Dans la période actuelle, celles et ceux qui utilisent massivement les outils numériques et continuent de s'équiper sont loin de constituer une petite élite. Cela remet en cause nombre de certitudes figées depuis des décennies.
Pour schématiser, les technologies de l'information et de la communication ont progressé par phases de vingt-quatre ans. Premier cycle : de 1936, année de publication de l'article d'Alan Turing qui pose les principes théoriques de ce qu'est un automate, jusqu'en 1960 ; cycle au cours duquel l'ordinateur est inventé et trouve un marché, celui de l'entreprise. Deuxième cycle : de 1960, sortie de la série des gros ordinateurs IBM 360, jusqu'en 1984, lancement du Macintosh par Apple ; c'est le cycle de l'informatique de gestion. Troisième cycle : de 1984 à 2008 ; c'est le cycle d'internet, de la transformation des grands systèmes en matière de santé, d'éducation, de transports, etc.
Chacune de ces étapes soulève son lot de questionnements et d'enjeux.
Le premier cycle est marqué par une révolution scientifique et le règne de l'intelligence artificielle. Le débat s'oriente autour de la cybernétique et de la conception de l'homme, avec des penseurs formidables comme Norbert Wiener, connu pour ses positions humanistes. Aujourd'hui, malgré les prouesses récentes de la machine au jeu de go et contrairement à ce que certains affirment, l'issue du match entre l'intelligence des machines et l'intelligence humaine n'est pas définitivement scellée : on assiste à une sorte de recombinaison des rapports entre intelligence artificielle et intelligence collective.
D'aucuns s'efforcent de faire apparaître le transhumanisme comme un enjeu culturel majeur, avec cette idée que, nécessairement, l'homme sera battu à plate couture par l'intelligence des machines et qu'il n'aura pas d'autres possibilités, pour augmenter ses capacités, que de doper son intelligence humaine grâce à des ajouts électroniques. Je ne crois absolument pas à cette vision des choses.