Je salue, outre ce débat européen, dont je me félicite, cet important travail sur les conséquences du « Brexit », notamment les simulations portant sur les contributions de chaque État membre, en fonction des modalités d'une éventuelle sortie Royaume-Uni de l'Union européenne. Il s'agit là d'une analyse très complète de l'impact économique et financier.
Je ne peux m'empêcher, après avoir entendu les propos de Michel Bouvard, de réagir de manière plus politique. Dans quel contexte sommes-nous, à la veille du 23 juin ?
Le Royaume-Uni a décidé, voilà quatre ans, de faire un review of competences des vingt-six politiques européennes afin de voir si elles étaient bien calibrées, travail qui a donné lieu à un rapport consensuel. Je vous invite à le lire. Il n'est malheureusement pas traduit, mais c'est une excellente analyse des politiques agricoles, de défense, des marchés...
David Cameron a rencontré une difficulté liée, un peu au UKIP, et beaucoup à la situation interne des conservateurs, partagés, pour une moitié, entre le souhait de rester membres de l'Union européenne et, pour une autre, celui de la quitter. Dans le discours de Bloomberg, qui a fait date, il a annoncé que, sur la base de ces analyses, il négocierait avec l'Union européenne de nouvelles conditions de fonctionnement de l'Union, mais pas du statut de la Grande-Bretagne. Il n'y aura pas, cher Michel Bouvard, de nouveau round de négociations financières.
Les points visés sont plutôt constructifs et ont fait l'objet de la négociation des 18 et 19 février derniers. On sait donc ce qui se passera en cas de remain, c'est-à-dire de maintien dans l'Union européenne : ces quatre points, qui ont fait l'objet d'un accord, devront être mis sur la table.
Je vous invite à consulter le point relatif aux parlements nationaux, qui prévoit une forme de subsidiarité renforcée. Un autre point concerne l'approfondissement des marchés, qui comporte une demande spécifique portant sur les marchés de l'énergie et du numérique ; il n'est pas inintéressant non plus : l'idée sous-jacente est que les marchés intérieurs ne sont pas parfaits.
Leur position sur l'euro est schizophrène : ils veulent, à la fois, être dedans et dehors, tout en contrôlant.
J'en viens à la question très délicate de l'accès aux aides sociales, sur laquelle les négociateurs européens ont trouvé un accord. Au Royaume-Uni, le débat politique portait sur le fait que ces aides constitueraient un complément de revenus pour des migrants intracommunautaires, soit 1 million de Polonais, 200 000 Baltes, etc. Les études ont montré que seuls 30 000 migrants bénéficiaient en effet de ces aides, c'est-à-dire, très peu ; c'est que ces personnes viennent pour travailler. C'est cependant devenu un sujet politique majeur.
Cet accord est donc délimité : un « chèque » britannique complémentaire n'est pas possible dans le cadre de ce processus.
Les Britanniques, qui ont rejoint l'Union européenne en 1972, ont organisé un référendum l'année suivante. Il n'est pas surprenant, quarante ans après, qu'un peuple souverain décide de revalider sa participation à l'Union.
Sur le vote à venir, beaucoup de choses ont été dites. Selon Roger Karoutchi, les analyses financières ne sont pas de nature à changer l'avis des Britanniques. Ce point de vue varie probablement selon les territoires. Philippe Dallier a rappelé que la culture financière était assez largement partagée au Royaume-Uni. Bien sûr, la zone d'influence de Londres se sent très concernée par l'évolution de l'industrie financière et les risques qu'une sortie de l'Union ferait peser sur ces activités.
En revanche, dans d'autres territoires ruraux, ou isolés, notamment à cause de la désindustrialisation - je pense au nord du pays, autour de Manchester -, le regard sera sans doute plus négatif sur l'Union européenne.
Les Écossais, cela a été dit, sont très pro-européens. Quant aux Irlandais, ils voteront sans doute massivement en faveur du remain, car ils ont très peur de raviver un conflit qu'ils viennent à peine de résoudre. Ils ont par ailleurs tracé à l'intérieur de leur île une frontière entre une zone intra-européenne et une zone extra-européenne, l'Irlande étant directement membre de l'Union.
J'en viens aux postures des uns et des autres.
Je rappelle que le très médiatique Boris Johnson, qui suit une stratégie personnelle et vise la direction du parti conservateur en 2020, s'est prononcé, de façon très étonnante, en faveur du leave.
Les travaillistes, traditionnellement très pro-européens, sont désormais plus partagés.
Il convient aussi d'analyser les enjeux d'ambition personnelle, comme celle Nigel Farage, le leader du UKIP, qui a échoué lors des dernières élections législatives, mais retrouve là une « nouvelle vie ».
Ce qui est frappant en Grande-Bretagne, notamment chez nos homologues de la Chambre des Lords, c'est la nostalgie du Commonwealth, encore très présente. Pour nous, c'est de l'histoire ; pour eux, c'est une réalité, celle de la zone d'influence anglaise dans le monde. Je rappelle que toute une série d'accords européens reprennent des accords historiques, par exemple pour l'importation de la viande de mouton avec la Nouvelle-Zélande.
Pour le dire brutalement, l'avis des vingt-sept États membres n'a pas vraiment d'impact sur les Britanniques. Ceux que nous avons rencontrés nous ont dit clairement que seul le président des États-Unis, pour des raisons historiques et linguistiques, pourrait avoir une influence favorable sur le maintien dans l'Union. Barack Obama s'est d'ailleurs rendu à cet effet en Grande-Bretagne et il « a fait le job ». Aujourd'hui, c'est donc le peuple britannique, souverain, qui décidera.
Pour conclure, j'ajouterai que tout, dans les propositions britanniques, n'est pas en faveur du Royaume-Uni. Ils ont une analyse qui leur est propre, très pragmatique, liée au marché et à l'économie, laquelle peut être source de progression pour Union européenne.