Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, cette proposition de loi d’une dizaine d’articles, opportunément soumise à notre examen pendant le congrès des maires – qui, je le constate, nous prive de la présence d’un certain nombre de nos collègues… –, se présente comme un moyen d’ouvrir de nouvelles possibilités de construction dans les zones naturelles et agricoles afin, selon ses auteurs, de rétablir l’attractivité des zones rurales et de « promouvoir un aménagement du territoire rationalisé et équilibré ».
Nous ne pouvons que partager ces objectifs, mais force est de constater que les mesures contenues dans la proposition seraient bien pires que le mal, comme je vais m’employer à le démontrer.
Se fondant sur des données partielles, portant sur une poignée de territoires, les défenseurs de la proposition de loi considèrent que l’artificialisation des sols ne serait pas préoccupante en zones rurales, et qu’elle toucherait davantage les pôles urbains. Partant de cette idée, ils proposent d’ouvrir de manière débridée les vannes à la construction, en passant par pertes et profits les outils existants et les dispositifs d’encadrement destinés à garantir la cohérence de l’aménagement du territoire, l’attractivité des territoires ruraux, la préservation des paysages et du foncier agricole, la continuité urbaine pour un meilleur accès aux équipements.
Ce raisonnement est spécieux : parce que l’artificialisation des sols toucherait davantage les zones périurbaines, la préservation des paysages et du foncier agricole ne serait plus importante ?
D’ailleurs, si l’on se penche sur les statistiques les plus récentes de l’administration portant sur les surfaces des sols artificialisés, on constate que la consommation d’espace s’opère en réalité à plus de 50 % aux dépens des terres agricoles et des milieux semi-naturels. De fait, si l’extension urbaine se produit globalement autour des villes, c’est bien dans le monde rural que la surface imperméabilisée par habitant est la plus forte.
Le rythme actuel de consommation de terres agricoles est de 50 000 hectares par an. S’il se maintient, la France aura perdu 8 % de son potentiel agricole d’ici à 2050, après en avoir déjà perdu 15 % au cours des cinquante dernières années. Voilà ce qui doit nous préoccuper, mes chers collègues !