Intervention de Jean-Claude Luche

Réunion du 1er juin 2016 à 17h00
Relance de la construction en milieu rural — Adoption d'une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Photo de Jean-Claude LucheJean-Claude Luche :

Il faut se féliciter de cette situation, car cela permet de faire connaître au-delà des frontières du département les traditions et les talents aveyronnais.

Cependant, cela implique aussi, pour l’Aveyron, un risque permanent de déficit démographique, qui l’expose à une désertion de l’activité économique et des services publics. Prenons un simple exemple : d’ici à trois ans, il y aura 630 enfants de moins scolarisés en primaire dans le département de l’Aveyron. Si l’on retient le chiffre de trente enfants par classe, ce sont donc plus de vingt postes qui seront supprimés, et autant d’actifs qui risquent de quitter le département.

Voilà la situation et l’enjeu auxquels doivent faire face des départements ruraux comme le mien aujourd’hui ! Cette situation est d’autant plus préoccupante que, parallèlement, dans les zones urbaines, la concentration de l’habitat entraîne des difficultés tant économiques que sociales, avec des phénomènes de paupérisation.

Dans ce contexte, nous n’avons pas d’autres choix que de nous lancer avec toutes nos forces et toute notre énergie dans la reconquête démographique. Cette reconquête passe par le développement de l’attractivité, qui seul permettra d’amorcer une hausse du nombre d’habitants dans nos territoires et de combler le déficit démographique qu’ils connaissent ou risquent de connaître.

Pour ne parler que de mon département et montrer combien cette attractivité est primordiale, il faut savoir que, sans l’apport migratoire, l’Aveyron perdrait des habitants au lieu d’en gagner. En effet, nous enregistrons actuellement davantage de décès que de naissances. Ce constat ne vaut pas que pour mon seul département.

Alors, comment faire pour engager cette reconquête démographique ? Les solutions sont multiples.

La bataille se mène bien sûr dans les territoires, au plus près des enjeux ruraux. J’y œuvre dans mon département, comme l’ensemble de mes collègues élus ruraux, dont je veux saluer le travail et l’engagement sans faille. Elle se mène également à l’échelon national, grâce à des dispositifs comme les contrats territoriaux de développement rural, que nous avons adoptés en première lecture au Sénat au mois d’octobre dernier.

Aujourd’hui, le combat doit passer par la construction. En effet, au risque de vous décevoir, madame la ministre, la réhabilitation des centres-bourgs ne suffit pas : les résultats sont là !

Le présent texte va dans le bon sens en permettant d’amorcer une relance de la construction qui créera les conditions nécessaires à la naissance d’une réelle dynamique territoriale dans les zones rurales.

Nombreux sont les urbains qui souhaitent venir ou revenir s’installer dans nos départements ruraux. La qualité de vie qu’offrent ces territoires attire notamment les jeunes parents. Néanmoins, le désir d’une meilleure qualité de vie, l’attrait de la beauté des paysages et du calme des grandes étendues ne suffisent pas à emporter la décision de s’installer ; bien souvent, c’est l’offre qui crée la demande.

En tant que président du conseil départemental, j’ai fixé l’objectif de porter à 300 000 habitants la population de l’Aveyron. Je le constate au quotidien : tous les territoires du département ne sont pas concernés de la même manière par la reprise démographique.

De quoi les actifs ont-ils besoin pour « sauter le pas » et venir s’installer dans nos départements ruraux ? Ils ont tout d’abord besoin d’un toit. Ensuite, ils sont à la recherche de services publics et d’activités culturelles qui ne peuvent se développer que si, préalablement, la construction est dynamique.

Or, dans les communes rurales, la construction se heurte trop fréquemment à des freins juridiques, les règles n’ayant pas été pensées en fonction de leurs spécificités et de leurs contraintes propres. Par ailleurs, l’interprétation souvent stricte des règles d’autorisation de construction par les directions territoriales de l’État, notamment par vos services, madame la ministre, nous empêche de mettre en application un certain nombre de directives.

Il s’agit non pas de revenir sur les grands objectifs qui ont guidé depuis plusieurs années l’élaboration des textes relatifs à l’urbanisme, comme le respect de l’environnement et des paysages ou la modération de l’élargissement de l’urbanisation, mais de lever des contraintes qui pèsent sur les communes rurales, brisant les initiatives et menaçant l’attractivité de celles-ci, sans que leur raison d’être et leur efficacité soient démontrées.

Ce dont nous avons besoin aujourd’hui, c’est d’une ruralité réinventée, moderne, dynamique, attractive. Cela n’est en rien contradictoire avec le respect de son territoire et la préservation de ses paysages. Comment mieux les mettre en valeur, en effet, qu’au sein d’une ruralité vivante et rayonnante ? Ils ont tout à perdre, a contrario, si la ruralité se désertifie et se meurt.

Au fond, qu’est-ce qu’un paysage ? C’est une étendue, une vue, naturelle ou transformée par l’homme, qui présente une certaine identité. Il peut également représenter un témoin historique ou un vecteur culturel. En cela, le bâti y a toute sa place. Je pense notamment à mon département, qui se distingue par la diversité de sa géologie et de sa géographie : plateaux rocheux et plateaux calcaires, gorges et vallées, monts et montagnes.

Il est passionnant d’observer comment la construction s’est adaptée à chaque territoire, à chacune de ses particularités, et à l’usage agricole propre à chaque endroit. De ce fait, aujourd’hui, il n’existe pas de style aveyronnais homogène à l’échelle du département, mais on trouve un style caussenard sur les plateaux des Grands Causses, un style lévézou, un style ségala, dans les collines et les monts.

Il ne faut pas avoir peur de faire vivre la ruralité. Quand la loi ALUR vient assouplir les possibilités de changement de destination dans les zones agricoles des PLU ou ouvrir une possibilité limitée d’extension de bâtiments, elle va dans le bon sens, sans pour autant dénaturer nos communes rurales. Depuis toujours, les agriculteurs transforment et élargissent leurs biens au fur et à mesure qu’évoluent leurs besoins. C’est le propre de la ruralité, et les ruraux l’ont toujours bien compris. Transformer le patrimoine, l’aider à se reconvertir, c’est l’entretenir.

Le conseil départemental de l’Aveyron et son conseil d’architecture, d’urbanisme et de l’environnement, CAUE, ont ainsi participé à une réflexion sur la reconversion de zones rurales en zones d’habitation ou en zones touristiques.

Aujourd’hui, nous avons tout à gagner à travailler à une répartition plus juste du territoire et à donner la possibilité et l’envie de venir s’installer dans les zones rurales, en les rendant beaucoup plus attractives.

C’est bien d’un enjeu de survie qu’il s’agit aujourd’hui pour les départements ruraux, ne l’oublions pas ! Le groupe UDI-UC votera cette excellente proposition de loi.

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