Intervention de Albéric de Montgolfier

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 1er juin 2016 à 9h32
Conséquences économiques et budgétaires d'une éventuelle sortie du royaume-uni de l'union européenne « brexit » — Communication

Photo de Albéric de MontgolfierAlbéric de Montgolfier, rapporteur général :

Ce 23 juin aura lieu le référendum britannique sur l'éventuelle sortie de ce pays de l'Union européenne. Il nous a semblé indispensable d'avoir une réflexion sur les conséquences économiques et budgétaires qu'aurait cette sortie. Il ne nous appartient pas, bien évidemment, de nous prononcer sur le « Brexit » même ; c'est du ressort des Britanniques. Il nous a paru utile en revanche d'en examiner les conséquences à la fois pour la France, le Royaume-Uni et l'Union européenne tout entière. Nous avons pour ce faire synthétisé un grand nombre d'études économiques.

En 1944, Winston Churchill déclarait à Charles de Gaulle : « Sachez-le : chaque fois qu'il nous faudra choisir entre l'Europe et le grand large, nous serons toujours pour le grand large ». En ira-t-il ainsi à la fin de ce mois ou bien le référendum du 23 juin connaîtra-t-il la même issue que celui qui avait eu lieu le 5 juin 1975, quand une large majorité des Britanniques avaient fait le choix de rester au sein de la Communauté économique européenne (CEE) ?

La moyenne établie par l'institut What UK Thinks des six sondages les plus récents, publiés durant la seconde quinzaine du mois de mai, fait apparaître que 53 % des personnes interrogées avaient l'intention de voter en faveur du maintien du Royaume-Uni dans l'Union européenne. Toutefois, l'issue du référendum demeure encore incertaine ; en effet, l'euroscepticisme semble s'être renforcé au cours des dernières années, aussi bien dans le débat politique que dans les médias et l'opinion publique - en particulier dans le contexte actuel de crise migratoire.

Un « Brexit » aurait d'importantes conséquences économiques et budgétaires, tant pour le Royaume-Uni lui-même que pour les autres États européens et l'Union elle-même. Ce sont spécifiquement ces conséquences que je me suis attaché à appréhender dans le rapport d'information que je vous présente aujourd'hui. En cela, j'ai voulu poursuivre et compléter les travaux récemment menés par Fabienne Keller au nom de la commission des affaires européenne sur la place du Royaume-Uni dans l'Union européenne ou encore sur les demandes de réforme formulées par ce dernier à la fin de l'année 2015.

Les conséquences économiques d'un éventuel « Brexit » sont pour le moins difficiles à anticiper, tant les incertitudes quant aux modalités d'une sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne sont grandes.

Dans l'éventualité où les Britanniques feraient le choix de se retirer de l'Union européenne, le cadre juridique susceptible de s'appliquer pourrait être celui posé par l'article 50 du traité sur l'Union européenne (TUE) qui a été introduit par le traité de Lisbonne, entré en vigueur en 2009. Toutefois, les conditions concrètes de cette nouvelle procédure restent encore inconnues.

En application de cet article, le Royaume-Uni pourrait engager la négociation d'un accord fixant les modalités de son retrait de l'Union européenne. En principe, la décision du Royaume-Uni de quitter l'Union enclencherait un compte à rebours de deux années à l'issue duquel, à défaut de la conclusion d'un accord de retrait, le pays se trouverait dans la situation d'un simple « tiers » à l'égard des autres États membres. Pour autant, ce délai pourrait être prolongé à la suite d'une décision unanime du Conseil européen.

Quoi qu'il en soit, durant toute la période consacrée aux négociations, le Royaume-Uni demeurerait un membre à part entière de l'Union européenne.

Les modalités juridiques d'un retrait du Royaume-Uni de l'Union restent donc peu définies. En outre, une grande incertitude persiste quant à la nature des relations qui prévaudraient entre l'Union et le Royaume-Uni en cas de « Brexit ».

