Intervention de Pierre-Edouard Magnan

Commission d'enquête Chiffres du chômage — Réunion du 26 mai 2016 : 1ère réunion
Audition de M. Pierre-édouard Magnan délégué fédéral du mouvement national des chômeurs et précaires mncp

Pierre-Edouard Magnan, délégué fédéral du Mouvement national des chômeurs et précaires (MNCP) :

Mesdames, messieurs les sénateurs, je vous remercie d'autant plus de me recevoir que les mouvements représentatifs de chômeurs ne sont pas si souvent consultés que cela. Je vous prie, par ailleurs, de bien vouloir excuser Mme Jacqueline Balsan, présidente du MNCP, qui n'a pas pu venir de Montpellier en raison des perturbations dans les transports.

Le MNCP, qui a trente ans cette année, est une fédération regroupant une quarantaine d'associations de chômeurs, et j'insiste sur ce dernier mot. Tous nos membres ne sont pas chômeurs, mais ceux qui sont dans cette situation sont aussi des acteurs du Mouvement : ils bénéficient des services que nous proposons, mais siègent aussi au sein du conseil d'administration et travaillent dans nos bureaux.

Nous mettons donc des chômeurs en situation d'employeurs, ce qui est intéressant mais pas forcément simple. Cette démarche, passionnante, s'apparente à de l'éducation populaire. Quant à moi, je me présente habituellement comme « le salarié des chômeurs ».

À propos des chiffres du chômage, question d'une grande actualité puisque les derniers ont été publiés hier, je soulignerai deux problèmes.

Premier problème : celui de la communication. Alors que l'on parle toujours des « chiffres du chômage », il s'agit en réalité de ceux des inscrits à Pôle emploi, lesquels ne correspondent pas non plus aux chiffres de la précarité. Par ailleurs, les chiffres des DROM-COM sont toujours communiqués à part. Cette présentation, mal vécue outre-mer, me rend perplexe.

Ces chiffres concernent la catégorie A, la plus connue, mais les médias découvrent, depuis deux ou trois ans, l'existence des catégories B et C, et donc qu'il y a, en plus du chômage, de la précarité. Avec le plan « 500 000 formations », je ne doute pas qu'ils découvriront la D... (Sourires.) Quant à la E, c'est une catégorie particulière.

Deuxième problème : les chiffres du chômage sont fondés sur les déclarations et les « non-déclarations » des personnes inscrites à Pôle emploi. Ceux d'hier, par exemple, font apparaître une hausse, inexpliquée, du défaut d'actualisation. Nous pensons qu'elle correspond à des situations de fin de droits, dans lesquelles les demandeurs d'emploi cessent, du même coup, de s'inscrire à Pôle emploi.

C'est selon nous une conséquence de la fusion entre l'ANPE et les ASSEDIC, qui a fait de Pôle emploi une sorte de caisse d'allocations familiales des chômeurs. Sa mission principale est le versement de l'indemnisation, l'accompagnement, l'autre mission, étant perçu comme une contrainte : il faut être accompagné pour percevoir ses indemnités.

Mais il y a un effet pervers : lorsqu'il n'y a plus d'indemnisation, les personnes sortent des statistiques pour se débrouiller toutes seules. C'est dramatique, car elles se retrouvent alors encore plus isolées, hors du système et ne s'en sortent pas mieux seules. Il serait intéressant de comparer le nombre de sorties de Pôle emploi sur un mois et celui de personnes parvenues en fin de droits au cours de la même période. Ce sont toujours des chômeurs, mais qui ne figurent plus dans la courbe.

Il faudrait définir une communication uniforme et cohérente. Quand on nous dit que le chômage baisse, comment être certain que ce n'est pas le nombre d'inscrits à Pôle emploi qui diminue ?

Derrière les chiffres du chômage, il y a des chômeurs. Une courbe, c'est mathématique, anonyme et cela ne souffre pas ! J'attends ainsi, depuis de nombreuses années, que les ministres ou le Président de la République parlent des chômeurs. Ce qui m'intéresse, c'est non pas l'inversion de la courbe, mais le nombre de personnes qui retrouvent un travail, et donc un revenu.

La courbe du chômage, mécaniquement, va s'inverser. Mais ce n'est pas le sujet. Des gens sont en souffrance, connaissent des difficultés. La majorité d'entre eux ne cherchent qu'une chose, du travail. Or ils sont toujours suspectés de ne pas en chercher ! Mais, s'ils cessent de le faire, c'est parce qu'ils se sentent démunis ; ils peuvent alors basculer vers le RSA....

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