d’euros en 2014.

Je me pose donc la question plus large de la mise en œuvre de l’aide sociale de manière plus globale, ce qui me paraît plus approprié qu’une chasse aux sorcières.

La fraude volontaire existe, mais les difficultés générales liées aux recours restent problématiques : du fait d’un manque d’accompagnement, de suivi et de compréhension du système, certaines personnes ne perçoivent pas ce qu’il leur revient. Selon l’INSEE, 35 % des personnes éligibles au RSA socle n’y ont ainsi pas recours.

Notre rapporteur nous l’a bien dit : « 166 millions sur les 248 millions de fraude identifiés en 2015 » sont liés au RSA. Cela tient à son caractère déclaratif. Si vraiment l’intention des auteurs de cette proposition de loi est de lutter contre les fraudes, pourquoi ne pas s’orienter vers l’idée du guichet unique, un pour les déclarations et un pour les prestations ?

Voilà qui se rapproche de l’idée d’origine libérale – dans ma bouche, c’est loin d’être un gros mot ! – du revenu de base, que certains appellent le « revenu de subsistance » ou « l’allocation unique », dont nous avons récemment débattu et qui fait désormais l’objet d’une mission commune d’information au sein de notre assemblée, tant le sujet est prégnant dans plusieurs pays modernes tels que la Finlande ou la Suisse.

Ces deux pistes représenteraient certainement à terme une simplification nécessaire dans l’appréhension de notre système d’aide sociale, si fortement ancré dans notre Constitution.

Et pourquoi ne pas aller vers un retour à l’échelon national du RSA, l’ordonnateur, à savoir la CAF, n’étant pas aujourd’hui le payeur, à savoir le département ? M. Cardoux le rappelait en commission : « le Gouvernement avait envisagé la mise en place d’un imprimé unique qui servirait de base pour l’ensemble des prestations. Après plusieurs réunions, les convocations ont cessé et le projet est resté lettre morte. »

Dans sa globalité, ce texte n’est pas dépourvu de sens pratique et entend répondre aux problématiques de la vraie vie. Toutefois, s’il convient d’améliorer l’échange de données afin d’identifier les fraudeurs, il reste indispensable d’éviter toute fragilisation inutile d’une population déjà en grande précarité.

Avons-nous à ce point peur de la pauvreté que nous avons peur des pauvres ? Quand j’entends certains parler de travaux d’intérêt général, c’est-à-dire d’une mesure judiciaire qui ressortit à l’arsenal du droit pénal, je me demande s’il s’agit d’une bonne solution pour lutter contre la fraude sociale…

En 2011 déjà, M. Wauquiez appelait, selon le principe des droits et devoirs, à cinq heures de travail social pour les bénéficiaires du RSA. Condamnons-nous ces gens en raison de leur pauvreté ?

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