Intervention de Daniel Laurent

Réunion du 1er juin 2016 à 17h00
Relance de la construction en milieu rural — Adoption d'une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Photo de Daniel LaurentDaniel Laurent, rapporteur de la commission des affaires économiques :

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission des affaires économiques, mes chers collègues, au cours des dix dernières années, les textes relatifs à l’urbanisme se sont succédé afin que l’urbanisation prenne mieux en considération les impératifs de protection de l’environnement et que les objectifs parfois contradictoires devant guider la décision d’ouvrir de nouveaux territoires à l’urbanisation se concilient de manière plus aisée.

Cette démarche n’a cependant pas toujours suffisamment pris en compte la nécessité d’accompagner les espaces ruraux dans leur développement économique et démographique. Or la construction en milieu rural ou dans les zones de montagne, pour autant qu’elle reste maîtrisée, constitue l’un des moyens du développement de ces territoires, en particulier lorsque ceux-ci sont éloignés géographiquement des centres urbains.

Ainsi, les dernières lois en matière d’urbanisme ont eu pour objet principal la limitation de l’étalement urbain, passant, notamment, par le respect d’un principe de « gestion économe de l’espace » en ce qui concerne les SCOT, les schémas de cohérence territoriale, et de « modération » de consommation de l’espace concernant les PLU, les plans locaux d’urbanisme.

Cet objectif de modération est nécessaire. Néanmoins, l’interprétation souvent stricte de ces notions par les services de l’État pénalise particulièrement les communes rurales ou les communes de montagne, dans lesquelles les ouvertures à l’urbanisation et le nombre d’autorisations de construire délivrées sont déjà significativement bas depuis plusieurs décennies. On en vient alors souvent, au nom des principes précités, à imposer à ces communes de limiter plus encore leurs possibilités de construire, en réduisant parfois à néant toute perspective de développement.

En outre, la réglementation relative aux constructions nouvelles peut conduire à des situations ubuesques. Ainsi, il est des cas où il est plus facile à un nouveau résidant de s’implanter dans une commune rurale qu’à un exploitant agricole retraité, qui a cédé sa ferme, de rester sur ses terres en aménageant certains locaux à usage agricole pour en faire son habitation principale.

Comme l’ont souligné les associations d’élus au cours des auditions, il faut reconnaître un véritable droit des communes rurales ou des communes de montagne à se développer. Ces territoires doivent rester des lieux de vie pour nos concitoyens et ne sauraient se transformer, dans leur majeure partie, en des « conservatoires » où plus aucune évolution du bâti ne serait envisageable.

Ainsi que le rappelle l’exposé des motifs de la proposition de loi présentée par notre collègue Jacques Genest et plusieurs membres du groupe Les Républicains, sachant que dix-neuf départements ont connu un déclin démographique entre 2010 et 2015, en raison essentiellement du manque d’opportunités professionnelles, de l’existence de déserts médicaux et administratifs, de la disparition des services et des commerces de proximité et de la fracture numérique, il convient de restaurer l’attrait des communes les plus rurales et, dans ce cadre, la construction est un outil de relance et de dynamisation locale essentiel.

Il ne s’agit évidemment pas de prôner l’abolition de tout encadrement, mais il faut procéder aux adaptations nécessaires pour que le développement rural ou le développement des territoires de montagne soit également et effectivement pris en considération par la législation relative à l’urbanisme. Celle-ci doit aussi favoriser un étalement urbain raisonnable, la lutte contre le mitage devant, dans le même temps, rester une priorité.

Des ajustements doivent donc être trouvés pour mieux répondre aux besoins ordinaires et légitimes des populations résidant dans ces territoires. C’est dans cette voie que nous engage cette proposition de loi, selon deux axes d’action.