À ce jour, de nombreuses options peuvent être envisagées. Les trois options principales sont les suivantes : le rattachement du Royaume-Uni à l'Espace économique européen (EEE), à l'instar de la Norvège, de l'Islande ou du Liechtenstein ; la négociation d'un accord bilatéral entre le Royaume-Uni et l'Union européenne, sur le modèle des accords liant la Suisse, la Turquie, ou encore le Canada à cette dernière ; enfin, en l'absence d'accord spécifique entre le Royaume-Uni et l'Union européenne, les relations commerciales seraient encadrées par les règles de l'Organisation mondiale du commerce (OMC).

Le rapport d'information comporte une analyse approfondie de ces différents scénarii ; en particulier, sont considérés pour chacun d'eux le degré d'accès au marché unique, donc aux avantages économiques qui s'y rattachent, les obligations qui y sont associées, notamment en termes de contribution au budget de l'Union et d'application de la législation européenne, ainsi que le niveau d'influence sur l'élaboration de cette dernière. Sans qu'il soit nécessaire d'entrer dans les détails, je rappellerai toutefois quelques éléments.

Tout d'abord, si l'Espace économique européen et, dans une moindre mesure, la relation bilatérale entre l'Union européenne et la Suisse, accordent un large accès au marché unique, les pays concernés contribuent au budget européen et doivent se conformer à une grande partie de la législation européenne sans avoir aucune influence sur son élaboration.

Par ailleurs, l'union douanière avec la Turquie ou encore l'accord économique et commercial de libre-échange (AECG) conclu avec le Canada, qui devrait être ratifié en 2017, permettent à de nombreux biens de transiter en franchise de douane ou avec des coûts administratifs douaniers limités. Pour autant, l'union turco-européenne ne porte pas sur les services et l'accord avec le Canada exclut les produits agricoles et ne prévoit une levée des barrières à l'entrée sur certains biens industriels, comme les automobiles, que progressivement. En outre, aucun de ces deux pays ne contribue au budget de l'Union européenne.

Enfin, à défaut de la conclusion d'un accord, les relations commerciales entre le Royaume-Uni et l'Union européenne seraient régies par les seules règles de l'OMC. Dans ce cadre, les exportations britanniques vers les États membres feraient l'objet de droits de douane. Par ailleurs, les échanges seraient soumis aux coûts administratifs douaniers inhérents au franchissement des frontières.

Il paraît peu probable qu'une des relations qui viennent d'être mentionnées convienne véritablement au Royaume-Uni, en raison de l'insuffisance de l'accès au marché unique ou de l'influence exercée sur le cadre juridico-commercial, en particulier lorsque celle-ci est mise en regard des obligations associées à chaque option, en termes de contribution au budget de l'Union ou d'application de la législation européenne. Dans ces conditions, tout porte à croire que le Royaume-Uni, en cas de sortie de l'Union européenne, chercherait à négocier un accord bilatéral plus avantageux.

S'il est impossible de prévoir les termes d'un tel accord, il n'est pas sans intérêt de s'interroger, notamment, sur le périmètre possible de celui-ci. À cet égard, le groupe de réflexion Open Europe a proposé une analyse reposant sur la logique du « déficit commercial », selon laquelle les secteurs dans lesquels le Royaume-Uni affiche un déficit commercial feront plus probablement l'objet d'un accord permettant un accès au marché unique dans des conditions similaires à celles qui sont applicables actuellement.

En particulier, il apparaît que la probabilité d'un accord préservant les conditions d'accès du secteur financier à l'Union semble faible, compte tenu de l'excédent affiché par le Royaume-Uni. Cela est à mettre en perspective avec le fait qu'aucun accord conclu par l'Union européenne, en dehors de celui relatif à l'Espace économique européen, ne donne accès au « passeport européen » au titre des services financiers.

S'agissant d'une éventuelle contribution au budget de l'Union européenne, il paraît difficilement envisageable que le maintien d'une intégration élevée du Royaume-Uni au marché unique puisse se faire sans qu'une participation financière ne lui soit demandée, à l'exemple de la Suisse et de la Norvège. Par ailleurs, la cohérence d'un espace économique formé par l'Union européenne et le Royaume-Uni semble impliquer une certaine uniformité des règles applicables, donc la transposition par les autorités britanniques d'une part importante des règles relatives au marché unique.

