Très clairement, en cas de « Brexit », les principaux perdants en termes de contribution au budget de l'Union européenne seraient les actuels bénéficiaires du « rabais sur le rabais britannique », soit l'Allemagne, l'Autriche, les Pays-Bas et la Suède.
Si les effets du « rabais sur le rabais » étaient maintenus, les contributions de la France et de l'Italie augmenteraient cependant dans des proportions similaires à celle de l'Allemagne.
Par suite, les incidences sur le solde public de la France découlant d'une évolution de sa contribution au budget de l'Union à l'issue d'un éventuel « Brexit » pourraient être comprises entre - 0,05 et + 0,01 point de PIB. Celles-ci pourraient même atteindre - 0,07 point de PIB en l'absence d'une remise en cause du « rabais sur le rabais britannique ».
À cela viendraient s'ajouter les effets, sur les ressources fiscales, d'une décélération de la croissance. À cet égard, la perte de recettes pourrait être comprise entre 10 milliards d'euros, soit 0,4 point de PIB, et 20 milliards d'euros, soit 0,8 point de PIB, en 2020, en comparaison avec leur niveau prévisionnel en cas de maintien dans l'Union européenne du Royaume-Uni.
Par conséquent, même si la France ressortait gagnante de la nouvelle répartition des contributions au budget de l'Union européenne, une dégradation de son déficit public serait à craindre en cas de « Brexit ».
Un « Brexit » constituerait une rupture dans l'histoire de la construction européenne. Outre le fait que, comme semblent le montrer les études disponibles à ce jour, une sortie du Royaume-Uni aurait des conséquences globalement négatives pour l'économie britannique et celles des autres États membres, un tel événement serait de nature à contribuer au réveil de forces centrifuges susceptibles de venir menacer la pérennité du projet européen.
Dans la perspective du référendum du 23 juin prochain, différentes questions semblent donc devoir être explicitement posées.
En premier lieu, quelle posture la France devrait-elle adopter dans l'hypothèse d'un « Brexit » ? La décision souveraine du peuple britannique devrait, dans un tel cas, être pleinement respectée, mais il paraît opportun de s'interroger sur les moyens de minorer les conséquences néfastes d'un tel événement pour la situation économique et budgétaire de notre pays.
En second lieu, dans la mesure où la tenue du référendum britannique vient révéler les fragilités actuelles de l'Union européenne, quelles inflexions et quels approfondissements devraient être envisagés concernant la construction européenne ?
Dans l'hypothèse d'un « Brexit », et bien qu'à titre personnel je la considère dangereuse, il importerait que la France soit en mesure de tirer son épingle du jeu. Tout d'abord, notre pays devrait se mettre en capacité d'attirer des entreprises, notamment financières, qui aujourd'hui ne voient que des avantages à profiter d'un environnement linguistique et culturel anglo-saxon tout en étant au sein de l'Union européenne depuis Londres, mais qui seraient très gênées de l'absence de « passeport européen » : elles pourraient avoir la tentation de revenir sur le continent, singulièrement en France.
Sans parler de dérouler le tapis rouge comme le Premier ministre David Cameron naguère, il nous faudrait, d'une part, mettre en oeuvre des réformes en matière fiscale, d'éducation, ou encore d'infrastructures qui permettraient de renforcer l'attractivité française pour les centres de décision et les activités à haute valeur ajoutée, une attractivité que nous avons perdue. Il est assez paradoxal, à cet égard, que les ingénieurs sortant de grandes écoles françaises, Polytechnique ou Centrale, partent tous pour les grandes banques de Londres... Toute cette culture française des hautes technologies dans lesquelles nos jeunes ingénieurs excellent pourrait très bien s'épanouir à Paris, et donc au sein de l'Union européenne, ce qui est in fine ce que recherchent les établissements financiers, soucieux de pouvoir travailler avec le « passeport européen ».
La France devrait nécessairement adopter une position visant à limiter l'ouverture de l'Union aux services financiers des États non membres. Suivant cette même logique, les autorités françaises devraient susciter des évolutions réglementaires tendant à ce que les activités portant sur des transactions en euros soient localisées dans la zone euro.
Ensuite, une sortie du Royaume-Uni devrait inciter la France à remettre en question les effets du « rabais britannique » sur le poids de la contribution au budget de l'Union européenne des États membres restants. En effet, le mécanisme du « rabais sur le rabais » vient significativement accroître la contribution de pays comme la France, l'Italie, ou encore l'Espagne.
De manière plus générale, le référendum britannique, quelle que soit son issue, invite à s'interroger sur les orientations de la construction européenne. À cet égard, des marges de progression demeurent pour ce qui est de l'intégration économique. Le programme de réformes économiques convenu lors du Conseil européen des 18 et 19 février 2016, qui prévoit notamment une simplification normative et une réduction des charges administratives, en particulier pour les PME, peut constituer une opportunité et mériterait d'être poursuivi.
Par ailleurs, la gouvernance économique de la zone euro gagnerait à être renforcée, sur fond d'harmonisation fiscale, de mise en cohérence des systèmes de protection sociale et de rapprochement industriel.
Quoi qu'il en soit, le désintérêt, voire le désamour croissant pour l'Union européenne ne pourra être combattu sur la seule base d'un projet économique. C'est l'ensemble du projet européen qui, du fait de sa faiblesse, est en jeu. En effet, pour renouer avec ses citoyens, l'Europe, qui passe pour se préoccuper plus de vétilles que des questions qui leur importent, devra être en mesure de pleinement se saisir des problématiques inhérentes à la sécurité intérieure, à la défense extérieure, ou encore à l'immigration, sauf à susciter des réactions comme celles d'un certain nombre de Britanniques, aujourd'hui tentés par le « Brexit ».