Intervention de Jacques Mézard

Réunion du 2 juin 2016 à 10h30
Autorités administratives indépendantes et autorités publiques indépendantes — Article 11, amendement 26

Photo de Jacques MézardJacques Mézard, rapporteur :

Là encore, il s’agit de trouver une solution de compromis avec l’Assemblée nationale. Nous proposons donc une solution de rechange à celle qui a été adoptée par la commission des lois à l’article 11, c’est-à-dire l’incompatibilité s’agissant de la détention directe ou indirecte d’intérêts en lien avec le secteur régulé.

Cette incompatibilité générale se heurte à la composition de certaines autorités, qui ont été conçues comme des régulateurs comprenant en leur sein des représentants issus du secteur régulé, choisis en raison de leur bonne connaissance du milieu économique. Quelle que soit l’appréciation portée sur ce choix, il se traduit dans la composition du collège de ces autorités : il est donc contradictoire, dans son principe, avec l’incompatibilité envisagée.

Notre amendement vise le même objectif de prévention des conflits d'intérêts en retenant une approche différente.

Le choix, imposé par la loi, de nommer au sein du collège une personnalité issue du milieu économique, s'effectue en toute connaissance de l'activité exercée par l'intéressé. En outre, le nouveau membre sera soumis aux mécanismes déontologiques prévus : obligations déclaratives, obligations de déport.

Il importe néanmoins qu'il ne puisse accéder, au cours de l'exercice de son mandat, à de nouvelles fonctions de dirigeant d'entreprise – mandataire social, chef d'entreprise, gérant – ou à une nouvelle activité professionnelle dans le secteur qu'il contrôle en tant que membre de l'autorité. En effet, dans pareil cas les conditions initiales qui avaient pu motiver sa désignation seraient profondément modifiées.

En outre, une « promotion » dans un nouveau secteur économique pourrait jeter le trouble concernant les contreparties obtenues auprès du membre.

Cette règle s’assortit de plusieurs précautions, afin de ne pas imposer d'entraves excessives à la carrière d'un membre de l'autorité issu du secteur privé.

D'une part, l’interdiction ne s'oppose pas à l'évolution de sa carrière dans une même entreprise ou groupe ou à l'évolution de la gouvernance au sein des organes dirigeants de cette entreprise, mais uniquement à l’exercice de nouvellesactivités ou fonctions au sein de nouvellesentreprises.

D’autre part, elle ne porte pas atteinte au droit de propriété, car aucune restriction n’est apportée à la détention de capital au sein de différentes sociétés.

Enfin, ne sont visés, sous une forme cumulative, que le secteur contrôlé par l'autorité et les fonctions ou activités entretenant un lien direct avec ce secteur.

J’attire l’attention de notre assemblée sur l’importance de cet amendement. Nous avons, récemment encore, connu des cas où une personnalité nommée membre du collège d’une autorité administrative indépendante disposant de grands pouvoirs s’est trouvée, quelques mois plus tard, nommée au conseil d’administration d’une grande entreprise de travaux publics. Ce n’est pas bien !

Il ne s’agit pas d’interdire l’entrée dans les collèges de personnes compétentes, mais d’empêcher que les membres des collèges ne profitent de leur position pour aller occuper de nouvelles fonctions dans une entreprise privée. Il s’agit d’une solution de compromis, utile, réaliste. D’ailleurs, monsieur le secrétaire d’État, il me semblerait extrêmement pertinent d’appliquer cette solution aux cas de certains hauts responsables du Trésor ou d’autres administrations…

Par conséquent, l’avis de la commission est défavorable sur l’amendement n° 26, madame la présidente.

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