Quoi qu'il en soit, il convient de relever que la durée de négociation d'un accord bilatéral entre le Royaume-Uni et l'Union européenne serait nécessairement longue. En effet, si l'on s'en réfère à la durée de négociation des accords de libre-échange auxquels l'Union est partie, la durée minimale est de trois années, comme pour l'accord entre l'Union et l'Australie.

Il convient également de se demander quelle serait la place du Royaume-Uni dans l'Union européenne si les Britanniques décidaient le maintien de leur pays au sein de cette dernière. En effet, l'appartenance du Royaume-Uni est caractérisée par de nombreuses exceptions et exemptions.

S'il participe pleinement au marché unique, le pays n'appartient pas à la zone euro ; par conséquent, il a refusé de participer à des initiatives comme le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG), aussi appelé « Pacte budgétaire européen », l'Union bancaire ou encore le « pacte pour l'euro plus ». Par ailleurs, le Royaume-Uni est demeuré en dehors de l'espace Schengen et n'est pas tenu de participer aux politiques menées en matière de justice et d'affaires intérieures. De même, la Charte des droits fondamentaux ne peut lui être opposée.

Ainsi, le Royaume-Uni occupe une place à part au sein de l'Union européenne. Or les négociations intervenues au cours des derniers mois à l'initiative des autorités britanniques révèlent une volonté d'aller plus avant dans cette logique. En particulier, le Royaume-Uni est parvenu, lors du Conseil européen de février dernier, à un compromis avec les autres États membres concernant différents axes de réformes pour les années à venir.

Cet accord vise, notamment, à éviter que les États membres ne puissent établir des obstacles discriminatoires à l'égard des États non membres de la zone euro ; à ce que soient engagées des mesures tendant à renforcer de la compétitivité, en particulier par le biais d'une réduction des charges administratives pesant sur les entreprises et par celui d'une simplification normative ; à permettre aux parlements nationaux d'opposer un « carton rouge » à certains projets de règle européenne - ce qui me semble être une bonne initiative - et, enfin, à autoriser une limitation des prestations sociales accordées aux travailleurs de l'Union européenne nouvellement arrivés.

J'en arrive maintenant aux conséquences économiques d'une sortie du Royaume-Uni. Avant cela, la perspective du référendum constitue, selon moi, l'occasion de nous remémorer les bénéfices économiques associés à l'appartenance à l'Union européenne.

S'agissant, tout d'abord, du Royaume-Uni, une récente publication de l'OCDE a mis en évidence le fait que, depuis son adhésion à la CEE en 1973, le PIB par tête y avait davantage progressé que dans d'autres pays anglophones, comme le Canada, l'Australie, la Nouvelle-Zélande, ou même les États-Unis ; en effet, le PIB par tête britannique a doublé entre 1973 et 2014 et a même été multiplié par quatre pour un plus petit pays comme l'Irlande, qui a rejoint la CEE la même année.

Les gains inhérents à l'appartenance à l'Union européenne en termes de PIB semblent également confirmés pour les autres États membres. Selon les études économiques disponibles, le PIB de l'Union serait de 5 à 20 % supérieur à ce qui aurait été constaté en l'absence d'intégration européenne.

C'est notamment lié au fait que la construction européenne a constitué un facteur déterminant de développement des échanges commerciaux entre les États membres. De même, l'ouverture économique favorise les investissements et exerce une influence réelle sur l'évolution de la productivité des facteurs de production en raison de la diffusion technologique, des savoir-faire ou de l'encouragement des efforts en matière d'innovation.

L'idée selon laquelle un éventuel « Brexit » aurait, à très court terme, des incidences économiques négatives semble faire l'objet d'un relatif consensus. En effet, nul ne peut nier qu'une sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne aurait, dans l'immédiat, des effets déstabilisants tant pour l'économie britannique que pour celles des autres États membres.

