Depuis des années, on n'a que le mot « simplification » à la bouche. Simplifier, cela veut dire dématérialiser et informatiser. Quand on sait se servir d'un smartphone, on est content. L'actualisation sur internet n'est pas compliquée en soi. Le problème est que toute la population n'a pas accès à internet, et il ne suffit pas d'être équipé pour savoir s'en servir.
Surtout, pour s'actualiser, on ne peut plus demander de l'aide à un guichet : une agence de Pôle emploi, c'est la maison des fous des Douze travaux d'Astérix ! Pour prendre rendez-vous, vous devez appeler le 3949 - le numéro de téléphone de Pôle emploi -, même si vous vous trouvez dans une de ses agences ! Pendant des années, ce numéro ne permettait pas de prévenir son agent référent en cas d'impossibilité de se rendre à un rendez-vous, et cela entraînait des radiations...
Les demandeurs d'emploi doivent pouvoir s'actualiser dans les agences de Pôle emploi ! L'administration fiscale, elle, a un numéro de téléphone normal, est toujours joignable, ne perd jamais votre dossier et part du principe que ce que vous dites est vrai. À Pôle emploi, ou dans les CAF, ce que vous dites est potentiellement faux, sauf si vous apportez la preuve du contraire. Cela biaise dès le départ le rapport entre les usagers et l'institution.
Il faut pouvoir aller à Pôle emploi, sinon joyeusement, du moins sereinement !
Une partie de la population est en difficulté face à ces outils. Je rappelle que les agences sont fermées au public l'après-midi. N'en déplaise à M. Jean Bassères, directeur général de Pôle emploi, elles n'accueillent alors que les personnes ayant un rendez-vous. En cas d'urgence, vous devez expliquer votre situation devant un interphone avec des gens qui font la queue derrière vous, ce qui est grandiose en termes de confidentialité ! Je ne défends pas les files d'attente, mais il y a un juste milieu entre celles-ci et internet.
Dans les ANPE, vous rencontriez des chômeurs ; c'était des lieux de sociabilité : on pouvait téléphoner, établir des contacts. On a cassé cela ! Il ne s'agit pas de revenir en arrière, mais il faut rétablir le contact humain. Les jeunes en service civique ? Ils ne sont pas formés pour répondre aux demandes des chômeurs.
Il ne faut pas supprimer les outils très pratiques que sont internet, les bornes automatiques, les SMS, mais « remettre de l'humain ». On peut le faire sans être passéiste !
Quand les interlocuteurs ne savent pas répondre, cela crée des tensions. Les agents de Pôle emploi ne peuvent plus intervenir sur le système informatique, qui fonctionne tout seul. C'est une situation intenable qui crée de la souffrance des deux côtés du guichet.
Il faut redonner la main aux agents. J'enfonce peut-être une porte ouverte, mais l'informatique doit être au service de l'être humain. La fermeture des agences l'après-midi était ainsi une très mauvaise décision. La tension monte, même si les associations de chômeurs tentent de la faire baisser !
Il faut savoir que Pôle emploi ne se trompe jamais... Pour qu'ils acceptent de commencer leurs courriers par la mention « sauf erreur de notre part », cela nous a pris des années ; c'était une révolution culturelle à la Mao ! C'est un peu le propre des énormes structures ; il est pourtant rassurant de pouvoir se tromper.
Ces structures me font penser au GOSPLAN. Celle de Pôle emploi est jacobine et pyramidale au dernier degré : c'est une seule personne juridique sur tout le territoire, et les recours en justice ne peuvent être introduits qu'à Paris.
Il faudrait mener une réflexion sur la « re-spécialisation » des métiers au sein de Pôle emploi, et faire de l'informatique un outil et non un but. Enfin, il y a mieux à faire des moyens ainsi dégagés que d'embaucher des jeunes en service civique...