Le premier vise à adapter davantage les contraintes d’urbanisation aux spécificités des communes rurales ou de montagne en consacrant expressément le développement rural au nombre des principes fondamentaux du droit de l’urbanisme, en facilitant le développement des constructions et installations utiles à l’exploitation agricole, en permettant la construction d’annexes et de dépendances aux constructions existantes dans l’ensemble des territoires ruraux et, parallèlement, là où les extensions et annexes sont déjà possibles, en assouplissant les conditions qui encadrent cette possibilité.

La proposition de loi vise également à assouplir les procédures d’autorisation de l’édification de nouvelles constructions ou de l’ouverture de nouveaux secteurs à l’urbanisation.

Ainsi, serait supprimé, dans certains cas, le caractère conforme de l’avis de la commission départementale de préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers, la CDPENAF.

Par ailleurs, le PLU pourrait prévoir des secteurs ouverts à l’urbanisation lorsque ceux-ci comportent des équipements de desserte réalisés ou programmés ou ont fait l’objet d’acquisitions foncières significatives de la part de la commune ou de l’EPCI compétent.

En outre, pour définir les objectifs chiffrés en matière de modération de la consommation de l’espace et de lutte contre l’étalement urbain compris dans le PADD, le projet d’aménagement et de développement durable, la taille des parcelles des communes de montagne ou à faible densité démographique devrait désormais être prise en considération.

Enfin, la réduction d’un espace boisé classé, d’une zone agricole ou d’une zone naturelle et forestière serait désormais soumise à la procédure de modification du PLU lorsque cette réduction est nécessaire pour accueillir un équipement collectif.

Le second axe d’action vise à rétablir ou à renforcer certaines participations d’urbanisme pour favoriser la réalisation des projets d’aménagement : d’une part, en rétablissant la participation pour voirie et réseaux, tout en en réservant le bénéfice aux seules communes de montagne ou faiblement peuplées ; d’autre part, en élargissant la possibilité, pour ces mêmes communes, d’instituer une majoration du taux de la taxe d’aménagement.

À l’issue des auditions que j’ai conduites et dans le cadre d’une démarche concertée avec notre collègue Jacques Genest, j’ai soumis à la commission des affaires économiques plusieurs amendements visant à assurer la plus grande efficacité juridique des dispositifs de cette proposition de loi, tout en les recentrant pour mieux répondre aux difficultés qui se posent sur le terrain.

Lors de sa réunion du 25 mai dernier, la commission a adopté ces amendements, ainsi qu’un autre émanant de notre collègue Rémy Pointereau. Ils visent notamment à autoriser de façon plus mesurée, par rapport à ce que prévoyait le dispositif initial, les constructions nouvelles en zones agricoles, à supprimer la possibilité de construire des dépendances, tout en précisant que les annexes aux bâtiments existants doivent être implantées à proximité du bâtiment principal, à limiter la possibilité d’ouvrir à l’urbanisation en zone de montagne, en discontinuité du bâti existant, aux seuls secteurs ayant d’ores et déjà fait l’objet de travaux de desserte ou d’acquisitions foncières significatives de la part des collectivités, à mieux définir les communes rurales susceptibles de mettre en place la participation pour voirie et réseaux et à donner la possibilité d’en exempter, comme c’était le cas auparavant, les opérations de construction de logements sociaux, tout en instaurant un principe de non-cumul de cette participation avec le taux majoré de la taxe d’aménagement, à étendre aux constructions des coopératives d’utilisation de matériel agricole la dispense de recours à un architecte pour la construction de certains bâtiments à usage agricole.

Ainsi recentré, le texte adopté par la commission nous permettra de progresser dans le traitement de cas concrets, qui se posent quotidiennement dans nos campagnes, sans remettre en cause les protections qui s’imposent dans les milieux agricoles, naturels ou forestiers, lesquels font la richesse de nos territoires.

Lors de sa réunion de ce matin, la commission a également adopté, sur mon initiative, un amendement tendant à régler un problème pratique récurrent concernant le mode de comptabilisation des espaces ouverts à l’urbanisation.

Ces dispositions constituent des orientations pour des évolutions nécessaires, que la navette parlementaire permettra, le cas échéant, de préciser et de conforter.

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