D'ailleurs, il semblerait que la seule perspective du référendum produise dès à présent des effets sur l'activité.

En effet, l'OCDE a relevé, depuis la mi-octobre 2015, lorsqu'a véritablement débuté la campagne précédant le référendum, une augmentation du coût de la protection contre le risque de défaut sur les titres de dette souveraine du Royaume Uni et un moindre dynamisme des marchés financiers britanniques et de la zone euro comparativement aux marchés américains.

De même, depuis la fin de l'année passée, l'OCDE a noté un net recul du taux de change de la livre sterling par rapport au dollar et à l'euro, en lien avec les incertitudes affectant les anticipations des investisseurs.

En outre, les informations relatives à l'investissement publiées par l'institut de statistiques britannique indiquent que l'investissement des entreprises a reculé de 2 % au quatrième trimestre de l'année 2015.

S'agissant de la période suivant immédiatement le référendum, le flou entourant la nature des relations qui prévaudraient entre le Royaume-Uni et l'Union ainsi que les réactions des différents acteurs en cas de « Brexit » pourraient donc avoir des conséquences significatives sur le financement de l'économie et, par conséquent, sur la consommation et les investissements, y compris sur le marché immobilier.

La Banque d'Angleterre a formulé de nombreuses mises en garde en ce sens au cours des derniers mois. En particulier, elle a rappelé l'importance des investissements étrangers dans le financement des « déficits jumeaux » du Royaume-Uni, soit les déficits de la balance commerciale et des administrations publiques. En outre, la banque centrale a souligné le défi que représenterait un « Brexit » pour la mise en oeuvre de la politique commerciale ; en effet, la Banque d'Angleterre devrait tout à la fois gérer une baisse du taux de change de la livre sterling et une dégradation de l'activité, qui impliquent des politiques de taux opposées.

Par conséquent, il est parfaitement illusoire de penser que la banque centrale serait en mesure de contrebalancer pleinement les effets négatifs d'une sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne sur l'activité britannique.

À plus long terme, les appréciations concernant les incidences économiques d'une sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne semblent moins consensuelles. S'il fait peu de doute qu'un « Brexit » présenterait des aspects positifs pour l'économie britannique, ceux-ci doivent néanmoins être relativisés.

Parmi les bénéfices d'un « Brexit » pour l'économie britannique, l'OCDE mentionne la possibilité pour le Royaume-Uni de procéder à une « déréglementation » plus poussée, qui « pourrait avoir quelques effets positifs » sur l'activité.

Toutefois, une telle perspective connaît deux limites principales. Tout d'abord, le Royaume-Uni figure déjà parmi les pays où l'encadrement des marchés est le plus « souple » et la législation du travail britannique est l'une des moins contraignantes en Europe. Ensuite, une intégration économique avec les États membres requiert une harmonisation minimale des législations nationales.

L'économie liée à la baisse de la contribution du Royaume-Uni à l'Union européenne devrait, elle aussi, être limitée, point sur lequel je reviendrai dans quelques instants.

Enfin, même si l'ancien maire de Londres, Boris Johnson, a estimé qu'un « Brexit » constituerait pour le Royaume-Uni une « occasion en or » de négocier ses propres accords commerciaux, tout porte à croire que les autorités britanniques auraient un pouvoir de négociation réduit, dès lors que celui-ci est étroitement lié à la taille de l'économie et du marché d'un pays.

Les études disponibles à ce jour font apparaître qu'une sortie de l'Union européenne aurait des conséquences globalement défavorables sur l'économie du Royaume-Uni. En effet, les canaux par le biais desquels un « Brexit » pourrait affecter l'économie britannique sont nombreux.

En premier lieu, un retrait du Royaume-Uni de l'Union pourrait s'accompagner d'une limitation des échanges commerciaux avec, d'une part, les États membres et, d'autre part, les pays avec lesquels l'Union a négocié des accords commerciaux. Cette limitation pourrait résulter du rétablissement de droits de douane et de la perte du bénéfice associé à l'existence d'une union douanière, qui entraînerait de nouveaux coûts administratifs douaniers pouvant représenter près du quart de la valeur des biens échangés.

