Intervention de Jérôme Bignon

Commission de l'aménagement du territoire et du développement durable — Réunion du 1er juin 2016 à 9h35
Ratification de l'accord de paris — Examen du rapport pour avis

Photo de Jérôme BignonJérôme Bignon, rapporteur :

Je vous remercie pour ces bonnes questions, qui montrent la connaissance, la sensibilité et l'intérêt des parlementaires. Je commencerais par rappeler qu'il existe au sein de notre commission un groupe de travail dédié au climat, qui a été présidé par Laurence Rossignol, par Chantal Jouanno puis par moi-même. Ce groupe s'est réuni à nouveau hier et prévoit une réunion de travail assez dense d'ici la fin de l'année pour préparer au mieux la COP 22 qui approche. Je pense par exemple à la question des États-Unis : il serait intéressant d'entendre dans le cadre de ce groupe un spécialiste du droit constitutionnel pour aborder cette question juridique précise qui concerne le droit américain.

Sur les États-Unis, il faut avoir en tête qu'il s'agit d'un État fédéral : certains sujets sont du ressort des États. Un certain nombre d'États ont saisi la Cour suprême, qui a suspendu l'éventuelle ratification de l'accord de Paris pour vérifier si cette compétence appartient à l'État fédéral ou aux États membres. S'il s'avère que la ratification est de la compétence des États, il faudra qu'une majorité des États ratifient et s'il s'agit d'une compétence de l'État fédéral, la ratification dépendra de la majorité du Sénat issue des prochaines élections.

Mais j'en reviens à vos interventions.

Odette Herviaux, je qualifierais volontiers votre pessimisme de réalisme. Il ne faut pas être béat d'admiration après la signature de cet accord. Notre collègue Evelyne Didier le rappelait fort bien, nous avons signé l'accord qui nous permet d'être au pied de la montagne : reste à la gravir. Et ce n'est pas impossible à partir du moment où l'on se donne les moyens de le faire.

Le problème des réfugiés, comme l'a dit justement Ronan Dantec, est la première des crises climatiques. On pense souvent au Vanuatu, aux îles Palaos ou aux Maldives qui font face à un risque de submersion. Mais tous les pays qui bordent le lac Tchad ou encore les pays du Moyen-Orient ont connu des périodes de sécheresse et les guerres de l'eau qui en ont résulté sont une conséquence de la modification climatique.

Évidemment, il faudra penser à inclure les secteurs du transport maritime et de l'aviation civile, pour l'instant exclus de l'accord. Malgré les progrès de la technique, nous ne sommes pas prêts d'avoir des A380 qui volent à l'électricité.

Pour répondre à Charles Revet, l'Europe à 28 a une contribution aux émissions de gaz à effet de serre de 11 % dont 1,1 % pour la France, ou peut-être 1,2 % puisque Ronan Dantec dit qu'elles ont augmenté. Malgré tout, au risque de heurter certains, grâce au nucléaire, notre niveau d'émissions est assez bas. Les Allemands ont renoncé au nucléaire et polluent l'atmosphère avec des centrales à charbon.

En ce qui concerne l'Indonésie, nous sommes confrontés à une difficulté. Nous souhaitons avoir des relations commerciales importantes avec ce pays, qui de son côté considèrerait comme une mesure injuste l'instauration d'une contribution additionnelle à la taxe sur l'huile de palme. Je ne sais pas ce qu'adoptera en définitive l'Assemblée nationale sur ce sujet. Je sais en revanche que le Président de la République François Hollande a rencontré le Président de l'Indonésie en marge du G7 à Tokyo pour en discuter. C'est dire l'importance diplomatique de ce sujet.

Pour rejoindre Evelyne Didier, je dirais qu'on se souvient de la tristesse de l'échec de Copenhague. Réjouissons-nous donc d'avoir obtenu cet accord à Paris et faisons tout notre possible pour l'appliquer. Les traités TAFTA ou TiSA ne donnent pas toujours une idée très généreuse ou solidaire des pays du monde qui négocient. Sur le traité TAFTA, les négociations sont toujours en cours donc il ne faut pas être forcément pessimiste. On ne peut pas empêcher les pays du monde de défendre leurs intérêts. Est-ce que les grands pays occidentaux n'ont pas toujours privilégié leurs intérêts ? Et ne peut-on pas regarder aujourd'hui avec indulgence les pays émergents qui à leur tour veulent leur part dans le développement ? Il faut penser que le développement n'arrive pas pour chaque pays au même moment et qu'on ne peut pas considérer que certains sont égoïstes parce que nous l'avons été aussi à un autre moment. Il faut tendre à la solidarité mais on peut comprendre que les efforts doivent se faire dans le temps.

Benoit Huré a posé une question très importante sur la biodiversité : je crois qu'il n'y a pas d'un côté la biodiversité et d'un autre le climat. La disparition des zones humides et des forêts par exemple a un impact sur le climat. Autre exemple, l'état de l'océan est essentiel pour le climat. J'assistais hier à une réunion avec des représentants du monde maritime. Ils s'estimaient stigmatisés sur la pollution, alors qu'ils contribuent à la richesse du monde marin. J'avais l'impression d'être à une réunion du monde agricole où les agriculteurs demandent à ce qu'on les laisse produire pour nourrir la planète. Tout cela est vrai mais c'est dans un équilibre de solidarité qu'il faut avancer.

Ce que nous dit Jean Bizet est très vrai sur le rôle de M. Fabius et de Mme Tubiana. J'ajouterais pour ma part la mobilisation du réseau des ambassades françaises. Les entreprises privées jouent un rôle essentiel. Je citerais par exemple ENGIE qui a décidé de décarboner son métier : elle le fait au rythme d'une entreprise cotée et qui défend des intérêts capitalistes, mais elle va dans cette direction.

C'est vrai qu'objectivement, l'accord de Paris n'est pas contraignant, mais ratifié il le sera un peu plus, et en 2020 il le sera complètement, dans la mesure où les engagements devront être tenus et où il y aura des vérifications. Si on aboutit à un prix du carbone, ce sera également une avancée.

Chantal Jouanno a raison sur l'effet déclencheur : il faut aller vite pour ratifier car la COP 22 sera là demain et nous serons plus qu'à quatre ans de l'échéance. Il est vrai aussi que la France devrait faire des efforts sur les subventions aux énergies fossiles.

Ronan Dantec dit des choses très intéressantes sur les hésitations de la Slovaquie : cela ne va pas être facile en Europe. Sur l'approche territoriale, c'est la même chose que pour l'approche entrepreneuriale, tout le monde doit s'y mettre.

Je suis d'accord avec Pierre Médevielle qui appelle à passer aux actes et à aller plus loin sur la biodiversité. Le problème est qu'il faut agir en maintenant un équilibre où personne n'ait l'impression d'être victime.

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