Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission des affaires économiques, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, cette proposition de loi déposée par les sénateurs du groupe Les Républicains se fonde sur l’idée qu’il y aurait trop de normes, notamment dans les domaines de l’urbanisme et du logement, et que celles-ci constitueraient des obstacles à la volonté des élus. Ce sont bien sûr les lois SRU, littoral et ALUR qui sont visées.
Pourtant, ce qui fait obstacle à l’action publique, à nos yeux, ce n’est pas l’excès des normes, bien souvent utiles au regard de l’intérêt général, mais la pénurie de ressources liée à la baisse des dotations, en particulier, et aux politiques d’austérité. C’est d’ailleurs l’un des appels lancés par les maires de tous les horizons politiques : cessez la saignée des collectivités !
En ce qui concerne la volonté de reconnaissance de la spécificité des communes rurales qui sous-tend cette proposition de loi, nous ne pouvons que partager le constat des difficultés que rencontrent ces territoires, difficultés qui excèdent largement la thématique de la possibilité de construire des logements individuels sur les terres agricoles.
L’objet de ce texte est clair : il s’agit de faciliter le développement de lotissements en zone rurale. Or nous ne pensons pas que l’avenir et le dynamisme du monde rural passent par la création de davantage de lotissements, grands consommateurs de terres agricoles ou naturelles. D’ailleurs, M. le rapporteur a fait adopter plusieurs amendements tendant à revenir sur les aspects les plus libéraux d’une proposition de loi qui ouvre la voie à une urbanisation pas suffisamment maîtrisée. Ainsi, la référence aux dépendances, pas définie juridiquement, a été supprimée, et le caractère de « proximité » des annexes a été affirmé.
Au fond, deux problématiques sous-tendent cette proposition de loi.
La première est celle des difficultés du monde agricole et des agriculteurs. Si nous partageons l’inquiétude exprimée, nous ne pensons pas, pour autant, que la réponse réside dans la facilitation de l’urbanisation des terres : elle tient avant tout à une meilleure répartition de la plus-value entre producteurs et distributeurs, qui devrait assurer des prix rémunérateurs pour les agriculteurs.
La seconde problématique est celle de la ruralité. Nous estimons que celle-ci mérite mieux que cette proposition de loi, mieux que le droit au développement rural affirmé à l’article 1er. En effet, la notion de « ruralité » figure d’ores et déjà dans le code de l’urbanisme. Il y est d’ailleurs aussi fait référence à la revitalisation des centres ruraux, tout comme au nécessaire équilibre entre population urbaine et population rurale.
De fait, l’application des dispositions du présent texte pourrait entraîner la remise en cause du principe d’une utilisation économe des espaces naturels, la préservation des espaces affectés aux activités agricoles et forestières et la protection des sites, milieux et paysages naturels. Nous ne pouvons souscrire à une telle orientation, sachant que l’équivalent d’un département disparaît tous les sept ans du fait de l’urbanisation non maîtrisée. Tous les syndicats agricoles nous ont maintes fois alertés, oralement et par écrit, sur ce sujet.
Dans le même esprit, nous ne pouvons approuver la proposition de supprimer l’avis conforme de la commission départementale de la préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers.
Pour notre part, nous pensons que la problématique du logement en zone rurale recouvre deux questions fondamentales et prioritaires : celle de la revitalisation des centres-bourgs et celle de la constructibilité des « dents creuses », fondamentalement différente des enjeux qui sous-tendent ce texte. Le Morbihan est en première ligne sur le sujet.
Permettre la construction dans les « dents creuses », c’est non pas ouvrir de nouvelles terres à l’urbanisation, mais densifier les centres-bourgs ou les hameaux. La vision défendue reste celle d’un aménagement équilibré et d’une utilisation économe de l’espace, prenant en compte les besoins en matière de logements et de diversification des activités.
Un très grand nombre de conseils municipaux du Morbihan ont adopté des vœux, pour demander que la loi ALUR soit modifiée en ce sens. Je citerai le maire d’une commune très rurale de 1 000 habitants, située à plus de vingt kilomètres de la ville la plus proche.