En deuxième lieu, dans le domaine des services, il y a lieu de douter de la capacité du Royaume-Uni à préserver les facilités de son industrie financière à déployer ses activités dans l'Union européenne, comme je l'ai déjà souligné. En particulier, les établissements financiers britanniques pourraient perdre leur accès au « passeport européen », qui leur permet d'exercer dans tout État membre de l'Union ou de l'EEE sans autre agrément que celui accordé par l'autorité de régulation nationale britannique. Ainsi, on a vu la banque HSBC menacer de transférer une part importante de ses activités à Paris en cas de « Brexit ».

Cela pourrait se révéler d'autant plus problématique qu'en y intégrant les activités proches, comme l'assurance et les services professionnels liés, la fédération professionnelle TheCityUK estime que l'industrie financière participe au PIB à hauteur de 11,8 % et emploie 2,2 millions de salariés.

En troisième lieu, un « Brexit » pourrait avoir des incidences significatives sur le niveau des investissements au Royaume-Uni ; en effet, selon une publication du cabinet d'audit et de conseil Ernst & Young, l'accès au marché unique apparaît parmi les premiers motifs d'investissement au Royaume-Uni.

Ainsi, alors que les actifs détenus par des non-résidents représentent 530 % du PIB, le Royaume-Uni pourrait devenir moins attractif pour les investisseurs en cas de « Brexit ». Selon certaines analyses de chercheurs de la London School of Economics, une sortie du Royaume-Uni pourrait provoquer une baisse des investissements étrangers de 20 %.

En quatrième lieu, alors que la limitation de l'accès au territoire semble constituer un aspect central de la campagne en faveur du « Brexit », l'OCDE a rappelé que « les immigrants, en particulier des pays de l'Union européenne, ont stimulé la croissance du PIB au Royaume Uni » ; ainsi, selon l'Organisation, les immigrants auraient contribué à la hausse du PIB à hauteur de 0,7 point par an en moyenne depuis 2005, expliquant ainsi près de la moitié de la croissance.

En cinquième et dernier lieu, un « Brexit » pourrait peser sur l'évolution de la productivité britannique. De nombreuses études économiques ont relevé que l'ouverture commerciale exerçait une influence réelle sur celle-ci, par le biais de la diffusion de la technologie, des savoir-faire, des bonnes pratiques managériales ou encore des dépenses de recherche et développement.

Les canaux par le biais desquels un « Brexit » pourrait affecter l'économie britannique sont donc nombreux ; toutefois, ces derniers ne joueraient pas nécessairement dans les mêmes délais.

Ainsi, à moyen terme, l'activité serait essentiellement affectée par une hausse des primes de risque, par une dégradation de la confiance et par le ralentissement des échanges commerciaux. L'OCDE estime ainsi que, à l'échéance de 2020, un « Brexit » réduirait de 3,3 % le PIB par rapport à son niveau en cas de maintien dans l'Union du Royaume-Uni. Une étude proposée par PricewaterhouseCoopers évalue, quant à elle, l'incidence sur le PIB entre - 1,3 % et - 2,6 % ; celle qu'a publiée l'Institut national pour la recherche économique et sociale du Royaume-Uni, entre - 1,9 % et - 2,9 %.

À plus long terme, la décélération des échanges commerciaux continuerait de peser sur la croissance britannique ; néanmoins, cette dernière serait également affectée par la baisse des investissements, par une perte de compétences, nuisible à l'évolution de la productivité, que l'OCDE associe à une baisse des investissements directs étrangers ainsi qu'à une limitation de l'immigration, qui pèserait également sur la quantité de main-d'oeuvre disponible.

À l'inverse, les nouvelles marges de « déréglementation », tout comme la baisse de la contribution du Royaume-Uni au budget de l'Union européenne, pourraient bénéficier à l'économie britannique, quoique de manière réduite.

