Intervention de Xavier Bertrand

Commission d'enquête Chiffres du chômage — Réunion du 25 mai 2016 à 14h05
Audition de M. Xavier Bertrand ancien ministre du travail des relations sociales de la famille et de la solidarité

Xavier Bertrand, des relations sociales, de la famille et de la solidarité :

On n'a jamais voulu, pu ou su prendre en compte les différentes dimensions de l'emploi : le coût du travail, le code du travail et le marché du travail. Les pays que vous avez éPvoqués ont, quant à eux, actionné ces leviers.

Premier point : le coût du travail. À mes yeux, c'est un sujet ! Je suis depuis toujours un partisan de la TVA sociale, dans la mesure où les pays qui ne respectent pas les mêmes normes sociales, fiscales et environnementales que nous sont avantagés.

Deuxième point : je suis partisan du contrat de travail unique. À cet égard, la proposition de l'économiste Jean Tirole mériterait d'être étudiée en détail. Chacun s'est félicité lorsqu'il a obtenu le prix Nobel, mais personne ne se penche sur ses travaux !

Le contrat de travail unique serait conçu sur la base d'un CDI, à côté duquel on maintiendrait un contrat de travail temporaire, et il serait mis un terme à la dualité entre CDD et CDI.

Peu de gens savent vraiment ce que signifie être en CDD ! C'est par ce contrat que les jeunes débutent sur le marché du travail. Mais, lorsque les CDD se succèdent, on parle d'une autre catégorie de salariés, qui ne peuvent acheter ni une voiture ni un logement. Des millions de personnes sont dans cette situation et la société française ne fait rien !

L'Italie a mis en place un système approchant, avec le contrat progressif. En France, on ne change rien, car il faudrait engager un véritable débat avec les partenaires sociaux, alors que la plupart d'entre eux ne le veulent pas. Qu'attend le politique ?

Dans le dispositif conçu par Jean Tirole sont prévus des cas de cessation du contrat, qui pourraient légitimement être acceptés. Un salarié d'une petite entreprise peut très bien comprendre que l'emploi existe et dure tant qu'il y a du travail ! Serait-ce un propos idéologique ? D'aucuns disent qu'il est de bon sens ! Est-il dramatique d'aborder ce sujet ?

Par ailleurs, il existe au niveau européen un seul seuil social : 250 salariés. Pourquoi tant de seuils en France ? Chacun sait pourquoi il y a tant d'entreprises de 49 salariés... Ce n'est pas le fait du hasard, mais la conséquence du seuil ! Ce que je dis n'a rien d'idéologique...

Dans les Hauts-de-France, nous appliquons un seul critère, notamment pour les aides : plus ou moins de 250 salariés, conformément à la réglementation européenne. En tant que président de la région, je l'assume. Ainsi, nous ne compliquons pas la vie des entrepreneurs !

Troisième point : le marché du travail. L'indemnisation des demandeurs d'emploi vise-t-elle à compenser le niveau de revenu précédent ou à financer une formation au titre du chômage ? Là encore, ce propos est-il idéologique ? Si notre système d'accompagnement vers l'emploi est en échec, c'est bien parce qu'il n'existe pas aujourd'hui de véritable droit à la formation !

Il faut cesser de former en fonction des habitudes et des seuls souhaits des demandeurs d'emploi, et partir en priorité des besoins des entreprises par bassin d'emploi et par filière professionnelle. En partant de l'enquête annuelle « Besoins en main-d'oeuvre » (BMO) de Pôle Emploi, on peut d'ores et déjà obtenir de meilleurs résultats.

On le sait tous, des chefs d'entreprise cherchent et ne trouvent pas, et des chômeurs en recherche active échouent à trouver un emploi. La formation est donc une question clef. Voilà pourquoi j'ai mis en place en janvier, dans ma région - tout à fait compétente pour intervenir, étant détentrice de la compétence « formation » -, le dispositif Proch'emploi.

Si nous voulons réussir, il faut une approche de terrain. Je revendique un droit d'intervention beaucoup plus important des acteurs locaux : communes, intercommunalités, mais aussi régions, qui ont la compétence « développement économique » depuis la loi NOTRe. Nos systèmes actuels, trop centralisés, ne permettent pas de répondre à ces problématiques.

Je crois aussi au dialogue social territorial et aux actions de l'État au niveau local. Ministre, j'avais ainsi lancé en 2010 le service public de l'emploi local, le SPEL, et demandé à tous les sous-préfets d'animer par bassin d'emploi des tables rondes réunissant les acteurs concernés. Besoins de formation, croisement de la gestion prévisionnelle (GPEC) et de la gestion territoriale des emplois et des compétences (GTEC)... voilà ce qui nous a permis, outre les emplois aidés, d'obtenir au coeur de la crise des chiffres de l'emploi moins dégradés qu'au niveau européen : augmentation du chômage de 29 % en France, contre 35 % aux Pays-Bas, 51 % au Royaume-Uni, 102 % en Espagne. Les actions de terrain donnent donc des résultats.

Je citerai trois autres causes de notre échec dans le domaine de l'emploi.

Premièrement, nous ne menons pas de politiques créant les conditions de la croissance.

Deuxièmement, notre système de dialogue social ne nous permet pas d'avancer.

Troisièmement, l'État est désargenté. Il ne faut pas attendre que Bercy desserre les cordons de la bourse. Je crois, pour ma part, à la baisse des charges et à l'exonération des charges, jusqu'à 15 000 euros - ce que coûte en moyenne par an un demandeur d'emploi -, en cas de création d'emploi. Dans les Hauts-de-France, nous avons ainsi mis en place une prise en charge partielle des charges sociales patronales pour tout nouvel emploi créé dans la région.

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