Intervention de François Rebsamen

Commission d'enquête Chiffres du chômage — Réunion du 25 mai 2016 à 14h05
Audition de M. François Rebsamen ancien ministre du travail de l'emploi et du dialogue social

François Rebsamen, ancien ministre du travail de l'emploi et du dialogue social :

J'ai dit en réalité que Pôle emploi ne parvenait pas toujours à justifier les variations de ses statistiques et qu'il était nécessaire de lancer une enquête comme celle que j'ai demandée à l'Igas.

Pourquoi les chômeurs au sens du BIT sont 2,845 millions en France métropolitaine - c'est en effet le chiffre qu'il faut considérer pour faire des comparaisons avec les autres pays d'Europe - soit 720 000 de moins que le nombre de demandeurs d'emploi de catégorie A ? En janvier 2010, cet écart était inférieur à 100 000. De début 2007 à fin 2009, à quelques unités près, les courbes se suivaient. Depuis début 2010, l'écart se creuse.

Pourquoi ? Tandis que Pôle emploi mesure les personnes inscrites, tenues à des actes de recherche d'emploi et n'ayant eu aucune activité au cours du mois, le chiffre des chômeurs au sens du BIT mesure une situation constatée du marché du travail estimée chaque trimestre par l'Insee à partir d'un échantillon de 110 000 personnes : est comptée toute personne qui, au moment de l'enquête, déclare ne pas avoir travaillé une seule heure dans la semaine, en recherche active pendant le mois précédent et disponible pour un emploi dans les 15 jours qui suivent. Ces deux chiffres ne se recoupent pas ; c'est pourquoi on parle du halo du chômage.

L'écart pour les séniors est de plus de 350 000, peut-être de 400 000, soit la moitié de l'écart total. Moins actifs dans la recherche d'emploi car découragés et voyant l'âge de la retraite approcher, ils sont comptés par Pôle emploi, mais pas au sens du BIT. Pourquoi l'écart se creuse-t-il ? À partir de 2009, la dispense de recherche d'emploi pour les séniors a été supprimée progressivement jusqu'au 1er janvier 2012. Cela a mécaniquement augmenté le nombre de chômeurs de catégorie A. Cela vous remontera peut-être le moral ? En revanche, le nombre de jeunes inscrits en catégorie A est inférieur de 150 000 au chiffre au sens du BIT. Ils sont en recherche active, mais pas forcément inscrits à Pôle emploi, car ils ne peuvent espérer d'indemnisation.

J'ai vainement tenté de le dire chaque mois. Les statistiques de Pôle emploi ne peuvent pas être, en soi, un indicateur valable : d'après les statisticiens, tout écart égal ou inférieur à 20 000 n'est pas significatif. Mais allez l'expliquer quand vous êtes ministre du travail... J'aimerais qu'on puisse tirer des leçons de tout cela et qu'on fasse une analyse moins immédiate. Mais c'est un rêve d'ancien ; je sais dans quel monde médiatique nous vivons.

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