Au total, la moyenne des études disponibles montrent qu'à long terme un « Brexit » aurait une incidence sur le PIB du Royaume-Uni comprise entre - 1,6 % et - 4,1 %, l'estimation intermédiaire s'élevant à - 2,2 %. Aussi, la perte de revenu par tête pourrait être comprise entre 800 et 2 000 livres sterling par an, soit entre 1 050 et 2 600 euros environ.

Les incidences négatives associées à un « Brexit » se propageraient immanquablement en Europe, que ce soit en raison du recul des échanges économiques avec le Royaume-Uni ou d'une diffusion de la hausse des coûts de financement et des incertitudes. Ainsi, selon l'OCDE, « avec des chocs représentant entre un quart et un tiers de ceux auxquels le Royaume-Uni serait confronté, le PIB d'une Union européenne restreinte serait peu affecté en 2016, mais reculerait de près de 1 % à l'horizon 2020 ».

Bien évidemment, les incidences sur les différents États membres dépendraient de leur proximité économique avec le Royaume-Uni. Ainsi, l'Irlande compterait parmi les pays les plus affectés.

L'Allemagne et la France seraient, quant à elles, moins affectées par un « Brexit ». S'agissant de l'Allemagne, à l'horizon 2030, l'incidence sur son PIB par tête serait comprise entre - 0,08 % et - 0,33 %. Pour ce qui est de la France, le PIB par tête serait plus faible, de 0,06 % à 0,27 %, comparé à celui qui aurait été observé au cas de maintien du Royaume Uni ; cela signifie, à l'échéance 2030, une perte de revenu comprise entre 30 et 130 euros par habitant.

Il apparaît donc que ces États membres ont moins à craindre des conséquences économiques directes d'un « Brexit » que des incidences indirectes d'une sortie du Royaume-Uni, qui pourrait fortement fragiliser la cohésion de l'Union européenne ; en effet, les départs d'autres États membres pourraient s'accompagner d'effets économiques autrement plus graves.

Force est de constater que la question budgétaire a acquis une position centrale dans le cadre des débats relatifs au « Brexit ». En effet, les tenants d'une sortie du Royaume-Uni estiment que celle-ci permettrait de réduire, voire de supprimer la contribution britannique au budget de l'Union européenne.

Toutefois, les économies budgétaires à attendre d'un « Brexit » ne doivent pas, pour le Royaume-Uni, être surestimées, d'autant que le ralentissement de l'activité susceptible de résulter d'une sortie de l'Union pourrait venir peser sur les finances publiques.

La participation du Royaume-Uni au budget de l'Union s'est élevée à 15,2 milliards d'euros par an en moyenne entre 2010 et 2014. Toutefois, celle-ci est inférieure à la contribution théorique du pays, en raison de l'existence du « rabais britannique », institué durant les années quatre-vingt, d'un montant moyen de 4,3 milliards d'euros par an au cours de la même période.

Comme je l'ai déjà indiqué, contrairement à ce qu'avancent certains, un « Brexit » ne permettrait pas une économie d'un montant égal à l'actuelle contribution britannique au budget de l'Union européenne. En effet, le Royaume-Uni a reçu, au cours de la même période, 6,7 milliards d'euros par an en moyenne de crédits européens versés en faveur du financement de la recherche, dans le cadre du programme « Horizon 2020 », ou encore en faveur de la cohésion territoriale et de l'agriculture, en particulier au Pays de Galles et en Irlande du Nord. Dès lors, il paraît peu probable qu'en cas de sortie de l'Union les autorités britanniques ne soient pas contraintes de maintenir ces dépenses au niveau national.

Par conséquent, l'économie budgétaire que pourrait réaliser le Royaume-Uni en cas de sortie de l'Union serait, au plus, égale au montant de la contribution nette britannique au budget de l'Union européenne, soit 8,5 milliards d'euros au plus, ou 0,3 % du PIB, compte tenu de la moyenne observée entre 2010 et 2014.

Il s'agit néanmoins d'un maximum, dès lors qu'une telle économie nécessiterait que le Royaume-Uni cesse toute contribution au budget de l'Union européenne. Or, bien que n'étant pas membres de l'Union européenne, les pays de l'EEE et la Suisse contribuent au budget de l'Union. Si le Royaume-Uni rejoignait l'EEE dans des conditions similaires à celles de la Norvège, sa contribution au budget de l'Union européenne serait réduite de 9 % ; s'il se trouvait dans une situation identique à celle de la Suisse, cette contribution serait diminuée de 55 %.

En continuant de considérer la contribution moyenne nette du Royaume-Uni au budget européen observée au cours des années passées, l'économie résultant d'une sortie de l'Union serait donc comprise entre 760 millions d'euros et 4,6 milliards d'euros - soit entre 0,03 % et 0,18 % du PIB - selon que le pays rejoigne l'EEE ou parvienne à établir une relation bilatérale proche de celle de la Suisse.

Établir un bilan budgétaire du « Brexit » implique nécessairement de prendre en compte les conséquences de ce dernier sur l'activité économique et, partant, sur les recettes et les dépenses publiques. À cet égard, le Trésor britannique a estimé que, selon les scénarii, après quinze années, la perte de recettes publiques pourrait être comprise entre 20 et 45 milliards de livres sterling chaque année.

À plus court terme, l'impact sur les finances publiques serait également significatif. Les effets sur le solde public en 2020 peuvent être évalués, dans l'hypothèse de la conclusion d'un accord de libre-échange, à - 1,2 point de PIB et à - 1,9 point de PIB si les échanges entre le Royaume-Uni et l'Union européenne étaient simplement régis par les règles de l'OMC.

Il apparaît donc que, dans aucun des deux scénarii envisagés, un « Brexit » n'est associé à une amélioration de la situation budgétaire britannique, et ce en dépit de la diminution, voire de la suppression de la contribution du Royaume-Uni au budget de l'Union européenne.

Un retrait du Royaume-Uni de l'Union européenne pourrait avoir un coût budgétaire significatif pour les autres États membres. Il convient de relever que celui-ci ne devrait pas conduire à une répartition mécanique de la moindre contribution britannique au budget européen entre les différents États membres ; en effet, un « Brexit » éventuel aboutirait probablement à une nouvelle distribution de la charge représentée par le « rabais britannique », qui est actuellement partagée selon des modalités spécifiques. Dans ce cas, un pays comme la France constaterait une hausse de sa contribution au budget de l'Union du fait du report de la contribution britannique, mais verrait la charge supportée au titre du « rabais britannique » reculer.

Selon les scénarii envisagés, certains États pourraient même ressortir gagnants, d'un point de vue budgétaire, d'une sortie du Royaume-Uni.

Dans le scénario le plus défavorable, soit si le Royaume-Uni cessait toute contribution au budget de l'Union, la contribution de l'Allemagne serait accrue de 2,8 milliards d'euros, soit 10,8 % de hausse, celle de la France de 1,2 milliard d'euros, soit 5,6 % de hausse, et celle de l'Italie d'environ 860 millions d'euros, soit 6 % de hausse.

Si, en revanche, le Royaume-Uni concluait un accord bilatéral avec l'Union européenne et, à l'instar de la Suisse, contribuait au budget européen, le surcroît de contribution s'élèverait à 1,9 milliard d'euros pour l'Allemagne, soit une hausse de 7,3 %, à un peu plus de 500 millions d'euros pour les Pays-Bas, soit 7,8 %, à 490 millions d'euros pour la France, soit 2,3 %, et à 350 millions d'euros pour l'Italie, soit 2,2 %.

Enfin, si le Royaume-Uni rejoignait l'EEE et concourait au budget de l'Union dans les mêmes conditions que la Norvège - soit de manière significative -, la contribution de l'Allemagne augmenterait de 960 millions d'euros, soit de 3,6 %, et celle des Pays-Bas de 260 millions d'euros, soit de 4 %. À l'inverse, la contribution de la France serait réduite d'environ 220 millions d'euros, soit une baisse de 1 %, et celle de l'Italie de 170 millions d'euros.

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